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Cultiver l’herbe : la solution pour affronter le changement climatique

La 11e édition de « l’Herbe de nos Montagnes » organisée à Laqueuille la semaine dernière a posé plusieurs raisonnements et réponses sur la gestion et la préservation de l’herbe face au changement climatique.

«L’Herbe de nos Montagnes» a réuni près de 400 personnes dont plus de 200 scolaires sur la journée.
«L’Herbe de nos Montagnes» a réuni près de 400 personnes dont plus de 200 scolaires sur la journée.
© M. Comte


La semaine dernière se déroulait à l’Herbipôle-INRAe de Laqueuille, la 11e édition de « l’Herbe de nos Montagnes ». Réalisée conjointement entre les Chambres d’agriculture du Puy-de-Dôme et du Cantal, l’INRAe et l’EDE, cette journée tournée vers la ressource herbagère avait le changement climatique pour fil rouge.
Les trois années successives de sécheresse donnent un avant goût de ce qui attend les éleveurs. Les conséquences de cet épisode (toujours en cours) pèsent sur les exploitations et interpellent « le monde agricole » qui se « remet en question » selon David Chauve. Le président de la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme a ouvert cette journée technique en rappelant l’intérêt pour les éleveurs de revoir certaines de leurs pratiques. « Notre défi face au changement climatique est de maintenir notre capacité de production. L’herbe se cultive plus que jamais ! »

Peut-on prédire un aléa ?
Les pratiques agricoles sont adaptées à leur environnement pédoclimatique. Le changement climatique a ainsi l’incroyable capacité à balayer ce qu’hier encore était la norme. Des températures plus élevées, une évapotranspiration plus que doublée et des pluies plus éparses voilà ce que vit chacun d’entre nous depuis trois ans maintenant et qui obligent les agriculteurs à revoir leur système. L’adapation est le pilier de la résilience agricole de demain. Néanmoins, est-il possible d’adapter un système aussi complexe que celui d’une exploitation agricole, à un climat futur dont on sait encore si peu de choses ?
Pascal Carrère, de l’Unité Mixte de l’Ecosystème Prairial à l’INRAe, s’est posé cette question en essayant de définir quels pourraient être les aléas de demain. « Par définition, un aléa est un événement imprévisible qu’il soit d’ordre climatique (gelées tardives, sécheresses...) ou même biologique (espèces invasives, risques sanitaires...). Ce qui est certain en revanche, c’est qu’aucune exploitation agricole ne subit le même aléa et ne ressent sa gravité de la même manière. Néanmoins, même si certains éléments sont incertains, il faut travailler (la recherche, la science, l’agronomie... NDLR) à diminuer la vulnérabilité des systèmes. » Selon le chercheur, le changement climatique aura certes des effets négatifs sur la production mais pourrait tout aussi bien avoir « des effets avantageux » dont il faut tirer profit.

