Mise à l’abri des canards : « La clé, c’est un paillage régulier et conséquent »
Pour la quatrième année consécutive, Alain Debare élèvera ses lots d’hiver de canards prêts à engraisser en bâtiment fermé.
Pour la quatrième année consécutive, Alain Debare élèvera ses lots d’hiver de canards prêts à engraisser en bâtiment fermé.
« L’élevage en plein air des canards à engraisser reste la base du métier, mais quand la réglementation l’impose, nous devons pouvoir les mettre à l’abri », considère Alain Debare, éleveur à Nueil-les-Aubiers (79) depuis 1987 et adhérent de Val de Sèvre. C’est ce qu’il fait depuis 2018. Démarrés dans une poussinière de type Louisiane, ses deux lots d’hiver ont accès dès 12-13 jours au Louisiane « froid » attenant. « Les canards s’étalent progressivement dans les deux bâtiments, d’abord en journée, puis jour et nuit. La densité tombe à cinq par mètre carré. » Ce bâtiment de desserrage est bétonné pour des raisons sanitaires et de travail. Il est isolé « ce qui est un plus pour gérer l’ambiance. » À 6-7 semaines, les rideaux sont entièrement ouverts. « L’idée est de recréer une ambiance proche de l’extérieur, tout en les protégeant de l’avifaune », souligne Alain Debare.
Pailler chaque jour en quantité
Un point essentiel est la qualité et la régularité du paillage. « Je paille à la main durant les quinze premiers jours dans le bâtiment chaud. Puis j’utilise une pailleuse chaque matin jusqu’à l’enlèvement à quatre-vingts jours. C’est essentiel pour la qualité des canards, leurs pattes, et pour avoir des animaux en pleine forme et plus résistants. Je m’en suis rendu compte dès la première année. L’objectif est d’apporter 6,5 kg de paille sur la vie du canard. Et si je les trouve sales, je paille encore plus. » Auparavant sa pailleuse était commune aux canards et à ses bovins. Pour la biosécurité, il s’est équipé d’une machine dédiée (Silofarmer 300). « C’est une pailleuse à soufflerie qui projette jusqu’à 14 mètres, ce qui n’est impossible avec une pailleuse à plateaux rotatifs. »
Un élevage plus « technique »
L’éleveur porte une grande attention à l’alimentation et l’abreuvement. Il a équipé son bâtiment froid de mangeoires de grande capacité (StarDuck) avec 3,5 cm d’accès par canard « pour que chacun ait une place à table et puisse manger rapidement. Il faut au moins 300 g de réserve par tête. En fin de rationnement, la trémie contient 13 kg d’aliment. »
L’éleveur vérifie régulièrement leur débit et pèse les canards une fois par semaine, dès les 3 semaines. Le réglage des pipettes (1 pour 7 canards) est également essentiel. « Il faut que les canards aient assez à boire, en évitant les fuites qui dégradent la litière. » Il acidifie l’eau à pH 5 pour obtenir des fientes mieux moulées, sans que cela ne pénalise la consommation.
Grâce au protocole de lavage-désinfection instauré par Val de Sèvre en 2017 (détergent fourni, opérateur de désinfection, contrôle par boîtes contact), l’éleveur n’a plus de soucis de pasteurelle, riemerelle ou coccidies. En revanche, le risque colibacille a augmenté. « Depuis deux ans, je vaccine systématiquement avec le vaccin commercial contre le sérotype O78K80, mais j’ai connu un problème sur un lot. »
Un travail moins pénible à l’intérieur
Le travail est plus simple et planifiable au quotidien. « Comme je sais que j’y passe trois à quatre heures chaque matin, je le planifie. Et je n’ai plus à travailler dehors en hiver. » En contrepartie, le travail est plus important en fin de lot. « Le curage et le lavage des bâtiments me prennent une semaine. »
Alain Debare obtient ainsi de bons résultats. La consommation d’aliment est réduite de 1,5-2 kg par canard. La mortalité des lots d’hiver est tombée de 3 % à moins de 1 %. « Il n’y a plus de prédation par les goélands, pas de boiteries ni de manchons enflammés. Avec plus de confort, les canards faibles s’en sortent mieux. Les lots sont plus réguliers. » En sortie d’engraissement, « la qualité des carcasses est meilleure, avec des poids de viande supérieurs, moins de râpage des magrets, moins de poids hors norme, donc moins de déclassements. »
Sur le plan économique, il estime gagner autant qu’avant. « Le coût de production a augmenté de 0,50 euro par canard dû au bâtiment et 0,28 euro pour les 3,5 kg supplémentaires de paille, mais la valorisation est améliorée par les résultats techniques. »
Une adaptation en deux étapes
Dès 2008, Alain Debare est passé à l’élevage en bande unique en investissant dans une poussinière Louisiane de 1 100 mètres carrés avec sol béton, chaînes d’alimentation et pipettes intérieures. « Pour l’amortir, je démarrais à onze canards au mètre carré. »
En 2018, il crée un second bâtiment Louisiane de desserrage de 1 350 mètres carrés (14 m par 88 m) pour mettre tous ses canards à l’abri, à raison de 5 canards par mètre carré, la densité choisie par Val de Sèvre. Ne pouvant construire un bâtiment séparé, il a opté pour un « jardin d’hiver » accolé. « J’ai choisi de l’ouvrir des deux côtés et je l’ai surélevé par rapport au Louisiane chaud pour optimiser la ventilation naturelle sur ce site bien exposé aux vents d’ouest. »
Équipé de panneaux solaires, ce bâtiment a coûté 250 000 euros (hors panneaux). L’éleveur a obtenu 24 000 euros de PCAE. Il lui est resté 150 000 euros à charge pour le béton, les parois, les équipements. Il estime que la coque s’autofinancera en douze ans grâce au photovoltaïque.
Olivier Brebion, responsable de production Val de Sèvre
« Depuis deux hivers, tous nos éleveurs mettent à l’abri »
« Depuis la première crise d’influenza aviaire de 2016-2017, les soixante éleveurs de prêts à engraisser de Val de Sèvre sont passés en bande unique. Et après la seconde, Val de Sèvre a mis en place en 2018 une politique de développement des bâtiments. Pour les financer, la coopérative a proposé un apport en avance de trésorerie à hauteur de 20 % (remboursable sur douze ans) et un cautionnement simple des prêts, au libre choix des producteurs. En dix-huit mois, 50 000 mètres carrés ont été construits, soit 10 millions d’euros (M€) d’investissement dont 1 M€ d’aides PCAE. 85 % des éleveurs ont construit un bâtiment séparé, 15 % un jardin d’hiver. Toute l’année, nous ne mettons en place que le nombre d’animaux qui peuvent être abrités. Au final, les éleveurs gagnent autant qu’avant, mais ils ont dû investir. Les engraisseurs doivent aussi s’adapter. Un peu moins robustes, ces canards nécessitent des transitions alimentaires plus douces. »