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Des fromagers/affineurs qui voient enfin le bout du tunnel...

Au terme d’une procédure qui aura duré 13 ans, les tunnels d’affinage des entreprises Duroux et Charrade intègrent officiellement la zone d’appellation du cantal.

Une intégration définitive des tunnels dans l’aire d’appellation cantal : un soulagement pour les fromagers et affineurs. Ici Cyprien Duroux dans le tunnel de Pandrignes.
Une intégration définitive des tunnels dans l’aire d’appellation cantal : un soulagement pour les fromagers et affineurs. Ici Cyprien Duroux dans le tunnel de Pandrignes.
© P. O.

8 mars 2007 : au Salon de l’agriculture, le ministre Bussereau appose sa signature sur le décret qui ouvre une nouvelle ère et dynamique pour l’AOP cantal avec, entre autres, la formalisation de durées d’affinage pour chacune des trois catégories de l’appellation. Le cantal AOP sera jeune entre 30 et 60 jours d’affinage, entre-deux entre 90 et 120 j, vieux au-delà de 240 jours. Dans ces intervalles, une fourme ne peut être commercialisée sous l’appellation. Une véritable (r)évolution qui va cependant soumettre deux affineurs de la filière à un véritable casse-tête : la fromagerie Duroux, comme la société Charrade, dispose d’un tunnel d’affinage hors de la zone d’appellation. Selon les termes du nouveau décret, dès lors qu’un cantal sort de l’aire de l’AOP, son "nom" est figé. Concrètement, un cantal jeune amené dans l’un de ces tunnels pour y être affiné davantage resterait jeune ad vitam æternam ! Tout aussi ubuesque : impossible de transférer vers ces tunnels un cantal entre deux âges sauf à lui faire perdre l’appellation !

Un affinage naturel "select"

L’enjeu est de taille pour ces deux opérateurs : le tunnel de Duroux, de 300 mètres de long et situé à Pandrignes, entre Tulle et Argentat (Corrèze), à 45 km du siège de la fromagerie, se voit confié près d’un tiers des cantal produits à la fromagerie de Rilhac-Xaintrie. Installé lui aussi sur une ancienne ligne de chemin de fer (Saint-Flour-Brioude), le tunnel Cournil de Lubilhac, en Haute-Loire, frontalier de La Chapelle-Laurent, a déjà accueilli jusqu’à 4 400 pièces, soit 30 % environ des pièces affinées par Charrade. Enfouis tous deux sous une centaine de mètres de terre, ces tunnels ferroviaires reconvertis en cave affichent une température et une hygrométrie constantes couplées à une vitesse de ventilation particulière, mais aussi à une flore endémique, implantée il y a plusieurs décennies déjà. Un cocktail qui va conférer aux fromages un croûtage et un goût uniques. "Le tunnel est un réel exhausteur de goût, deux fromages produits avec le même lait, la même technologie... n’auront pas le même rendu selon qu’ils sont affinés ou pas dans le tunnel. On obtient plus facilement le boutonnet orange et davantage de longueur de pâte, décrit Cyprien Duroux, responsable commercial de l’entreprise(1). À Pandrignes, on a aussi des conditions un peu plus chaudes qui boostent l’affinage."
N’entrent donc pas qui veut dans ces tunnels : seules des fourmes (entre-deux et vieux) sélectionnées pour leur capacité à se bonifier dans cet environnement spécifique ont droit à ce séjour "VIP". "On adapte notre savoir-faire à cette cave naturelle", abonde Géraud Brunhes, associé de la maison Marcel- Charrade (affineur).

Un savoir-faire et patrimoine sauvegardés

Reste à faire entendre ces arguments à l’INAO dans le cadre d’une demande portée par le Cif (Comité interprofessionnel des fromages) visant à l’introduction des deux tunnels dans l’aire de l’AOP cantal. Plusieurs études, commissions d’enquête... sont diligentées. En attendant l’issue de cette procédure, les deux entreprises bénéficient d’une dérogation les autorisant à utiliser ces tunnels. Les années passent, les dérogations s’enchaînent et la pression monte de plusieurs crans avec, sur la période, l’évolution d’une réglementation européenne qui fait de l’unicité et la continuité l’alpha et l’oméga des aires d’appellation d’origine. Des principes auxquels dérogeaient une nouvelle fois nos fameux tunnels. "En 2016-2017, on était vraiment inquiets, témoigne Cyprien Duroux. On avait une politique d’investissement sur notre tunnel qu’on a stoppée dans l’attente de la décision de Paris et Bruxelles." Pour Géraud Brunhes, une fin de non recevoir aurait été synonyme non seulement d’une perte de volumes, de qualité des produits, de marchés auprès de crémiers demandeurs d’un affinage en tunnel, mais aussi d’un vrai savoir-faire et patrimoine collectifs à l’échelle de la filière : "Dans le comté, ils ont les forts(2), on n’a rien à leur envier avec nos tunnels !"
Il faudra finalement 2020 et le premier déconfinement pour obtenir gain de cause. Un vrai soulagement pour les deux entreprises et le Cif : "On a axé notre stratégie sur le fait que ces tunnels étaient souterrains et on a réussi à faire entendre cet argument avec l’acceptation de la seule longueur de ces deux tunnels d’un point de vue cadastral", explique Yves Laubert, directeur du Cif. Une intégration définitive dans l’aire de l’appellation qui sonne comme un regain d’espoir au terme d’une année sérieusement chahutée pour la filière AOP cantal.   

(1) Et qui incarne la quatrième génération de fromagers-affineurs chez Duroux.
(2) Comme le fort de Rousses lui aussi devenu cave d’affinage.

LEG : Une intégration définitive des tunnels dans l’aire d’appellation cantal : un soulagement pour les fromagers et affineurs. Ici Cyprien Duroux dans le tunnel de Pandrignes.

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