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Alerte aux séneçons en Creuse

Les intoxications des bovins et des chevaux par les séneçons sont de plus en plus fréquentes en France. Un élevage creusois a été récemment confronté à cette problématique avec à une atteinte de 5 vaches dont 3 sont mortes.

© Pierre Goujon

L’intoxication avec les séneçons est due à deux espèces en France, le séneçon de Jacob et le séneçon du Cap. Le séneçon de Jacob (cf. illustration) est une espèce d’origine européenne largement répartie sur le territoire et très commune en France. Le séneçon du Cap (cf. illustration) est une espèce envahissante originaire d’Afrique du Sud, importée involontairement en France en 1936. D’abord cantonnée au sud, elle a colonisé progressivement toute la France en remontant vers le nord. On la retrouve dans le grand sud-ouest, le bassin de la Loire, en Bourgogne, en Champagne et même en Alsace.

Des alcaloïdes toxiques
Les séneçons de Jacob et du Cap sont toxiques en raison des alcaloïdes pyrrolizidiniques qu’ils renferment. L’intoxication se produit lors de l’ingestion de la plante. Les fleurs sont les parties les plus toxiques, suivies des feuilles, les tiges le sont faiblement. Sur pied, en raison de son amertume, la plante est peu consommée. Par contre, en fourrage (foin, ensilage, enrubannage…), l’amertume diminuant fortement, la plante est alors ingérée comme les autres composants de la ration. Les fourrages issus de prairies à forte densité de séneçons peuvent constituer une source importante de contamination. La plante peut être consommée sur pied lors de période de disette et/ou de sécheresse.

Une intoxication par accumulation chez les bovins et les chevaux
La détoxification des pyrrolizidines se réalise dans le foie, les métabolites qui en sont issus provoquent des lésions irréversibles dans les cellules hépatiques avec un effet cumulatif. La toxicité se manifeste suite à l’ingestion cumulée de séneçons. Pour le cheval, la dose mortelle correspond à environ 3 % à 5 % de son poids (soit 15 à 25 kg pour un cheval de 500 kg). L’intoxication est donc possible avec l’ingestion de 50 à 300 g/j pendant 7 à 8 semaines. Les espèces les plus sensibles sont les bovins et les chevaux. Les risques sont beaucoup plus faibles chez les moutons et les chèvres.

Une atteinte clinique d’aiguë à chronique
Le délai d’apparition des symptômes varie de 5 jours à 5 mois selon la quantité de plantes ingérées. Dans la forme aiguë, les atteintes sont essentiellement nerveuses : alternance de phases d’excitation et de prostration, faiblesse musculaire, démarche saccadée, troubles de l’équilibre. La mort survient alors en quelques jours. Dans la phase chronique, les signes cliniques apparaissent le plus souvent après une longue phase clinique silencieuse lorsque l’animal n’est souvent plus en contact avec la plante. Le foie est le principal organe cible, les signes cliniques étant ceux d’une insuffisance hépatique chronique. La léthargie, l’anorexie, l’amaigrissement chronique, les coliques récidivantes et l’ictère constituent les signes les plus fréquemment observés. Des signes de photosensibilisation sont rapportés en été. Enfin, des signes d’encéphalose hépatique, toujours tardifs, apparaissent au stade terminal de l’évolution de la maladie.

De l’enrubannage largement contaminé à l’origine du cas creusois
Le cas creusois récemment observé (courant juillet) concerne un lot de vaches à l’engrais. De l’enrubannage a été intégré dans la ration complète distribuée. Ce fourrage a été récolté sur une prairie nouvelle qui a connu des difficultés d’implantation (période humide en 2014, sécheresse en 2015), ce qui fait que la prairie était largement envahie par des adventices, notamment du séneçon de Jacob. Les vaches ont présenté des symptômes quelques jours après la distribution de ce nouveau fourrage : rumination bloquée, faiblesse musculaire débutant sur les postérieurs… Sur les 25 vaches du lot, 5 ont présenté des symptômes, 3 sont mortes… les bottes d’enrubannage restantes issues de cette parcelle ont été éliminées !

Un traitement avec un pronostic réservé
Du fait de la forte toxicité hépatique des métabolites des alcaloïdes des séneçons, les animaux ayant des symptômes guérissent rarement et les lésions présentes chez les animaux asymptomatiques peuvent progresser et aboutir à des pertes ultérieures après plusieurs mois. Dès l’apparition de symptômes, un traitement symptomatique peut être réalisé mais sans grand espoir de succès. Néanmoins, si des séneçons ont été consommés, un traitement palliatif visant à soutenir la fonction hépatique sera mis en place le plus rapidement possible. Pour les animaux présentant le même risque de consommation de séneçons, un bilan biochimique hépatique peut être mis en place pour mieux déterminer le pronostic.

Ne pas laisser les plantes produire des graines
La lutte contre les séneçons est à commencer dès l’apparition des premières plantes. Du fait de sa capacité de diffusion des graines par le vent, une fois que le stock grainier est constitué, la lutte devient plus difficile. Les refus contenant des séneçons sont à faucher systématiquement, idéalement, lorsque la moitié des plantes est fleurie. Dans les zones contaminées, deux fauches par an sont conseillées. Les alentours des prairies qui peuvent être sources de recolonisation (voies de communication, jachères, bandes herbeuses négligées) seront surveillés particulièrement. Pour en faire une lutte collective qui sera plus efficace, une concertation sera recherchée avec les voisins et les responsables de l’entretien des abords des routes.

Maintenir un gazon dense
Les séneçons ne se développent pas dans une prairie dense. Sursemer rapidement sera recherché lorsqu’il y a formation de trous dans le pâturage ou la prairie. Dans un pâturage, les graminées présentes dans les refus ne seront pas fauchées pour favoriser un ressemis naturel (uniquement dans secteurs sans séneçons). On évitera de maintenir localement une trop forte charge en bétail risquant d’abîmer le gazon (distribution limitée de fourrage complémentaire, déplacement des râteliers et abreuvoirs…). Dans les zones où c’est possible, on combinera fauche et pâture.

Vigilance et observation, bases de « Le sanitaire… j’adhère ! »
Les conditions climatiques des dernières années, l’augmentation de zones moins entretenues favorisent la prolifération des séneçons en France et risquent d’entraîner une augmentation du nombre de cas d’intoxications. Cela demande donc de connaître et reconnaître ces plantes afin de lutter contre leur prolifération, facilitée par leur caractère anémophile. Le traitement des animaux intoxiqués étant souvent sans résultat, le plus important est de lutter contre l’ingestion de la plante en ne récoltant pas de fourrages contaminés par des séneçons. Soyez vigilant et observateur, éléments de base de « Le sanitaire… j’adhère ! » et comme nous l’indique Michel Serres dans « Temps des crises », ne croyez pas « à la bonté de la nature et à la mansuétude des tigres », nombre de plantes sont toxiques (cf. : http://www.arvalis-infos.fr/plantes-toxiques-dans-les-prairies-quels-effets-sur-la-sante-des-animaux-@/view-13261-arvarticle.html) et présentes dans la nature, soyez donc attentif à la qualité de l’alimentation que vous apportez à vos animaux... Ceci est également valable pour l’eau !

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