Chauffage par combustion de litière et panneaux photovoltaïques
Le premier élevage à énergie positive en Bretagne
Les deux bâtiments dynamiques neufs de Jean-Michel Choquet associent économie d’énergie, bien-être animal, confort de travail et maîtrise sanitaire.
Les deux bâtiments dynamiques neufs de Jean-Michel Choquet associent économie d’énergie, bien-être animal, confort de travail et maîtrise sanitaire.
Pratiquement aucune toiture du site de la SCEA Ville aux Houx n’aura échappé à la pose de panneaux photovoltaïques ! Aux 250 kWc installés sur les bâtiments neufs de 1 700 m2, s’ajoutent ceux dont étaient déjà revêtus les deux Louisiane de 1 200 m2 et ceux du hangar de stockage, de la chaufferie, de la station de compostage et du bureau. Cela représente une puissance de 670 kWc pour une production potentielle de 724 MWh par an. C’est l’équivalent de 20 % des besoins d’électricité de la commune de Trédion où est implanté l’élevage de Jean-Michel Choquet. Mais ce qui a fait la principale attractivité du site à l’occasion de la porte ouverte organisée en mars, c’est la chaudière à biomasse Vali de 300 kW. « Dès l’autorisation d’exploiter obtenue, elle chauffera 5 800 m2 de poulaillers grâce à la combustion du fumier des poulets lourds. Inédite en France, elle contribuera à rendre le site d’élevage à énergie positive, c’est-à-dire à en produire davantage qu’il n’en consomme », explique l’éleveur. Son projet fut lauréat du premier appel à projets Beepos lancé par l’Ademe en 2013 et dont l’objectif était de mener une réflexion interdisciplinaire pour concevoir le bâtiment avicole d’avenir.
Les poulaillers neufs répondent à la charte d’écoconception Ecobel et aux critères de bâtiments d’élevages à basse consommation d’énergie (BEBC). Car avant de produire de l’énergie renouvelable, il leur faut d’abord être économes en énergies fossiles. Cela signifie en consommer 45 % de moins qu’un bâtiment classique, soit 65 kWh/m2/an au lieu de 120 kWh/m2/an selon le guide BEBC + de l’Itavi. L’isolation est le premier poste concerné. De 17 mètres de large sur 100 de long, les bâtiments jumeaux à plafond plat (coque C-Lines) ont une toiture isolée par 50 mm de mousse de polyuréthane et deux couches de laine de verre de 80 mm. Pour éviter les ponts thermiques, les soubassements reposent sur un sol bétonné isolé sur un pourtour d’1,2 mètre et sont recouverts de bardage (panneaux sandwich, 50 mm de polyuréthane). La ventilation bilatérale Tuffigo-Rapidex est réalisée par des ventilateurs à économie d’énergie (9 EC 450), complétée par huit turbines en pignon. À l’éclairage naturel par des fenêtres occultantes s’ajoutent trois lignes de néons à leds. Le poulailler est chauffé par trois aérothermes à eau chaude Multiheat de 60 kW, alimentés par la chaudière à biomasse, ce qui permettra l’économie de 30 tonnes de propane par an.
Des choix orientés par le bien-être et la maîtrise sanitaire
Destinés à la production de poulets lourds sexés pour la filière Sanders-groupe Avril-LDC, les bâtiments répondent à un cahier des charges abattoir spécifique en faveur du bien-être animal : sol bétonné pour mieux maîtriser les pododermatites, éclairage naturel, perchoir central sur treuil… L’éleveur a opté pour des équipements conciliant confort de travail, performances et maîtrise sanitaire : relevage électrique des cinq lignes de mangeoires Coméo et des six lignes de pipettes 100 % multidirectionnelles de Roxell, rail de paillage Dussau, pesée d’aliment, pesons automatiques, régulation Avitouch avec pilotage à distance, magasin central avec bureau et douches, grandes aires bétonnées côté enlèvement, trappes d’accès aux deux caissons réfrigérés pour les animaux trouvés morts (ATM), ventilateurs sur le pignon opposé pour créer des vitesses d’air lors des enlèvements…
« L’investissement est de 300 euros par mètre carré soit 2,5 millions d’euros en comptant les panneaux photovoltaïques et la station de compostage (hors chaudière) », chiffre l’éleveur. Le projet est soutenu par la région Bretagne, le conseil départemental, l’Ademe et l’Agence de l’eau (résorption du phosphore), soit 230 000 euros de subventions en plus de l’aide à l’investissement de Gaevol-Avril (40 000 euros).
