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La Guiguite, un p’tit truc en plus

Depuis quatre générations, la famille Vigouroux fait vivre le bourg de Mandailles, avec un hôtel-restaurant, une boulangerie,... Et des spécialités qui font la renommée de l’enseigne.
 

Deux personnes derrière un bar
Après les honneurs de la presse locale, France 2 viendra tourner à Mandailles début décembre sur l’histoire de la famille Vigouroux.
© M. V.

Y aurait-il un p’tit truc en plus pour expliquer la renommée du célèbre mille-feuilles de la Guiguite ? Au risque de décevoir les plus gourmands, il n’y a rien de plus que des œufs, du sucre glace, de la farine, et un peu d’arôme de vanille. À la limite, cette pâtisserie profite-t-elle de “l’air du pays”, sourit Christophe Vigouroux, à l’œuvre devant son plan de travail, qui jouxte l’hôtel-restaurant des Genêts d’or et donc la célèbre  “La Guiguite”, la boulangerie qui fait également office d’épicerie, de presse, de relais postal, bancaire,… 
L’air du pays, la famille Vigouroux le respire à pleins poumons depuis quatre générations. À Mandailles, Lisa, l’arrière grand-mère de Christophe, s’illustre en cuisine Au bout du Monde. En 1933, elle traverse la rue pour installer son propre commerce. Un bar “où les papys venaient boire et jouer aux cartes”. Mais pas que : il y avait aussi des chaussures, de la mercerie, des affaires scolaires,… “Elle avait déjà le sens du commerce !” Sa fille, Marie, rejoint l’entreprise, suivie par Marguerite, la maman de Christophe, qui se souvient que “gamins, on mangeait avec les clients à côté de nous ! On a été élevés avec eux”. 
Ils sont six enfants à y user leurs fonds de culotte, “il y avait toujours à faire ici !” Trois ont repris non pas le commerce mais les commerces, puisque La Guiguite s’est enrichie dans les années 90 d’un hôtel-restaurant. Une façon pour les parents Vigouroux de “garder les enfants sur l’affaire. À l’époque, on ne pensait pas qu’on serait encore là mais finalement, ça s’est fait naturellement”, confie Christophe, qui assure en cuisine tandis que son frère, Jean-Luc, gère la partie boulangerie et leur sœur, Véronique, les Genêts d’or. “Personne n’est formé pour ce qu’il sait faire ! On n’a aucun diplôme, on a tout appris sur le tas, la pâtisserie, la boulangerie, la cuisine,...” La fratrie Vigouroux a été quand même à bonne école, et ce, dès qu’ils ont été hauts comme trois pommes. “Même papa, qui, était tailleur de pierre, a appris la boulangerie et nous a transmis ce qu’il savait ; notre mère, c’était la cuisine. Et les jours de fête à Mandailles, on était réquisitionné pour faire les mille-feuilles ! Au départ, on ne faisait que le montage. Après, on a appris la crème pâtissière et enfin le feuilletage. On est né là dedans !”

“Le reste aussi est bon !”

Pas le temps de se poser la question de savoir si on a envie de faire autre chose, la succession de Marguerite est assurée par trois de ses enfants. Et puis, tout le monde y a été habitué : avec Christophe, on profite du meilleur mille-feuilles de la vallée ; avec Jean-Luc, on attend le passage ou le porte-à-porte du camion de la tournée quotidienne pour s’offrir du pain, des baguette, du seigle ; et avec Véronique, c’est l’assurance d’être chouchouté toute l’année à l’hôtel-restaurant, qui compte 50 places et deux terrasses. En plus de toutes ces activités, une boutique de souvenirs est ouverte en période estivale, grâce à l’appui de saisonniers, qui viennent en renfort des trois gérants et de deux salariés. “Nous sommes le plus gros employeur de la commune !”, rigolent le frère et la sœur, qui peuvent également compter sur le soutien de leur maman quand il s’agit d’éplucher les pommes de terre ou les pommes.


Et il faut être au moins ça pour satisfaire les desiderata des clients, friands du mille-feuilles bien sûr, mais aussi de la tarte aux myrtilles, aux framboises, de la tarte à la tome ou encore du suprême de Christophe. “Ce sont les quatre produits qu’on nous demande le plus. La brioche aussi, faite un peu comme à l’ancienne, attire les cyclistes qui viennent le dimanche matin”, détaille Véronique. Sans flagornerie, elle explique le succès de son frère tout simplement parce que “tout est excellent. Il fait tout bien”. Et pas besoin de tuto ou d’une quelconque astuce farfelue pour déguster le mille-feuilles sans que la crème ne se fasse la malle : “Le feuilletage, je le tiens de ma grand-mère, qui elle-même l’avait appris à Paris. Il est tellement léger qu’il suffit d’une lame fine pour le couper. Pas besoin d’appuyer, il ne bougera pas ! Il faut juste le consommer rapidement, il reste bon les jours d’après mais il devient moins croustillant.” 
En quelques minutes, Christophe peut assembler à la demande les trois épaisseurs de croûte, les deux de crème pâtissière, le tout saupoudré de sucre glace, et il en faut à peine plus pour le savourer. “Quand les gens entrent à la boutique, ils ont une idée bien précise. On essaye d’en avoir tous les jours mais en période estivale, les ventes peuvent tripler avec les maisons secondaires, les campings,… Donc il peut en manquer même si la fabrication est quotidienne. On préfère dire que nous n’en avons plus plutôt que de servir du congelé. Alors on essaye de les orienter sur autre chose, on leur dit que le reste est très bon aussi !” 

Mandailles sans sa Guiguite ?

Depuis l’époque de sa grand-mère, le labo a évolué : la diviseuse a fait son apparition, alors qu’avant, tous les pains étaient pesés à la main, un par un. Le four à bois a aussi été remplacé par un équipement au fioul ; reste le laminoir, “le plus vieux du fournil”, qui marque le temps qui passe…
Qui pourrait aujourd’hui envisager Mandailles sans sa Guiguite ? Sans les Vigouroux au four et au moulin de génération en génération ? La question se posera inévitablement dans quelques années… “Ça va que nous avons encore la santé mais nous ne ferons pas ça dix ans de plus. J’ai 56 ans, mon frère quatre ans de plus, ma sœur aura 60 ans. Donc oui, on y pense”, avoue Christophe, le seul à avoir “migré” à Saint-Julien-de-Jordanne. “De toute façon, on arrêtera tous en même temps, ça ne tournera pas les uns sans les autres même si on touche à tout.” 
Un sacerdoce de plus de 30 ans qui implique des sacrifices, notamment l’été, avec des journées de 10-12 heures : “Ma femme Marilyne me supporte, surtout mes absences. Pendant deux-trois mois, on ne se voit que le matin, pour partager le petit-déjeuner.” Leurs deux enfants ne devraient pas reprendre l’affaire, “déjà parce qu’ils sont petits donc le temps qu’ils se décident… Et puis ils ne sont pas nés dedans, ce n’est pas pareil que nous…”  
 

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