La fin des relations interprofessionnelles ambitieuses
Dans bon nombre de secteurs, les relations interprofessionnelles sont en panne. Les interprofessions gèrent des sujets consensuels mais moins stratégiques que les conditions de partage de valeur ajoutée. En cause, les règles des autorités de la concurrence, la taille grandissante des entreprises et, aussi, la difficulté de s’entendre entre maillons d’une même filière.

« Il n’y a plus d’interprofession laitière » a lancé à plusieurs reprises, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. Une appréciation à l’emporte-pièce. Pourtant, curieusement, elle ne suscite pas de protestation de la part des intéressés. Le Cniel, centre national interprofessionnel de l’économie laitière, qui existe bel et bien, est loin d’avoir le rôle qu’il avait naguère. Il n’y a pas que le lait. Où que l’on se tourne, vers la viande bovine, porcine, les relations interprofessionnelles, impliquant les fédérations de producteurs agricoles, les syndicats de transformateurs ou de coopératives et plus rarement les distributeurs, n’ont plus l’importance qu’on a voulu, naguère, leur donner. À qui la faute ? Sans doute à l’évolution de la Pac avec la fin des quotas, à l’émergence de très grandes entreprises qui veulent discuter en direct avec leurs coopérateurs ou fournisseurs, aux autorités de la concurrence qui ont sanctionné certains accords dès qu’ils touchaient de près ou de loin les prix, et aussi à l’incapacité de certaines filières à se mettre d’accord sur des sujets stratégiques.
Retour sur le lait
Jusqu’en 2008, les trois branches de l’interprofession discutaient chaque trimestre sur les tendances à donner au prix du lait payé aux éleveurs. Après des années de tolérance, la direction générale de la concurrence a décidé de mettre fin à cette pratique, non sans convenir aux transformateurs qui voyaient venir la fin des quotas, la volatilité des prix du lait et la possibilité de s’approvisionner hors de France. Depuis, le Cniel n’a jamais retrouvé la possibilité d’exercer un rôle économique stratégique sur la filière. En juillet 2015, son président, Thierry Roquefeuil claque la porte de l’interprofession. Motif, en pleine crise de l’élevage, les transformateurs ne veulent rien faire pour les éleveurs. Dit en termes plus polis : « J’ai démissionné de la présidence du Cniel car les transformateurs refusaient de prendre en compte l’aspect économique au sein de l’interprofession », martèle-t-il. Il n’a d’ailleurs pas été remplacé depuis. Olivier Picot (industriels laitiers) assume l’intérim. Pourtant, l’année 2015 aurait pu être celle où une interprofession paraisse plus nécessaire que jamais.
La suite dans le Réveil Lozère, page 3, édition du 28 janvier 2016, numéro 1344.