Rungis, premier marché de volailles en France
Au MIN de Rungis, 300 paires de bras reçoivent, vendent, préparent et expédient chaque année des centaines de milliers de colis de volailles fraîches destinées aux consommateurs du grand Bassin parisien.
Au MIN de Rungis, 300 paires de bras reçoivent, vendent, préparent et expédient chaque année des centaines de milliers de colis de volailles fraîches destinées aux consommateurs du grand Bassin parisien.
Cinq heures du matin, un mardi d’avant Noël. La « journée » de travail est déjà bien entamée pour des dizaines de blouses blanches, bien emmitouflées et chapeautées pour supporter les 4 °C qui règnent en permanence dans le hall VG1 du Marché d’intérêt national (Min) de Rungis.
La version moderne du pavillon de la volaille a fêté ses dix ans cette année. Cette bâtisse climatisée de près de deux hectares abrite aujourd’hui six groupes spécialisés dans le commerce en gros des volailles (1), alors qu’ils étaient encore une trentaine voici 25 ans. En 2019, l’ensemble du pavillon a généré un chiffre d’affaires de 281 millions d’euros pour un tonnage de 83 088 tonnes. Ce qui en fait le plus gros marché de transit de volailles de France, voire d’Europe. C’est assez considérable, puisque le commerce de détail des volailles pour la France entière était estimé à 557 000 tonnes en 2019 (« les flux d’importation de volaille en France » Étude pour France Agrimer d’octobre 2021).
(1) Alvidis, Avigros (enseignes Yzet, Taron, BLG), Courtin Hervouet, Eurovolailles, LPN Volaille (enseignes Froger, Paris), Reilhe-Martin (Foulon Egasse Grandgousier).
Alimenter les consommateurs du Bassin parisien
« Nous faisons gagner beaucoup de temps à nos clients grâce à la multitude de références disponibles au même endroit », annonce Bruno Courillon pour résumer son activité, le dirigeant de la maison Eurovolailles. Les grossistes sont les intermédiaires entre des fournisseurs expédiant de la France entière et des centaines d’acheteurs régionaux. La plupart se trouvent dans le grand Bassin parisien, jusqu’à Orléans, Reims, et plus loin… Ils sont essentiellement bouchers sédentaires, marchands sur les marchés, demi-grossistes, cantines de collectivités, restaurateurs, et quelques-uns à l’étranger. La grande distribution régionale achète assez peu (1 à 2 % des volumes), uniquement pour compléter ses boucheries de vente à la coupe.
Désormais, on ne discute plus le prix avec chaque client, assure Éric Laplaine, le patron de LPN Volaille. « Nous n’avons plus le temps. La majorité de nos produits sont tarifés, à la vente comme à l’achat, et 90 % des clients passent commande avant de venir ou de se faire livrer ». La vente à la commission aurait aussi quasiment disparu. L’image d’un Rungis marché de dégagement est surfaite, pointe le grossiste qui nuance. « On en fait encore un peu pour rendre service, par exemple quand les produits sont courts en date de consommation. »
Le marché halal, le principal client
En 2019, 71 % des 83 088 t étaient des poulets frais (dont 64 % découpés), la volaille surgelée étant une denrée rare (seulement 16 t en 2019).
Il alimente surtout des boucheries ou supermarchés halal pour lesquels le prix est prioritaire. Ces commerces se sont bien développés en région parisienne, car une part importante de la population - musulmane ou pas - y trouve les viandes les moins chères.
Le marché halal génère du volume, mais les marges des grossistes sont faibles. Ce poulet halal provient quasi exclusivement du Benelux (Belgique, Pays-Bas) qui détient des abattoirs agréés halal très compétitifs. « Ce n’est pas que nous voulons acheter à l’étranger, se défend Gino Catena, le patron du groupe Avigros, mais en France nous ne trouvons pas assez de cuisses de poulet halal pour fournir la demande. » Pour les consommateurs à la recherche de produits halal plus qualitatifs, Avigros propose aussi du poulet halal label rouge, venant de Normandie, qu’il vend à sa marque Nasrya Gourmet.
