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La charolaise, victime de son succès

Présente partout, forte de son succès, la charolaise prend cependant de plein fouet la crise du secteur allaitant. Trop nombreuses, avec une conformation qui ne répond pas à la demande, les vaches à la robe argentée ont vu leurs cotations chuter en 2015 par rapport à d’autres races.

© F. D'Alteroche

Entre une vache limousine et une vache charolaise, « il existe encore un différentiel de prix de 0,20 euro à 0,30 euro/kg en vif », estimait le 4 janvier Jérôme Chartron, chef des ventes du marché au cadran de Châteaumeillant. Durant l’été 2015, les cotations de la vache charolaise ont été souvent pointées du doigt par les syndicalistes, signe de la chute des cours... et du revenu des éleveurs allaitants. Les cotations ont frôlé celles des vaches laitières de réforme. D’autres races de vaches allaitantes comme les limousines, les blondes d’Aquitaine ou encore les parthenaises n’ont pas tant fait parler d’elles. Pourquoi ? « La charolaise pâtit surtout de son succès », analyse Fabien Champion, chef de projet à l’Institut de l’élevage. Pour Jérôme Chartron, « on s’est aperçu cet été que la charolaise était une race en manque de débouchés ». Il parle d’une « vraie prise de conscience collective » de la part des éleveurs, liée à la chute des cours. Effectivement, « la charolaise c’est 1,6 million de vaches soit 20 % du cheptel français », annonce fièrement le site internet du Herd-Book charolais. « En France, une vache sur deux du troupeau allaitant est une vache charolaise ! La charolaise est aussi la première race à viande en Europe avec 25 % de l’effectif total de vaches », est-il encore écrit.

1,6 million de vaches charolaises en 2015
Didier Bastien, chef de projet à l’Idele et auteur d’un rapport sur la qualité de la viande de jeune bovin1, confirme ce phénomène : « La charolaise est la première race française en termes d’effectif. Il y a vingt ou trente ans, elle s’écoulait en boucherie traditionnelle. Aujourd’hui, ce débouché arrive en troisième position derrière les grandes surfaces (GMS), la restauration hors foyer, et la transformation. [...] À défaut de trouver preneur, le gros de la charolaise part plutôt en GMS par défaut, en fond de rayon. » Pour lui, les viandes de charolaises ou limousines sont équivalentes en termes de qualité. Par contre, il constate que pour les bouchers, « la race charolaise en termes de rendement est inférieure à une limousine ou à une blonde d’Aquitaine ». « Trop d’os » diraient les professionnels ! Jérôme Chartron confirme que le format de la race répond peu à la demande des acheteurs, « même si les éleveurs sont en train de faire marche arrière » en cherchant « des animaux plus fin d’os et mieux conformés ». Cela dit, sur les rings des concours, ce n’est pas forcément ce type d’animaux qui est encore primé ! Dominique Daul, vice-président de la Fédération nationale bovine, parle d’« une grande et grosse vache », avec « un petit facteur de rendement ». Pour autant, interrogé à la sortie d’une réunion avec des bouchers, il reste positif : « La charolaise a encore beaucoup d’avenir. Il faut relativiser un peu les propos » car la race est encore très demandée. « Le marché de la limousine est relativement restreint », affirme-t-il.

Blondes, limousines, aubracs, des marchés de niche ?
Blondes d’Aquitaine, limousines, aubracs survivent grâce à des marchés de niche et peut-être aussi... un petit effet de mode ! Les prix « tiennent tant qu’il y a des débouchés », affirme Didier Bastien. « En femelle, dans cinq ou dix ans, on va aller vers le même processus [qu’en charolais, ndlr]. On a de plus en plus de mal à trouver de la place pour nos races à viande (vache de réforme et taurillon) » Laurent Trémoulet, directeur export du port de Sète, ne se pose pas tant de question : « La référence reste la charolaise. C’est là où les lots [de broutards, ndlr] sont les plus homogènes. Ce sont des clônes ! » Sète reste la plaque tournante des exportations de bovins vivants, broutards notamment, vers l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et la Turquie. Selon lui, « la salers a le vent en poupe, la blonde reste trop fragile et les lots d’aubracs sont trop hétérogènes », surtout quand « on fait des volumes ». Dominique Daul conclut que « l’origine ne suffit plus. Il faut apporter quelque chose de plus, mais qui ne soit pas hors de prix pour l’éleveur non plus. S’il existe des marchés de niche, il faut aussi gagner sa vie avec d’autres marchés ».

1. « La viande de jeunes bovins de race à viande – caractérisation de sa qualité comparativement à celle de vaches Charolaises ». Didier Bastien - Institut de l’Élevage - juin 2015

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