Chambre d’agriculture : L’agriculture française face au Brexit et aux accords transatlantiques
À l’occasion de la dernière session, Thierry Pouch de l’APCA, est intervenu sur l’impact du Brexit et les accords de libre-échanges qui concernent l’Union Européenne.
commerciales qui pèsent sur l’agriculture française.
Alors que de nombreuses productions agricoles françaises connaissent une crise structurelle, certains événements tels que le Brexit au Royaume Uni ou les accords commerciaux transatlantiques (CETA, TAFTA) accentuent le malaise des agriculteurs français.Pour approfondir le sujet, la Chambre d’agriculture de Haute-Loire réunie en session le 29 novembre, avait invité le responsable du service économie et prospective de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture - APCA, Thierry Pouch.Commençons par la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne dénommée Brexit. «Si 51,9 % des Britanniques ont voté pour le Brexit, il faut souligner que les campagnes se sont positionnées contre le maintien dans l’UE (dont 58% des agriculteurs). Les campagnes sont pourtant les zones qui bénéficient le plus des aides européennes !» constate Thierry Pouch.
Brexit : lourdes conséquences pour l’agriculture du RU
Quels vont être les impacts du Brexit ? L’économiste annonce de très lourdes conséquences pour le RU avec notamment le déplacement des capitaux, la variation des taux d’intérêt et l’inflation.Le RU est le 4e contributeur du budget européen avec 14 milliards d’€ contre 19,5 milliards pour la France. Il bénéficie de 7 milliards de fonds européens dont 3,9 milliards issus des aides PAC. Le Brexit devrait induire une coupe de 3 milliards d’€ dans le budget PAC.Les conséquences sur l’agriculture du RU risquent d’être lourdes ; Thierry Pouch annonce aussi une dégradation du solde commercial agro-alimentaire avec la dépréciation de la livre et une perte de revenus pour les agriculteurs (entre 17 000 et 34 000 €). Même si les aides PAC vont encore être versées pendant deux ans aux Britanniques, «90% des exploitations sont menacées dans ce pays» estime-t-il.Le Brexit risque d’avoir un impact négatif sur les importations de produits agricoles français mais selon Thierry Pouch, l’impact sera surtout financier avec le rapatriement des capitaux anglais. Quant à l’UE, il signale de probables conséquences sur la future PAC (réexamen de l’orientation libérale soutenue par le RU ?) et une incertitude sur l’évolution des échanges commerciaux entre le RU et l’UE.Le Brexit sème aussi l’inquiétude à l’égard de l’avenir de l’UE : «Que restera-t-il de l’unité européenne et de la paix en Europe ; la paix était tout de même la première vocation de l’Europe !» lance Laurent Duplomb, président de la Chambre d’agriculture. «Au sein de l’UE, on trouve une nouvelle génération de responsables politiques qui n’ont pas connu la guerre et qui ont, semble-t-il, mis de côté le passé...» analyse Thierry Pouch.«L’UE est la première puissance économique mondiale, si elle se délite, nous ne représenterons plus rien» ajoute le président de l’EDE, Michel Chouvier.
L’agriculture française : un atout considérable
Selon cet économiste, «il ne faut surtout pas lâcher le secteur agricole et en France nous avons un atout considérable dans ce domaine. La commission agricole doit mettre sur la table sa vision de l’agriculture pour les 30 ans à venir».«Malheureusement, les pays de l’UE n’ont pas les mêmes visions et ni les mêmes projets pour l’Europe» regrettent Michel Chouvier et Laurent Duplomb.Thierry Pouch a ensuite détaillé le contenu des accords commerciaux qui concernent l’UE et dont certains n’ont pas encore abouti.L’intervenant s’est intéressé à deux de ces accords : le TTIP (ou TAFTA) et le CETA.Encore en cours de négociation, le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) travaille actuellement sur le démantèlement des droits de douane entre l’UE et les États-Unis et sur les produits concernés par les mesures non tarifaires. Si un accord est conclu, il risque d’avoir un impact négatif sur la production européenne de céréales, de fruits et légumes, les productions animales et dans une moindre mesure sur les produits laitiers.Le récente élection de Donald Trump, dont la campagne électorale était plutôt protectionniste, risque de remettre en cause cet accord et d’autres (comme l’ALENA* et même l’OMC...)Quant au CETA, traité établi entre le Canada et l’UE et signé le 30 octobre dernier. Un accord qui paraît selon Thierry Pouch «bénéfique en apparence mais qui risque d’avoir des effets sur les secteurs de l’élevage et les céréales».
UE : un commerce extérieur qui va devenir de plus en plus déficitaire
Cet accord supprime les droits de douanes sur 7 ans (91,7% pour le Canada et 93,8% pour l’UE). Les produits dits «sensibles» feront l’objet de contingents tarifaires, c’est le cas des produits laitiers, ou seront exclus des engagements de libéralisation (poulet, dinde, oeufs).Quatre secteurs sont particulièrement concernés par le CETA : la viande bovine, la viande porcine, les céréales et les produits laitiers (voir encadré). «Le commerce extérieur va devenir de plus en plus déficitaire pour l’UE» indique Thierry Pouch. Le Canada s’est engagé à protéger sur son territoire un certain nombres de produits de l’UE sous indication géographique ; un point de l’accord que les acteurs agricoles américains tentent d’en empêcher la mise en application.Thierry Pouch a clôturé son intervention en adressant un message positif : «En Afrique du Nord et au Moyen Orient, zone qui s’apprête à voir diminuer sa surface cultivable (du fait du réchauffement climatique), on compte sur l’agriculture française. C’est une véritable opportunité pour nous de faire pression sur les décideurs français et européens pour faire de l’agriculture un secteur majeur».
Véronique Gruber
*Accord de libre-échange nord-américain