À la rencontre d’Audrey Melin dans les Côtes-d’Armor
« Une salle de 3 000 m2 pour 21 000 reproductrices chair »
Pour créer son emploi, Audrey Melin a fait construire un élevage de poules reproductrices, atypique par sa taille et innovant par sa technologie.
Pour créer son emploi, Audrey Melin a fait construire un élevage de poules reproductrices, atypique par sa taille et innovant par sa technologie.
C’est une première en France. Le cheptel de 21 000 poules Ross 308 (et son millier de coqs) conduit par Audrey Melin à Canihuel (Côtes-d’Armor) tient dans une salle de 28 mètres de large et 105 mètres de long. L’éleveuse n’a pas fait ce choix au hasard. « Après réflexion, j’ai préféré cela plutôt que de partir avec un premier bâtiment de taille standard de 1 500 m2, puis de construire un second quelques années plus tard. » Pour en arriver là, elle a bénéficié de l’appui technique du couvoir Perrot de Pommerit-Jaudy (Côtes-d’Armor) et des relations que celui-ci entretient avec des confrères des Pays-Bas et de Belgique. « J’ai voulu faire ce qui se faisait de mieux en la matière, ajoute Audrey. Et j’ai demandé aux fournisseurs d’appliquer ce qui fonctionne bien là-bas. »
Plafond plat et air des combles
Outre la charpente de grande largeur réalisée par Sérupa, l’atelier bénéficie d’une ventilation originale (lire ci-contre). Côté équipement, les trois lignes d’alimentation Execo des coqs sont fournies par la société Apic d’Uzel (22), qui a aussi réalisé l’automatisation de l’alimentation, avec pesée et approvisionnement des lignes au milieu du poulailler. Les sept circuits d’alimentation des femelles sont d’origine néerlandaise (VDL). Tous les équipements, abreuvoirs cloche Plasson compris, sont montés sur tube enrouleur, ce qui permettra à l’éleveuse de libérer la surface d’élevage en fonction du comportement des reproducteurs (ponte au sol, cochage…). Devant les pondoirs, les 3 mètres de caillebotis sont sur préfosse pour faciliter la circulation des poules vers les nids et minimiser la ponte au sol. L’éclairage est assuré par quatre lignes de tubes à leds CBM (18 W et 2 250 lumens). Une emballeuse Prinzen complète l’équipement de collecte des œufs à couver car la jeune femme mènera seule l’élevage au quotidien. L’investissement atteint 1,1 million d’euros, c’est-à-dire 350 euros par mètre carré et 52 euros par poule logée.
Audrey Melin a bataillé ferme pour parvenir à ses fins. Sans doute parce que son parcours est atypique. Son intérêt pour l’élevage avicole tient au hasard de la vie. Au milieu des années 2000, la citadine qui avait entamé des études de danse bifurque vers le monde rural par amour, elle se marie, fait des enfants et trouve du travail dans un élevage de pondeuses.
Batailler pour convaincre les banquiers
Salariée ensuite dans un élevage de repros chair, elle entend dire en 2014 que le couvoir Perrot cherche des candidats pour produire de l’œuf à couver. « J’aimais bien faire ce travail très autonome. Pour moi, c’était l’opportunité de créer mon propre emploi à côté de la maison. Autant faire pour moi ce que je savais faire pour un autre. J’ai foncé au couvoir pour rencontrer Dominique Perrot. » Mais cette maman de trois enfants ne voulait pas s’inscrire dans un parcours d’installation qui l’aurait obligé à suivre une formation. Donc pas de Dotation jeune agriculteur… Certes, Audrey Melin bénéficiait d’une première expérience réussie, mais il lui manquait l’argent pour atteindre les 20 % d’autofinancement (abaissé à 10 % après négociation). Le coup de pouce lui a été apporté par l’aide PCAE de 30 000 euros (le maximum en Bretagne quelle que soit la taille du bâtiment) et par un apport de 50 000 euros du couvoir Perrot (1). « Nous avions vu Audrey à l’œuvre et nous avons pu mesurer sa grande autonomie et sa détermination, commente le dirigeant de l’entreprise d’accouvage. Nous avons convenu d’attendre deux ans pour faire le bilan, et nous sortirons du capital dès que possible », ajoute-il. Les deux parties sont liées par un contrat de 15 ans, avec une majoration de 48 euros par mètre carré étalée sur la durée. Enfin, obtenir le permis de construire fut l’autre bataille. « Pas de cotisation payée à la MSA, pas de permis de construire », résume Audrey qui ne bénéficiait pas du statut d’exploitante. Malgré ce retard administratif, le chantier a été réalisé dans un temps record de quatre mois et demi. Les poules sont entrées à la fin du mois de novembre et la ponte a démarré sans encombre.
Parcours
Une ventilation par le plafond
La ventilation Skov de l’élevage d’Audrey Melin est tout à fait innovante… en France. L’air neuf provient de vastes combles doublement isolés (toiture et plafond de la salle) où il est réchauffé par quatre canons à gaz pilotés PAR l’ordinateur. Préalablement, l’air extérieur a pénétré par les deux côtés supérieurs munis de rideaux. Situé à 3,4 mètres du sol, le plafond plat est constitué de panneaux porteurs isolés, non poreux et lavables précise Loïc Rio du constructeur Sérupa. L’air de renouvellement traverse ce plafond par deux rangées d’ouvrants réglables et directionnels. Elles ont été positionnées au-dessus des deux lignes de pondoirs doubles Vencomatic, de manière à récupérer les calories animales des poules aux nids. Le nombre de trappes a été calculé en fonction du nombre d’animaux, de la quantité de chaleur à évacuer par oiseau (5 watts à 2 kg) et de la dépression souhaitée. Le système Skov travaille à faible dépression (5 à 10 Pa) avec des débits de renouvellement qui varient de 6 m3/animal/h à 12 m3/animal/h. L’extraction se fait au pignon par six turbines de 35 000 m3/h, deux de 20 000 m3/h et deux ventilateurs progressifs jusqu’à 13 000 m3/h. Selon Jean-Jacques Lemoigne de Skov France, "la ventilation la plus uniforme serait une extraction par cheminées", mais plus coûteuse. Par sécurité, quatre rampes de brumisation ont été installées dans les quatre veines d’air entrant. L’économie d’échelle d’un bâtiment au lieu de deux a été absorbée par le surcoût de la ventilation par plafond et les préfosses. « Mais j’ai un bâtiment avec toutes les options », souligne Audrey.