« Je veux sécuriser mon irrigation et ne pas arroser à outrance »
Adrien(1), agriculteur en Limagne, a pour projet de construire une réserve d’eau pour sécuriser son irrigation.
Dès la fin juillet, plus de 200 agriculteurs de Limagne Nord ont subi la fermeture des vannes du barrage de la Sep ; une première depuis sa mise en service, au début des années 1990. Des milliers d’hectares de cultures, notamment de maïs semences, se sont retrouvés sans une goutte d’eau au cours de l’été le plus chaud et le plus sec de l’histoire de la Limagne. Selon les prévisions climatiques à l’horizon 2050 sur le Puy-de-Dôme, un pareil évènement est appelé à se répéter. Alors certains agriculteurs ont choisi de prendre les devants pour ne plus se sentir démunis. C’est le cas de Adrien installé à une trentaine de kilomètres de Clermont-Ferrand. D’ici quelques mois, une réserve d’eau alimentée par un forage vieux de 30 ans sortira de terre sur son exploitation pour sécuriser son approvisionnement.
Une réserve de 10 000 m³
Comme beaucoup de ses collè-gues, Adrien a été privé d’eau durant une partie de l’été 2019. Irrigant sur le barrage de la Sep, l’épisode a commencé par une réduction des volumes et la mise en place de tours d’eau avant l’arrêt complet. Producteur de blé, de maïs semences et consommation ainsi que d’oignons et de pommes de terre, le manque d’irrigation a eu des conséquences désastreuses sur son exploitation. « Ma production d’oignons a été divisée par deux. Je n’ai pas pu honorer toutes les commandes de mes acheteurs. Désormais, ils demandent des garanties. Ils veulent une sécurisation de leurs approvisionnements. » L’idée de cons-truire une réserve d’eau, alimentée par un puits existant sur l’exploitation, lui trottait dans la tête depuis quelques temps. L’été dernier a mis un terme à ses hésitations. « Je n’ai plus le choix. Si je veux sécuriser ma production, mon revenu, conforter les filières pour lesquelles je travaille mais aussi me donner la possibilité de développer de nouvelles cultures sur mon exploitation, je dois sécuriser mon approvisionnement en eau. »
D’ici quelques mois, une réserve semi-enterrée d’une surface de 4 000 m² et d’une capacité de
10 000 m³, verra le jour sur sa ferme. Une pompe placée dans le puits adjacent remplira cette dernière pendant l’hiver puis au mois d’avril si les niveaux le permettent. Ainsi, Adrien bénéficiera au mieux de 20 000 m³ d’eau en plus de son volume sur le barrage de la Sep. « L’objectif n’est pas d’utiliser de l’eau à outrance mais de sécuriser mon irrigation. J’essaie de suréquiper mon système pour me prémunir des futures sécheresses, améliorer ma production mais aussi améliorer l’efficience de l’eau sur mon exploitation. »
Après la réserve, Adrien projette de revoir son matériel d’irrigation pour s’orienter vers le « goutte à goutte » ou les rampes.
Un contexte favorable
Avant toute chose, l’agriculteur a dû déposer un dossier auprès de la DDT et une étude hydrologique a été menée pour évaluer l’impact de ce prélèvement d’eau sur le milieu. « Je vais pomper dans un puits alimenté par une nappe superficielle. Je ne peux pas prendre n’importe quelle quantité d’eau au risque de faire plus de mal que de bien. Encore une fois, le but est de sécuriser mon irrigation pas d’arroser à outrance. » L’étude validée, l’agriculteur attend désormais le feu vert de la DDT pour débuter les travaux ainsi que le retour positif de son dossier de subvention au Conseil Régional AuRA. S’il est accepté, sa réserve d’eau sera « subventionnée à hauteur de 40% ».
Entre le début de sa réflexion et le premier coup de pioche, à l’automne prochain, une année se sera écoulée. Adrien témoigne avoir bénéficié d’un contexte favorable à la réalisation de son projet. « Il y a une réelle volonté politique dans le département, de faire avancer les dossiers de stockage de l’eau. L’admi- nistration a complétement joué son rôle de régulateur dans le respect de la réglementation. Je crois important de souligner que son rôle n’est pas évident. Elle est prise entre le marteau et l’enclume : entre la profession et les acteurs du territoire qui veulent avancer et un SDAGE très lourd et restrictif. » Désormais, l’agriculteur attend de voir aboutir sa réserve et espère que d’ici là, les élus de sa commune auront « changé de regard ».
(1) Le nom a été changé.