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La purge met la pression au biofilm

Le nettoyage mécanique des canalisations limite la formation du biofilm et optimise l’efficacité des biocides. De nouveaux équipements rendent cette pratique plus facile à mettre en œuvre.

Premier aliment de la volaille, l’eau n’a pas toujours l’attention qu’elle mérite. Avec les préoccupations grandissantes de démédication, elle devient pourtant un élément déterminant de la réussite de l’élevage, au même titre que le sont la gestion de l’ambiance ou l’alimentation solide. L’eau n’a pas seulement la fonction d’abreuver les volailles. Elle sert aussi de support pour de multiples traitements : supplémentation nutritionnelle, traitement antibiotique, vaccination… Leur efficacité peut être compromise par une eau non potable, que ce soit sur les critères physico-chimiques (pH, dureté, teneur en fer et en manganèse…) ou bactériologiques. Les entreprises spécialisées dans l’hygiène de l’eau ont beaucoup innové ces dernières années. L’éleveur dispose d’une palette d’équipements et de produits biocides, à choisir en fonction des spécificités de son eau de réseau ou de forage. Il reste malgré tout des marges de progrès importantes, notamment en ce qui concerne la qualité bactériologique de l’eau. « Celle-ci s’améliore tout doucement, a confirmé le vétérinaire Vincent Turblin, lors d’une table ronde organisée par l’Itavi. Il y a trois ans, 59 % des analyses d’eau réalisées au sein de notre cabinet vétérinaire étaient bactériologiquement non conformes contre 50 % aujourd’hui. » Le même constat a été établi lors du Forum de l’eau organisé en décembre par Mixscience. Une enquête dans une centaine d’élevages de chair a montré un taux d’eau potable de 64 % à l’arrivée dans le sas et de seulement 12 % en bout de ligne.

La première idée reçue est de penser que l’eau du réseau est obligatoirement de bonne qualité. De même, une eau correctement désinfectée en sortie de sas ne l’est pas forcément à l’arrivée aux pipettes. La contamination se fait dans les canalisations et est liée à la présence de biofilm. Cette masse d’aspect gélatineux, pas forcément visible et constituée d’un amas de bactéries, d’algues et de matières organiques, peut rapidement coloniser l’ensemble du réseau d’eau. « Il s’agit d’une structure plus complexe qu’on ne le croit », souligne Christophe Forêt de la société de traitement des eaux Kurita. Elle protège les bactéries de l’action des biocides et capte les molécules médicamenteuses.

En volaille, les conditions hydrauliques sont particulièrement propices au développement du biofilm, notamment en début de lot (température élevée, faible débit). L’eau peut devenir un véritable bouillon de culture d’autant plus pénalisant sur de jeunes animaux dont les systèmes digestif et immunitaire sont à peine développés.

Complémentaire au traitement chimique, le nettoyage mécanique est un point essentiel de la gestion de la propreté des canalisations, qu’il soit ponctuel via les appareils de décapage air/eau à forte pression ou régulier avec la purge des rampes d’eau. En créant un effet chasse d’eau, la purge ou flushing a pour objectif de rincer les canalisations et de ralentir le développement du biofilm. Elle diffère de la simple vidange qui sert seulement à rafraîchir l’eau.
Il est recommandé de réaliser au moins une purge quotidienne durant les dix premiers jours, puis une par semaine sur le reste du lot et après chaque traitement. « Le rythme idéal est celui qui pourra être observé dans le temps par l’éleveur selon sa disponibilité et le niveau d’automatisation des équipements de purge », souligne Jean Léorat, vétérinaire. L’offre de matériels de purge a évolué. Il est aujourd’hui possible de la programmer par une horloge ou directement par les boîtiers de régulation de nouvelle génération. Le coût d’une purge 100 % automatique (environ 2 000 euros pour un 1 200 m2) est à mettre en parallèle avec l’impact de troubles digestifs sur les performances. Une étude de cas de l’Itavi avait montré un lien entre la présence de biofilm et l’apparition de diarrhées avec une incidence sur la marge poussin aliment de 7 euros/m2 et par an.

L’intérêt de la purge a été démontré sur la qualité du démarrage

Le biofilm, un milieu plus complexe qu’on ne le croit

• « C’est une idée reçue de penser que le biofilm est un simple amas de bactéries, a souligné Christophe Forêt, de l’entreprise de traitement Kurita à l’occasion d’une conférence de Géosane sur la qualité de l’eau. C’est une bio-structure complexe dans laquelle les bactéries sont protégées par une matrice organique qui leur sert de nutriments, elle-même entourée de dépôts minéraux (fer, magnésium, manganèse). La fraction minérale favorise la structure du biofilm et crée une sorte de ciment qui protège les bactéries de l’action des biocides. » Avant d’envisager de désinfecter l’eau, il faut d’abord raisonner propreté du réseau et anticiper la formation du biocide.