Un projet de deuxième Rungis
Quel sera l’avenir du pavillon volaille de Rungis ? Aucun grossiste n’évoque une évolution vers une plateforme logistique à la manière d’Amazon. La vente sur le web n’est pas d’actualité, notamment avec des colis à poids variables. En revanche, le projet Agoralim porté par la Semmaris - gestionnaire du MIN - les inquiète plus. Il s’agit de créer au Nord de Paris un second Rungis qui serait opérationnel en 2026 « Si cela se fait, les coûts de structure y seront moins élevés, pronostique Éric Laplaine. Cela risque d’aspirer la plupart des volumes de halal. » En attendant, Rungis a fait le plein à Noël, comme durant la Covid. « Avec des consommateurs plus souvent chez eux et des restaurants fermés, les bouchers-volaillers ont fait de belles affaires, ce qui nous a permis de compenser la baisse des marchés de plein air. » Le chiffre d’affaires 2020 est tout même tombé à 257 millions d’euros (-8 %).
Apporter un service sûr et cousu main
Les grossistes mettent en avant le « service au client », dont ils connaissent les habitudes et les manies, chacun à sa manière. Avec ses 4000 références « répondant à toutes les demandes », Bruno Courillon se définit comme un « caméléon ». Tout comme le leader Avigros chez qui transite un bon tiers du tonnage du pavillon. En revanche LPN Volaille, comme la maison Reihle-Martin, est plus orienté sur le haut de gamme et le produit français différencié. « Mes clients bouchers veulent des volailles que le consommateur ne trouvera pas moins chères au supermarché du coin. » Pour les différencier, des grossistes ont créé leurs propres marques, comme chez Eurovolailles avec Black Prestige.
Le folklore de Noël perdure
Au mois de décembre, tous les grossistes proposaient les volailles festives à l’allure d’antan : chapons « mini » et traditionnel (poulet ou pintade), poularde, dinde noire, oie… avec la tête et des plumes, plumés à sec, effilés, emmaillotés comme les volailles de Bresse. S’ajoutaient le foie gras, le gibier… Le folklore perdure car il rapporte encore. Presque tous les abattoirs de volailles sous signes de qualité ont expédié leurs plus belles pièces. Les clients de Rungis sont friands de produits sortant de l’ordinaire. Pour partager l’exclusivité du chapon gersois de la maison Garbay avec un autre grossiste, Eurovolailles passe commande dès le mois de février.
Une machine de nuit bien rôdée
Fonctionnant 5 jours sur 7 en flux tendu avec des clients de plus en pressés, le pavillon de la volaille est une fourmilière en mouvement quasi perpétuel.
Le nouveau pavillon de la volaille est divisé en 20 « postes » dont la répartition varie selon l'importance du grossiste. Un poste correspond à une tranche du pavillon de huit mètres de largeur. Chaque société dispose de quais de départ, d’un espace privatif de stockage et d’une surface centrale d’entreposage ouverte à tous, remplie le soir et vidée au petit matin.
Le soir, les marchandises arrivent par camion des quatre coins de France, d’abord à la plateforme VG2 de la Somavog, attenante au pavillon VG1. Elles sont ensuite réparties sur les postes par cette société de manutention commune à tous les grossistes.
Les préparateurs-vendeurs des grossistes arrivent plus tard pour confectionner les colis commandés et recevoir les clients. Grâce aux commandes, les clients restent peu de temps ou bien se font livrer. Ils déambulent de moins en moins dans le couloir commun de circulation pour rechercher un produit. Officiellement le pavillon est ouvert entre 3 h et 9 h, mais ce ballet commence vers 1 à 2 heures du matin.
Éric Laplaine, de LPN volaille, souligne que « l’accès au pavillon est libre et les clients arrivent de plus en plus tôt, dès 1 h-1 h 30. Cela oblige notre personnel à venir encore plus tôt pour préparer les commandes et vendre en même temps. Il faudrait fixer des horaires d’ouverture ; pourquoi pas en journée… »