La politique anti-nitrates renforcée, la mauvaise surprise de l’été
La ministre de l’Ecologie a annoncé une très forte augmentation du nombre
des communes classées en zone vulnérable. 170 communes sont concernées dans le Puy-de-Dôme.
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Les agriculteurs s’attendaient à un durcissement du zonage anti-nitrates mais pas à ce point- là. Mercredi 23 juillet, Ségolène Royal annonçait la couleur en Conseil des ministres : 3 900 communes supplémentaires vont être classées en zones vulnérables au regard de la qualité des eaux. Rien moins que 63 000 exploitants seraient concernés.
Pourquoi une telle extension ? D’une part, Bruxelles demandait que soit plus largement pris en compte le problème de l’eutrophisation des eaux (excès de végétation). Le gouvernement a donc conçu un critère, celui de 18 milligrammes de nitrates par litre d’eau, considéré comme un facteur d’eutrophisation. Analyses faites, c’est ce qui a conduit à rajouter 3 900 communes sur la liste de celles qui sont classées vulnérables.
18 milligrammes contestés
Ce critère est unanimement contesté par les organisations agricoles notamment par la Fnsea et l’Apca (Chambres d’agriculture). L’eutrophisation n’est pas due qu’aux nitrates, affirme Guy Vasseur, président de l’Apca, qui insiste aussi sur la responsabilité des phosphates, plutôt d’origine urbaine et sur le fait qu’un même critère est utilisé quel que soit le type de masse d’eau (continentale, littorale..). « La valeur a été retenue en cohérence avec ce qui est pratiqué par les bassins pour la prise en compte de l’eutrophisation littorale et marine », explique-t-on au ministère de l’Agriculture, faisant référence à la gestion du problème des algues vertes.
Un jugement le 4 septembre
Contesté ou pas, ce nouveau dispositif est là pour répondre à la pression des autorités européennes très actives sur la qualité de l’eau. La France est régulièrement pointée du doigt pour le mauvais état sanitaire de ses eaux. Le 4 septembre, la Cour de justice de l’UE doit statuer, à la demande de la Commission, sur le contenu des programmes d’action anti-nitrates engagés par la France. Sur ce sujet, on n’en est pas encore au stade de l’amende à payer. Mais un autre contentieux oppose la France à l’Union européenne : celui qui porte, justement, sur le classement des zones vulnérables. Là, c’est une amende de 20 millions d’euros plus une astreinte de 3,5 millions par mois qui pourraient être infligées au pays. Il n’est pas question de risquer de devoir payer cette amende, explique-t-on dans l’entourage du ministre de l’Agriculture. Et de souligner que l’Allemagne, les Pays Bas, le Danemark, l’Irlande avaient fait classer l’ensemble de leurs pays en zone sensible.
Nouvelles contraintes
Reste à savoir comment les exploitations d’élevage, principales concernées, vont faire face à la nécessité de moderniser leur exploitation et leurs pratiques. «Cela ne passe pas au niveau du terrain souligne Guy Vasseur. Ni les exploitants ni les techniciens ne comprennent qu’on empile de nouvelles mesures au lieu de remettre à plat le mécanisme ».
Depuis plusieurs mois, l’État et les régions planchent sur un plan de modernisation des exploitations. Budget, environ 200 millions d’euros financé par l’Europe, l’État français et les régions. Ces plans régionaux de développement ont été transmis par les régions à Bruxelles. Dans les régions touchées par l’extension des zones vulnérables il faudra s’adapter, orienter des sommes prévues sur d’autres objectifs, vers la lutte anti-nitrates. Il n’empêche : l’argent risque de manquer. La ministre de l’Écologie a promis que les agences de l’eau mettraient la main à la poche. Cela suffira-t-il ?
Claude Raynaud, administrateur de l’Udsea et céréalier à Luzillat
Pour satisfaire des exigences européennes et des idéaux politiques, Mme le Ministre de l’environnement a annoncé la proposition de classement de 3888 communes françaises de plus en zone vulnérable. Cette annonce, comme beaucoup de positions gouvernementales, n’est fondée sur aucun argument scientifique et technique. De plus, elle intervient en période estivale et de gros travaux pour le monde agricole. Pour satisfaire un dogme on sacrifie une activité économique qui fait beaucoup d’effort pour satisfaire les exigences réglementaires. Faire fi de tout ce cheminement allant des reliquats d’azote, du fractionnement, des calculs de fumure… est un outrage à la profession.
Comment demain pérenniser une filière qui va de la recherche au produit fini ? L’agriculture ne pourra plus fournir du blé correspondant à la demande de l’aval, que vont devenir les blés améliorants de Limagne qui nécessitent 3,6 unités d’azote au quintal ? Pourtant, ils sont à la base d’une chaine économique qui a su investir et créer de l’emploi, participant ainsi aux 11 milliards d’excédents de l’agroalimentaire. Si le projet était adopté tel-quel, l’Etat porterait alors la lourde responsabilité de ses décisions, mais la profession saura réagir pour retrouver la raison.
Propos recueillis par JA 63 et Udsea 63