Prix du blé record à 300 euros : peut-il encore augmenter ?
Tiré à la hausse par de faibles stocks mondiaux, le coût de l’énergie et une forte demande, le prix du blé à Rouen de la récolte 2021 a dépassé les 300 €/t. Mais les prix restent en dessous des records de 2007 en dollars.
Tiré à la hausse par de faibles stocks mondiaux, le coût de l’énergie et une forte demande, le prix du blé à Rouen de la récolte 2021 a dépassé les 300 €/t. Mais les prix restent en dessous des records de 2007 en dollars.
Le 23 novembre, le prix du blé tendre rendu Rouen a établi un nouveau record, dépassant les 300 euros la tonne, au-dessus des sommets de 2007. Plusieurs facteurs se conjuguent pour alimenter la hausse qui a accéléré depuis l’été dernier : stocks étriqués chez les principaux exportateurs, flambée du prix de l’énergie, demande mondiale soutenue, difficultés logistiques…
Cette hausse peut-elle perdurer ? Andrée Defois, analyste chez Tallage, met en garde : « les stocks de blé chez les grands exportateurs sont supérieurs à ceux de 2012, et à l’époque le pétrole affichait déjà un prix élevé. Nous sommes peut-être en surchauffe, avec une déconnexion des prix par rapport aux fondamentaux. » L’arrivée massive de maïs dans l’hémisphère nord creuse en outre l’écart de prix entre le blé et le maïs, réduisant la demande du premier au profit du deuxième dans l’alimentation animale.
Michel Portier, chez Agritel, estime toutefois qu'une correction violente à court terme est improbable. « Nous sommes sur des plus hauts en euros, mais pas en dollar, qui est la monnaie de référence pour les cours mondiaux, souligne l’analyste. Les prix fob du blé avoisinent 350 $/t, et nous avons connu des pics à 400 $/t en 2007. » Retrouver un tel niveau en dollars n'est pas à exclure, selon l'expert. Par ailleurs, l’hiver est une saison à risques pour les cultures. « Pour l’heure, tout va bien dans les champs, mais tant que ce risque n’est pas levé, en février, il y a peu de place pour une correction technique », estime Michel Portier.
Les inconnues chinoise et australienne
Trois éléments alimentent l’incertitude. D’abord, la récolte de blé australienne. Celle-ci, engrangée en décembre, s’annonce très volumineuse. Mais les pluies qui se sont abattues sur les cultures mettent en péril la qualité. Autre « joker » : la demande chinoise. Elle reste très imprévisible, en blé comme en maïs. L’achat récent par la Chine d'environ 300 000 tonnes de blé français est de nature à maintenir la tension sur les prix. Enfin, le coût prohibitif des engrais azotés pourrait pousser les producteurs états-uniens et sud-américains à préférer le soja au maïs pour les prochains semis. Cela atténuerait la concurrence du maïs face au blé dans les rations animales.
Après l’envolée de 2007, les prix s’étaient effondrés en 2008. Ce scénario peut-il se reproduire ? « En 2008, il y avait eu une très bonne récolte, la crise des subprimes, et le cours du pétrole avait chuté, rappelle Andrée Defois. Cette fois, si le prix de l’énergie reste élevé, cela pourrait constituer un soutien pour les céréales. »