GRANDES CULTURES : Une moisson décevante à tous les niveaux
La récolte suscite de grosses déceptions en volume, qualité et prix. Pas une culture n’est là pour rattraper l’autre.
“Dans toutes les productions, il n’y a pas de rendement, pas de prix, pas de qualité », avance François Berson, directeur de la collecte chez Soufflet, dont la zone d’activité forme un large croissant de Rouen à Metz. « Cela promet de gros soucis pour les agriculteurs, certains vivant une mauvaise année pour la troisième fois de suite. La Bourgogne souffre très fort », précise-t-il. Une exception d’après lui, le long de la côte Atlantique engrange une moisson « globalement correcte». L’orge d’hiver voit ses rendements chuter de 30 % par rapport à la bonne récolte de l’an passé, soit une fourchette de 50 à 60 q/ha pour Soufflet.« Le problème majeur vient du calibrage, entre 50 et 60 % », déclare François Berson, avec un PS (poids spécifique) « très faible » de 55 à 60 kg/hl et un taux de protéines« plutôt élevé » à 11,5-12 %. « On aura juste assez pour fournir la malterie»Plusieurs raisons sont avancées : excès de pluie, manque de soleil et fortes gelées au printemps.
Un potentiel gâché
La coopérative Dijon Céréales a dressé le 21 juillet un bilan « catastrophique » de la moisson, qui aggrave la situation économique d’exploitations déjà fragilisées.« Les pertes de rendement en orges d’hiver et escourgeons seront de l’ordre de 20 % et ce, dans tous les secteurs, d’après un communiqué.On parviendra péniblement à 50-55q/ha de moyenne. » Autre point noir, le calibrage de 60 % (le calibrage mesure la capacité à être utilisé en orge de brasserie). « Voir l’ensemble des cultures dérailler comme ça, c’est du jamais vu », affirme Matthieu Berlin, responsable céréales de SeineYonne. L’orge d’hiver avait pourtant bonne mine jusqu’à fin mai, d’après lui. Au final, elle affiche 55 à 57 q/ha (-30 à -35 % d’une année sur l’autre), un calibrage entre 50 et 55 % (-30 points), un PS de 57 kg/hl (-10 points). « Contrairement à d’habitude, peu de différences sont à noterd’une région à l’autre : la météo a joué, pas le type de sol », indique-t-il. L’hétérogénéité est en revanche bien présente dans d’autres régions. En Normandie, Cap Seine enregistre 70 à 80 q/ha en orge d’hiver à mi-parcours de la collecte, un niveau inférieur à la moyenne historique. Oubliés les bons scores habituels, 2016 ressort comme « une moisson très hétérogène », souligne le responsable de la collecte Franck Roger.« Ça fait trente ans qu’on n’a pas vu une telle Bérézina », raconte Maurice Caillaud, directeur de la collecte au sein de la coopérative nordiste Advitam. L’orge d’hiver tombe entre 55 et 59 kg/hl de PS après un fort cumul de pluie.Encore plus à l’est, la coopérative lorraine EMC2 affiche sa déception en termes de volume, de calibrage des orges d’hiver. S’ajoutent un taux d’impuretés « très élevé », d’après le responsable céréales David Meder : «Des grains sont mal formés, pas remplis», ce qui donne « beaucoup d’enveloppes vides ». Avec aussi un grand nombre de grains fusariés, qui en fin de compte se retrouvent peu dans les bennes grâce à « des moissonneuses-batteuses assez performantes ».
Catastrophe annoncée en blé tendre
« On sent la catastrophe arriver en blé tendre », prévient François Berson (Soufflet), annonçant 30 à 60 q/ha. Une forte hétérogénéité se dessine côté rendement, aussi d’un point de vue qualitatif. Le PS ressort très bas avec une moyenne envisagée de70-71 kg/hl, mais le négociant s’attendait à pire. Seul vrai point positif, le taux de protéines supérieur à 11,5 %. Les premières livraisons de blé tendre chez Dijon Céréales laissent augurer une situation « tout aussi préoccupante » qu’en orge d’hiver « voire pire » : le rendement tournerait autour de 50 q/ha, soit -30 % d’une année sur l’autre. « Le blé tendre a souffert de l’excès d’eau : en terres lourdes, les rendements sont pénalisés », analyse pour Ocealia le responsable des flux de céréales Jean-Michel Delavergne (ex-Charentes Alliance), à mi-parcours de la collecte.En blé dur aussi, Ocealia note une qualité disparate, notamment en taux de protéines.
Le pois tombe au plus bas
C’est le pois qui semble le plus décevoir. Plusieurs organismes stockeurs relatent des parcelles non récoltées, comme chez Vivescia. « Le pois d’hiver a subi de très fortes attaques en fin de cycle, de botrytis, parfois aussi des bactérioses », raconte le directeur des activités agricoles Jean-Olivier Lhuissier, qui situe les rendements entre 1-10 q/ha ou 3-30 q/ha selon les zones de pression maladies, pour une moyenne générale de 15 q/ha. Soufflet parle d’une fourchette de 0 à 10 q/ha, avec « beaucoup de pois d’hiver à 0 q/ha » suite à des excès d’eau, des bactérioses. Le pois de printemps semble moins pénalisé.
D’après Agra