Échanger en groupe sur ses pratiques de sol vivant
Le 27 novembre, une vingtaine d'agriculteurs et de conseillers agricoles du Limousin, du Lot et de Dordogne étaient réunis à Boussac à l'initiative de la Fédération régionale des groupes d'étude et de développement agricole (FRGEDA). La journée était consacrée au lancement du projet Mise en réseau des projets Agro-écologiques via les Collectifs en Limousin (MIRACL) et à la visite du groupe de développement de Boussac.
Faire émerger du réseau des projets collectifs innovants, confronter les expériences, mettre en commun les acquis, sont au coeur du travail des groupes de développement agricole. La fédération régionale qui oeuvre dans ce sens depuis des années, a lancé fin novembre le projet MIRACL. Son objectif : amplifier la diffusion de pratiques agro écologiques en s'appuyant sur des projets collectifs et accompagner l'émergence de projets, visant notamment la constitution de GIEE. Il devrait bénéficier de financements de la DRAAF dans le cadre du projet pilote régional et d'une aide du Crédit Agricole. « Les idées émergent plus vite dans les collectifs, a rappelé Jean Lavergne, président de la FRGEDA, en ouverture de la journée. Un agriculteur qui innove va plus vite en groupe, trouve des réponses en se confrontant à ses pairs. C'est ensemble qu'on doit travailler pour acquérir plus d'autonomie dans la prise de décisions. » Le travail en groupe permet en outre de lever les freins et les peurs d'entreprendre comme l'a souligné Jean-Pierre Del Corso, sociologue : « Lorsque l'agriculteur a la preuve que ça peut marcher, le changement de pratiques n'est plus une contrainte mais devient une opportunité. Le collectif permet de franchir des étapes ». Pour illustrer cette dynamique, la FRGEDA avait convié les participants, dont la DRAAF, à visiter le GIEE de Boussac et notamment la ferme d'Olivier Grimaud qui travaille sur l'agriculture de conservation des sols.
Le CODAR de Boussac et l'agriculture de conservation
Au début des années 2000, 7 polyculteurs-éleveurs et 2 céréaliers, membres du comité de développement agricole et rural (CODAR) de Boussac se lancent dans le travail simplifié du sol En 2010, ils expérimentent des itinéraires techniques d'agriculture de conservation en grandes cultures. Leur projet vise un meilleur fonctionnement du sol, une diminution des intrants et des charges, un allongement de la rotation avec introduction de protéines et de cultures de printemps, une meilleure autonomie alimentaire de leurs troupeaux par la maîtrise des cultures dérobées. Il comporte 4 volets : constitution de références techniques et économiques, acquisition ou renforcement de connaissances, conseil individuel et collectif et communication/vulgarisation. Aujourd'hui, ce groupe « semis direct » bénéficie de l'appui technique de la chambre d'agriculture, via Céline Herbain. Les membres sont convaincus de l'intérêt économique et environnemental de cette approche. Comme les références techniques obtenues en grandes cultures ne sont pas adaptables directement aux systèmes de polyculture-élevage, les éleveurs doivent composer avec la valeur alimentaire des couverts végétaux en inter-cultures et tenir compte de l'indisponibilité temporaire de certains pâturages.
Répondre aux besoins du terrain
Pour clore la journée, les participants ont échangé sur le changement de pratiques et la volonté de créer un réseau. « Observer son sol redonne goût au métier. C'est plus motivant de faire pousser en s'inspirant de ce que sait faire la nature, témoigne un participant. La période de transition entre deux systèmes est difficile et on est parfois tenté de revenir en arrière mais en groupe, on se forme, on échange, on se réassure ». Ils expliquent se heurter parfois au regard des autres : « Le plus dur pour changer, c'est dans la tête. Il faut décompacter les cerveaux. »
Ils sont également revenus sur leurs besoins qui existent même pour les plus aguerris : « Ce qui me manque, c'est comprendre ce qui se passe dessous : les macroéléments, les oligoéléments, les champignons, les mycorhizes, indique un agriculteur. Il faut assimiler la théorie pour en pratique mieux comprendre son sol. »
Le projet MIRACL avancera à deux vitesses : des groupes d'experts et des groupes de néophytes en faisant le lien entre les deux pour inciter les agriculteurs intéressés à suivre l'exemple des pionniers.