Équipés de plusieurs compteurs électriques et à gaz, les bâtiments feront l’objet d’un suivi sur plusieurs lots pour vérifier les prévisions de performances énergétiques. Il s’agira aussi de confirmer l’impact environnemental, l’incidence sur le bien-être et la qualité de travail, et bien entendu la viabilité économique de ces bâtiments new age.
Un solde énergétique de plus de 54 kWh/m2/an
Le bilan énergétique de la SCEA Ville aux Houx a été estimé dans le cadre du projet Beepos. Les deux bâtiments neufs dynamiques de poulets lourds consomment 51 kWh/m2/an et produisent 73 kwh/m2/an grâce à l’énergie photovoltaïque, soit un solde positif de 22 kWh. Pour les deux anciens bâtiments Louisiane de dindes de 1 200 m2, également habillés de panneaux photovoltaïques, le solde est presque nul (- 0,92 kWh). En intégrant la chaleur produite par la chaudière à biomasse, le reliquat énergétique à l’échelle du site de 5 800 m2 est de 314 200 kWh/an.
Le saviez-vous ?
Le guide BEBC est à l’élevage ce qu’est le BBC à l’habitat (bâtiment basse consommation). La charte Ecobel s’inspire quant à elle de la démarche HQE (Haute qualité environnementale) et intègre une approche d’éco conception en prenant en compte plusieurs critères dont le site, les matériaux, l’économie d’eau, l’énergie "grise"…
La litière devient source de calories
Le prototype de la centrale de production d’énergie Vali 300 de la société Exedia associée à ses partenaires — le bureau d’études Atanor, l’équipementier Intertec et l’élevage SCEA Ville aux Houx — est enfin mis en service à Trédion après plusieurs années de développement. Dès l’autorisation acquise, elle sera alimentée par la litière à base de sciure de bois des lots de poulets lourds. II chauffera 5 800 m2 de poulaillers et un bureau. Son principe de fonctionnement est bien établi : le fumier stocké dans une cellule de 25 m3 (soit 7 à 10 jours d’autonomie en phase de démarrage) est entraîné par un convoyeur et introduit par air pulsé dans le foyer, mis en chauffe par des brûleurs à propane. La température de combustion dépasse 850 °C. Par échange de chaleur, les calories des fumées sont transférées dans un ballon d’eau chaude de 20 m3 porté à 85 °C. Il est relié aux poulaillers via un réseau souterrain de tubes isolés, soit 300 mètres linéaires. En cas de panne, une chaudière de secours prend le relais. Les fumées sont traitées en deux phases : un dépoussiérage en traversant un multicyclone et un filtre à manches en inox puis une captation des gaz toxiques (oxydes d’azote) par un catalyseur.
Des cendres riches en phosphore et potasse
Selon la qualité de litière, le taux de cendre varie de 10 % (litière à base de bois) à 25 % (paille). Chez Jean-Michel Choquet qui utilise de la sicure, il est de 15 %. Cette fraction minérale riche en phosphore et en potasse sera valorisée en engrais auprès de céréaliers. « Afin d’optimiser son rendement thermique, la chaudière fonctionnera par phases de 4-5 heures », précise Bruno Adam, d’Atanor. Seule la moitié de la litière des poulets (environ 500 tonnes par an) sera utilisée pour le chauffage. Le reste ainsi que le fumier des dindes seront exportés après compostage. Pour mieux valoriser la chaleur, l’éleveur réfléchit à investir dans un séchoir à bois. Pilotable à distance, la centrale de chauffage est entièrement automatisée, y compris le dépoussiérage par compresseur. Le rendement thermique est d’au moins 80 %. La puissance électrique de la chaufferie est de 20 kW. Elle consomme 200 à 300 kg de propane par an pour la mise en chauffe en début de lot.
Une fois la phase de validation du prototype en élevage achevée, Exedia passera en production industrielle avec des centrales sur-mesure de 300 à 2000 kW. « Le coût d’une telle installation est de 600 000-700 000 euros, dont 15 % pour le réseau souterrain. Les éleveurs intéressés sont plus dans une problématique de gestion des fumiers (manque de surface d’épandage) que dans une optique d’économie de gaz », explique Bruno Adam. La rentabilité du système dépendra d’éventuelles aides (Ademe, Agence de l’Eau) et du développement de nouvelles voies de valorisation, en particulier la production d’électricité en associant une micro-turbine (procédé ORC d’Exodia).