Campagnols terrestres: « Toutes les initiatives réalistes de lutte sont à encourager »
Organisée à l'échelle du grand Massif central, la réunion technique sur la lutte contre le campagnol terrestre a permis de faire le point sur les expérimentations en cours, le démarrage des protocoles de recherche, et les procédures d'indemnisation.
Face à l'ampleur des dégâts générés par les campagnols terrestres sur les prairies du Massif central, la profession agricole réunie autour de la Copamac-Sidam a enjoint l'État, la recherche, les fédérations de défense contre les organismes nuisibles, le Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE)... à se mobiliser pour non seulement assurer l'indemnisation des agriculteurs, mais aussi pour trouver des moyens de lutte efficaces et viables dans leur application. « Côté profession, nous encourageons toutes les initiatives, toutes les expérimentations qui ramènent du résultat », résume Patrick Bénézit, président de la Copamac. Depuis le 27 mai 2016, des engagements sur ce dossier ont été pris par l'État et la Région Auvergne-Rhône-Alpes. « On regrette toutefois que seule la région Auvergne-Rhône-Alpes se soit engagée à soutenir la recherche ». Le campagnol ne sévit pas que sur ce territoire...Environ dix-huit mois après le déploiement du plan d'action, qui comporte un volet expérimentation et un volet recherche (quatre pistes évaluées), une première restitution s'est tenue, vendredi dernier, à Lempdes, à la Maison de la forêt et du bois.
Expérimentations : ce qui marche et ce qui marche moins
À l'automne 2016, durant l'hiver 2017, la chambre d'agriculture du Cantal et le SRAL (Service régional de l'alimentation) ont testé sur plusieurs parcelles, la glace carbonique et le tourteau de ricin¹. « Quelque soit la période d'intervention, nous n'avons pas d'efficacité notoire de la glace carbonique », a expliqué Pierre Lestrade de la Chambre du Cantal. Même verdict pour le tourteau de ricin. L'automne prochain, la chambre envisage de tester d'autres techniques comme le décompactage. Selon la technicienne de la FGDON du Puy-de-Dôme, le « décompacteur en créant des fissures d'une profondeur d'au moins 20 centimètres détruit les galeries, favorise un meilleur enracinement des plantes, et augmente la prédation ». À condition toutefois de travailler dans un sol meuble et peu empierré, ce qui est loin d'être le cas de toutes les zones infestées. « S'ils se révèlent efficaces, il ne faudra pas se priver d'intégrer les décompacteurs dans la boîte à outils des moyens de lutte », a souligné le président du Sidam, Tony Cornelissen. Concernant le piégeage, l'expérimentation menée à Volvic, financée par le CEPIV (Comité environnemental pour la protection de l'impluvium de Volvic) est encourageante.
Robotiser l'application
Les professionnels s'interrogent toutefois sur la transposition à grande échelle d'un système aussi gourmand en main d'½uvre. « Quelques soient les solutions disponibles aujourd'hui, celles qui vont l'être bientôt, celles qui seront trouvées demain par la recherche, s'il n'y a pas une mise en ½uvre de la robotisation des appâts, ce ne sera pas viable² », estime Patrick Bénézit. Sans compter que de l'efficacité du piégeage, certains en sont revenus, comme Richard Randanne, éleveur d'ovins dans le Puy-de-Dôme : « Durant deux ans, j'ai piégé. Alors certes, on arrive à nettoyer les parcelles, mais la pression des rats est telle qu'ils reviennent rapidement. Pour en éliminer davantage, je suis repassé à la bromadiolone ».
Une molécule allemande redoutable
La bromadiolone, cette molécule à l'efficacité prouvée, mais mise sur la sellette, car nocive pour l'ensemble de la faune. Tuer les rats sans tuer les espèces alentours, c'est l'atout du phosphure du zinc, une molécule ancienne hautement toxique, reformulée par un laboratoire allemand, de manière à la rendre moins dangereuse pour l'applicateur. À force de ténacité, l'administration française a réussi à convaincre le laboratoire de tester les appâts en Auvergne à l'automne dernier. « Nous avons obtenu des résultats comparables à ceux générés par la bromadiolone, avec l'avantage de ne pas impacter les espèces annexes qui pourraient l'ingérer, car l'appât contient un vomitif », a détaillé Françoise Baubet de la DRAAF Auvergne-Rhône-Alpes. Le dossier d'homologation de cette nouvelle molécule est en cours à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). Une alternative de plus mais qui restera coûteuse.
Quelles sont les causes du déclin ?
Côté recherche, Joël Drevet de l'Université d'Auvergne a annoncé qu'en juin prochain, les expérimentations relatives à l'immuno-contraception devraient débuter sur le campus des Cézeaux. Sur les phéromones, l'INRA de Tours mène actuellement des analyses chimiques. Des prélèvements pourraient intervenir en octobre prochain dans le Cantal. De son côté, VetagroSup travaille sur le quatrième axe de recherche : l'analyse des causes du déclin. La profession regrette que cet axe de recherche n'avance pas assez rapidement : « Ce qui a été demandé aux chercheurs, c'est de déterminer et d'extraire les parasites ou virus induisant le déclin des rats, de manière à reproduire les conditions de leur développement de manière naturelle. Les financements ont été mis sur la table, maintenant les choses doivent avancer », estime Patrick Bénézit.
1. Utilisé comme engrais en agriculture biologique, le tourteau de ricin contient de la ricine, une substance toxique.
2. Yves Michelin de VetagroSup a indiqué que l'IRSTEA travaillait actuellement sur des dispositifs robotisés très prometteurs.