Traçabilité et nouvelles technologies
L’abattoir Senecal à l’heure de l’étiquette connectée
Malgré sa taille modeste, l’abattoir Senecal du Calvados a fait le pari de la traçabilité digitale et de la communication pour dynamiser son marché.
Malgré sa taille modeste, l’abattoir Senecal du Calvados a fait le pari de la traçabilité digitale et de la communication pour dynamiser son marché.
Avec environ 2500 volailles tuées par semaine dans leur abattoir de Cahagnes, dans le Calvados, Jacques et Francis Senecal ont pour clients une centaine de bouchers charcutiers et supérettes. Ils leur vendent des pièces entières, prêtes à cuire ou effilées avec le souci d’une qualité constante et surtout irréprochable. Comme eux, Jacques Senecal constate que leurs consommateurs ont tendance à vieillir. « Ils veulent encore de la qualité, mais nos volumes sont en érosion constante », confirme Franck Julienne, boucher à Bayeux. C’est dans ce contexte que l’entreprise Senecal a cherché à dynamiser la vente de ses volailles auprès d’une clientèle plus jeune. Tout en restant sur un produit très qualitatif, les deux frères ont fait le pari la communication numérique. « On travaille sur la traçabilité depuis 2013. Après de nombreuses recherches, on a fini par trouver un prestataire à Paris avec qui on a mis en place un système qui n’existe nulle part ailleurs », annonce Jacques. Le « cloud Senecal » est opérationnel depuis quelques mois, à l’issue de deux ans de mise au point.
Des étiquettes connectées
La partie visible du cloud se concrétise par une étiquette imprimée d’un code QR et lue avec un smartphone. Apposée sur la volaille entière, elle permet au consommateur de connaître sa commune d’élevage, les dates de naissance des poussins et d’abattage des volailles. Une autre étiquette est collée sur les cartons d’emballage, avec un autre code QR. Le distributeur accède à des informations supplémentaires : heure d’entrée et de sortie de ressuage, date de préparation du colis, résultats des contrôles microbiologiques à l’abattoir. L’éleveur n’a pas été oublié. « On travaille en confiance et j’ai tenu à ce qu’il soit impliqué », précise Jacques. En se connectant sur le cloud (via son ordinateur), l’éleveur consulte les résultats du lot abattu et visualise si besoin les photos des saisies prises par le personnel. La face cachée se déroule à l’abattoir où le papier a fait place à la puce RFID (un « tag » aimanté) accompagnant les volailles et où le crayon est remplacé par un lecteur PDA. Concrètement, la veille de l’abattage, chaque lot est affecté d’un tag « maître » propre à un éleveur et à la volaille commercialisée. C’est la carte d’identité du lot. Ainsi, il faut deux tags différents pour des poulets PAC et des poulets effilés venant pourtant du même éleveur. Le jour d’abattage, le tag est posé sur la ligne en précédant les volailles jusqu’à leur mise en ressuage. À ce niveau, des tags « secondaires » prennent le relais, à raison d’un par chariot de ressuage. Pour témoigner de la traçabilité, ils sont scannés au lecteur PDA à l’entrée et la sortie du ressuage. Il en est de même lors la préparation de la commande du client et de l’impression des deux types d’étiquette QR code.
Améliorer la qualité et la productivité de l’abattoir
L’autre originalité de ce système repose sur l’automatisation des réglages d’abattage. « En début de chaîne, un détecteur lit le tag maître pour avertir l’automate qui ajuste trois paramètres clés, en fonction de l’espèce, de son âge et de sa finition (prête à cuire, effilée) : la température de l’eau, la vitesse d’avancement de la chaîne et le réglage de la plumeuse », détaille Jacques. Il y a plus de trente programmes. « Cela supprime les risques d’erreurs de réglages compte tenu de la variété de volailles à tuer. Nous avons aussi gagné en productivité et en qualité », assure Jacques Senecal. « Passé la période d’apprentissage, le personnel anticipe mieux ses tâches et est devenu plus réactif », commente le patron. Reste maintenant à faire connaître cette démarche au plus grand nombre, distributeur et consommateur. Pour informer l’acheteur final sur les lieux de vente, Senecal propose affiches et logos à apposer sur les vitrines. Elles renvoient vers le site web tout juste créé (senecal-volailles.fr). « Nous allons également communiquer dans les médias locaux, précise l’entrepreneur. Pour nous, c'est nouveau car depuis toujours les clients viennent chez nous par le bouche-à-oreille. » Les deux bouchers rencontrés apprécient cette initiative, même si cela bouscule leurs habitudes. « J’enlevais l’étiquette lors de la mise en rayon, avoue Marc Antoine Mesnil à Villers Bocage. Maintenant, je vais la laisser pour inciter mes clients à scanner les volailles à travers la vitrine. » À Bayeux, Franck Julienne compte sur ce genre d’initiative pour redonner du souffle et de la nouveauté à son rayon viande, « par exemple en participant à des animations en magasin ». Quant aux frères Senecal, ils espèrent que l’énergie et l’argent dépensés (plusieurs dizaines de milliers d’euros au total) renforceront leur notoriété, un mot qu’ils pourront ajouter à leur devise : « rigueur, persévérance, humilité ».
Éleveur puis abatteur par hasard
L’histoire de l’abattoir Sénécal montre que des contraintes peuvent être une source d’opportunités :
1986 Par manque de quota laitier, Jacques Senecal se lance dans l’élevage de poulets fermiers 3 ans après son installation ;
1988 Suite à un différend commercial avec son abattoir, Jacques s’improvise abatteur et transforme une ancienne laiterie en tuerie ;
1993 L’abattoir agréé national est aménagé dans une ancienne maison et des poulaillers sont construits ;
1994 Pour faire face à la demande la production s'externalise ;
1999-2000 L’abattoir agréé CE est construit derrière la ferme, les ventes étant dopées par les crises de l’ESB et de la dioxine ;
2007 Les deux frères vendent l’exploitation agricole et se consacrent à l’abattage.