Qu’est-ce qui a changé entre l’Itavi de 1968 et celui de 2018 ?
Anne Richard - « Autrefois, notre mission principale était le développement agricole, avec un appui technique et économique aux producteurs. Interface entre la recherche et le terrain, nous faisions des études dont les résultats étaient vulgarisés par les chambres d’agriculture. Maintenant, l’objectif est d’aider les filières avicoles, cunicoles et piscicoles à gagner en compétitivité tout en tenant compte de leurs impacts et du regard sociétal. Nos travaux s’inscrivent dans une approche globale du système de production (de la fourche à la fourchette). On raisonne intermétiers. Nous sommes une équipe de 45 personnes au service d’un secteur animal qui pèse 120 000 emplois (aval compris), 18 % de la valeur de la production animale française (4,9 milliards d’euros) et 6 % de l’agroalimentaire (11 milliards). »
Concrètement, comment cela se traduit-il ?
A. R. - « Chaque étude, même technique et spécialisée, doit prendre en compte ses impacts (acceptation sociétale, coût et rentabilité…). Comme nous avons adopté une approche de plus en plus transversale. Mais comme nos 30 ingénieurs sont des spécialistes, il nous faut travailler plus en équipe et réseau, y compris avec les professionnels. Depuis cinq ou six ans, l’Itavi se rapproche du terrain, avec le renforcement des antennes régionales. La dernière en date est celle des Pays de la Loire, créée à Angers. Nos responsables d’antennes se rencontrent très régulièrement pour coordonner leurs activités. »
Vers quels systèmes de production évolueront les filières avicoles ?
A. R. - « Notre rôle n’est pas d’orienter vers tel ou tel système, mais d’éclairer les choix des professionnels sur ce que pourraient être les méthodes de production à venir, en prenant en compte la technique, l’économie et le sociétal. Ce sont les piliers du concept de durabilité. Notre devoir est d’anticiper les questions qui vont se poser aux filières et de proposer des études pour avoir des données et pouvoir réagir à temps. Ce travail d’anticipation peut parfois créer des tensions avec les filières et amener des prises de bec, mais ces échanges sont salutaires. "
Produire est-il de plus en plus compliqué ?
A. R. - « Nous entrons dans une époque passionnante. Les filières avicoles offrent de réelles perspectives. C’est une viande moins chère que les autres, consensuelle, avec une technicité élevée et qui va évoluer grâce à l’élevage de précision. Les challenges sont nombreux mais le challenge majeur est de permettre à la filière volaille d’évoluer en intégrant les attentes sociétales tout en restant compétitive. »
Est-il compatible d’être à la tête de l’institut et de l’interprofession de la volaille de chair (Anvol) ?
A. R. - « Trois secteurs agricoles sont déjà dans ce cas : les fruits et légumes, les oléo protéagineux, le cidre. Je les ai rencontrés avant d’accepter le poste. L’institut technique est la « boîte à outils » des interprofessions, avec une coordination des travaux qui évite les doublons : à l’interprofession la politique, l’économie de filière et la communication ; à l’institut (ou à d’autres structures) les sujets aux compétences techniques. Je souligne que de nombreuses problématiques sont communes à la volaille de chair, à l’œuf et au foie gras (environnement, bien-être animal, sanitaire…). Le travail réalisé sur une filière profite aux autres. Par exemple, la méthodologie mise au point sur l’influenza aviaire a très vite été transposée à la VHD du lapin. »
« Rester le poil à gratter des filières »