Pâturage : retrouver de la réactivité
L’élévation moyenne des températures a ainsi pour conséquences « une précocification de la date de mise à l’herbe des troupeaux ». Stéphane Violleau, conseiller fourrage à la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, a analysé le phénomène et relevé « qu’un jour d’avance a été gagné rien que sur ces trois dernières années ». La précocité paraît gigantesque à cette échelle mais il note néanmoins « qu’elle reste lente à l’échelle de plusieurs decennies puisqu’elle n’est que de trois jours entre 1980 et nos jours ». Le conseiller appelle alors les éleveurs à s’adapter et adapter leurs pâtures pour « réagir rapidement et non plus subir ».
L’une des solutions à cet enjeu repose d’abord dans la connaissance de ses prairies. Le DIAM (DIAgnostic Multifonctionnel des prairies) apporte à celui qui le réalise un bilan précis de son système fourrager mais aussi des services économiques et environnementaux fournis par sa ressource herbagère jusqu’à la qualité du produit carné. Géraldine Dupic et Pascale Faure de la Chambre d’agriculture de Puy-de-Dôme en réalisent de plus en plus et à chaque fois la réaction des éleveurs est similaire. « Ils sont surpris par la précision de ce diagnostic et la masse d’informations qu’il fournit. »
Nicolas Guitard, éleveur au Gaec du Midi à Saint-Genès-Champespe (63) a réalisé deux DIAM à 10 ans d’intervalle pour dit-il « identifier et corriger les lacunes de mon système ». Le premier diagnostic a mis en évidence un sous-stock de fourrages qui occasionnait des achats plus importants de concentré. « Nous avons eu une grosse remise en question de notre récolte de fourrage avec mes associés. Nous avons revu notre parcellaire, réalisé des chemins, implanté des points d’abreuvements, adopté du pâturage tournant... À terme, nous avons diminué notre chargement de 1,4 UGB à 1,2 UGB et de 36 % nos achats de concentré. Dans le même temps, notre production de lait a augmenté de 15 %. » Le second diagnostic est en cours et Nicolas Guitard le perçoit davantage comme « un bilan comptable de ma ressource fourragère ».
Cette méthode d’analyse n’est pas réservée aux seuls producteurs laitiers mais à tous les éleveurs. Richard Randanne, éleveur de brebis allaitantes à Vernines (63), a lui aussi réalisé récemment un DIAM. Là encore, son témoignage démontre l’intérêt de la démarche. « Je voulais connaître mes prairies et surtout leur capacité de production. Comme tous les producteurs agricoles, le changement climatique m’interroge et m’inquiète. J’avais besoin de lever certains doutes pour me rassurer et m’adapter avec plus de précisions. »

L’arbre, l’ami de la prairie tranquille
Si le DIAM permet aux éleveurs de revenir à la culture de l’herbe et d’en valoriser chaque brin, il ne protège pas physiquement les prairies des aléas climatiques. Les fortes chaleurs sont les ennemies numéro 1 des prairies mais aussi des animaux qui y pâturent.
Mickaël Bernard, de l’INRAe de Theix, travaille depuis quelques années à protéger ce microcosme prairial en ayant recours aux arbres. Ses recherches ont démontré dans une parcelle où l’on compte 60 arbres/ha, « une concurrence très faible » entre les géants ligneux et les brins herbagers. « Avec le réchauffement, la pousse de l’herbe est plus précoce et démarre même avant la reprise de feuillage de certains arbres d’essences tardives. La concurrence pour l’eau ou encore la lumière est donc minime. »
Lors des fortes chaleurs, l’arbre et l’herbe sont les hôtes de l’un et l’autre créant presque une relation symbiotique. Les arbres, par leur effet parasol permettent de faire diminuer la température jusqu’à 1 °C voire 2 °C, de maintenir un taux d’humidité supérieur de 7 % à 10 % et de créer un microclimat plus frais la nuit. « L’herbe ne grille pas » et a même « une pousse plus régulière ». Mieux encore, cet ombrage bénéfice également aux animaux. Dans son expérimentation, Mickaël Bernard a travaillé avec des moutons dont il a mesuré la température interne. « En moyenne, un animal dans une prairie ombragée a une température interne plus basse de trois à quatre dizièmes. On pourrait croire que ce n’est rien mais à l’échelle d’un organisme cela change tout. »
Ce projet de recherche se poursuit encore puisque le chercheur s’attache désormais à identifier les essences les plus adaptées à nos latitudes et nos températures futures mais également à leur possible valorisation. « L’arbre pourrait devenir un fourrage. Plusieurs résultats établis sur des animaux ayant reçu des feuilles de frênes et de mûrier blanc montrent que l’ingestion de ces végétaux n’ont aucun effet délétère. »
Là où d’aucun verrait dans ce projet une idée un peu saugrenue de la part d’un chercheur, ignore qu’en réalité ces questions ont déjà été étudiées sur d’autres continents. L’agroforesterie et la relation avec les prairies sont habituellement « des thématiques de recherches jusque là réalisées dans les zones sub-sahariennes et méditerranéennes ». C’est dire quel avenir cela prédit...

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