• Le biofilm n’est pas forcément visible à l’œil nu. Les parois d’une canalisation en comportent dès lors que l’on ressent au toucher une impression de corps gras ou gélatineux. Il se forme en trois phases. Les bactéries circulant dans l’eau trouvent des points d’accroche dès la moindre rugosité de la surface des canalisations. Cette phase d’attachement s’accélère lorsque l’eau est stagnante ou circule par à-coups. La deuxième étape est celle du développement de la biomasse. Enfin, des morceaux du biofilm finissent par se détacher et se réimplanter plus loin dans le réseau d’eau.

• Les facteurs favorisants sont la qualité microbiologique de l’eau, les nutriments apportés dans l’eau lors de traitements, les entrées d’air dans le circuit, la présence de tartre et de corrosion et la température élevée.

« On peut s’équiper à moindre coût »

"S’équiper d’un système d’automatisation de la purge n’est pas forcément coûteux. Nous avons nous-mêmes installé un système d’électrovannes dans chacun de nos poulaillers. Une fois par jour en rentrant dans le bâtiment, on enclenche la purge via une commande à distance. On envoie une pression d’eau de 3 bars."

Marc Cornec, éleveur dans le Finistère

L’impact de la purge sur le biofilm étudié

La purge automatique permet de ralentir la vitesse de développement du biofilm mais elle ne parvient pas à le décoller totalement.

Pratiquée régulièrement, la purge automatique évite l’implantation du biofilm sur des canalisations propres. Si le biofilm est déjà amorcé à J1, le rinçage sous pression va ralentir son développement mais pas l’éliminer totalement. C’est ce qu’indiquent les premiers résultats d’une étude comparative menée par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire et l’Itavi. Caméra endoscopique et analyses bactériologiques à l’appui, ils ont caractérisé, via une grille de score, l’importance du biofilm durant 5 lots de suite dans des élevages équipés d’un bâtiment avec une purge automatique et d’un bâtiment témoin, sans purge. « Les observations semblent confirmer que c’est surtout la qualité du protocole de nettoyage et de désinfection (N et D) des canalisations lors du vide sanitaire qui joue sur la maîtrise du biofilm », explique Gaëlle Dennery. Pour rappel, il consiste en un nettoyage par une base puis par un acide suivi d’une désinfection, avec un rinçage sous pression entre chaque opération. « Il est ensuite primordial de maintenir un fluide désinfectant à faible dose dans les canalisations durant toute la durée du vide et jusqu’à 30 minutes avant l’arrivée des animaux. » Sans cela, on observe du biofilm dès J0, malgré le respect du protocole de N et D. « L’eau n’est pas un milieu stérile. Stagnante et à température élevée durant la phase de préchauffage, elle réunit les conditions idéales au développement de biofilm. Les bactéries présentes peuvent coloniser les intestins du poussin d’un jour, vierge de tout germe. »

Revoir la conception des équipements

L’étude se poursuit pour déterminer plus précisément la fréquence minimale de purge, à la fois efficace sur le biofilm et qui maintient une eau fraîche durant la phase de démarrage. « Les pratiques des éleveurs suivis allaient de 1 à 6 purges quotidiennes durant la première semaine, puis une purge hebdomadaire jusqu’à la fin du lot. » L’optimum dépendra également de l’équipement dont dispose l’éleveur (niveau d’automatisation), de l’impact sur le temps de travail et de l’origine et de la qualité de l’eau (réseau ou forage).

En parallèle, l’Itavi démarre en 2017 le projet Coach dans le cadre du cluster du bâtiment d’élevage Elinnove. En s’inspirant de l’expérience de l’industrie agroalimentaire, l’objectif est de proposer des voies d’amélioration dans la conception des canalisations d’eau pour les rendre plus faciles à nettoyer. Le diagnostic démarre de la sortie de forage jusqu’au bout des pipettes : limiter les coudes, choix des raccords, des robinets, des vannes… avec le meilleur compromis coût-efficacité.

« Huit purges par jour au démarrage »

Installé à Dangeul dans la Sarthe, Christophe Cosmes applique une fréquence très élevée de purges durant les sept premiers jours pour avoir l’assurance de canalisations sans biofilm et une eau fraîche pour ses poussins. Avec un bâtiment de 1 340 m2 construit en 2014, Christophe Cosmes a essayé plusieurs fréquences de purges avant d’arriver à un résultat satisfaisant. « J’ai démarré le premier lot par un programme classique : une purge quotidienne pendant le démarrage suivie d’une par semaine. J’ai rapidement observé des pipettes qui débitaient moins d’eau que prévu et des problèmes de bouchage. » Depuis près de deux ans, il maintient un rythme peu habituel : 8 purges quotidiennes lors de la première semaine puis deux par jour jusqu’au départ des poulets ou des dindes. « C’est l’optimum pour avoir des canalisations nickels, sans jamais de biofilm, même en fin de lot, explique-t-il. Les conditions de démarrage sont favorables au développement de germes. Le fait de renouveler l’eau très régulièrement permet de la maintenir fraîche tout en stimulant l’abreuvement. »

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