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La pododermatite du poulet de chair, un challenge européen

La gestion de l’eau et de la litière sont les principaux leviers sur lequel peut agir l’éleveur pour empêcher les pododermatites. Retour d’expériences à l’étranger sur les points clés.

Même si l’apparition des pododermatites est multifactorielle, le management technique de la litière joue un rôle prépondérant. Pour les éleveurs, la maîtrise des pododermatites représente un challenge réel mais pas impossible. En témoignent les nombreux élevages qui y parviennent, en France mais aussi à l’étranger. Après la Suède, le Danemark a été l’un des premiers pays d’Europe à surveiller la qualité des coussinets plantaires dès 2002. « Au Royaume-Uni, la « podo » n’est plus un sujet. Avec dix à quinze ans de recul, elle est désormais gérée en routine, a constaté Charles Béthuel, responsable technique France. Ces pays bénéficient d’une expérience, qui peut profiter aux autres pour progresser plus rapidement. ».

À l’occasion du forum technique organisé par la chambre d’agriculture de Bretagne, il a fait un focus sur quelques pratiques mises en place dans les pays voisins et rappelé les recommandations du sélectionneur pour maîtriser les pododermatites.

1. Une litière friable et sèche

Une litière humide est un facteur suffisant pour déclencher des lésions sous les pattes. Concernant le choix du matériau, la priorité est d’avoir un support friable. « La capacité d’absorption du matériau n’est finalement pas indispensable, dès lors que les fientes sont séchées rapidement grâce à une bonne ventilation. » Dans beaucoup de pays, la paille a été depuis longtemps été remplacée par d’autres matériaux : du copeau principalement, mais aussi de la tourbe comme au Danemark, de la balle de riz (Italie), du granulé de bois (Allemagne). Au Royaume-Uni, des éleveurs épandent un mélange de sciure sèche et de sciure verte. Cette dernière, qui sèche très vite, amène un peu d’humidité au démarrage, bénéfique aux poussins.

2. Un poulailler bien chauffé et ventilé

À l’étranger, les poulaillers sont tous bétonnés. Le préchauffage (48 à 72 h) est indispensable pour amener la dalle à température et réduire le risque de condensation après l’arrivée des poussins. L’idéal est d’épandre la litière une fois la dalle chaude. L’objectif lors du démarrage est d’atteindre une température de litière de 30 °C, une température d’ambiance de 32-34 °C, une humidité de 40 à 50 %, et un renouvellement de l’air minimum d’1,52 m3/h/kg le premier jour, préconise le sélectionneur.

Le papier de démarrage doit être retiré vers 2-3 jours, même s’il est biodégradable.

L’humidité de la litière doit être évacuée par la ventilation dès le premier jour et au quotidien. « Les danois sont très à cheval sur ce point. Ils surventilent automatiquement les jours où l’hygrométrie inférieure est supérieure à celle de l’extérieur. »

Maintenir une litière sèche implique de ventiler et de chauffer davantage, comme le confirment ces données d’élevages de poulets lourds en France, compilées par l’Itavi. Les élevages ayant un taux de pododermatites inférieur à 30 % consomment 24 % de plus de gaz que ceux avec un taux de pododermatites supérieur à 70 % (7,86 kg de gaz/m2 contre 6,13 kg de gaz/m2 respectivement). « Les Britanniques n’hésitent pas à chauffer jusqu’à 27-28 jours, voire plus. »

3. Surveiller le ratio eau/aliment par animal

Une surconsommation d’eau peut avoir un effet néfaste sur l’intégrité intestinale des volailles. Cette eau se retrouve dans la litière, ce qui augmente le risque de pododermatites, comme l’a démontré une étude anglaise sur des lots de poulets de 37 jours (2,3 kg). Les lots ayant un taux de pododermatites inférieur à 30 % avaient un ratio eau/aliment moyen de 1,74 contre 1,86 pour ceux ayant plus de 70 % de pododermatites. Cet écart de 0,12 représente un demi-litre en plus de consommé par animal et par lot, soit 13 000 litres d’eau supplémentaires à évacuer pour un lot de 20 000 poulets ! Au Royaume-Uni et au Danemark, les éleveurs surveillent au quotidien le ratio entre les consommations d’eau et d’aliment par animal, pour déceler rapidement une surconsommation d’eau et anticiper les actions correctives. Ils sont équipés de systèmes de pesée de l’aliment (trémie peseuse, silos sur jauges…). Aviagen préconise pour le Ross 308 un ratio eau/aliment de 1,8-1,9 la première semaine et de 1,7-1,8 ensuite.

4. Une pression d’eau à la pipette ajustée

L’éleveur peut agir sur l’ingestion de l’eau par deux manières : en contrôlant la pression et en adaptant régulièrement la hauteur des pipettes. « Un poussin grandit d’un cm par jour jusqu’à 21 jours, rappelle-t-il. Le repère est que chaque prise d’eau corresponde à 3-4 coups de becs, au-delà cela signifie que les pipettes sont trop basses et inversement, ce qui peut favoriser le gaspillage. » Les Danois ont montré lors d’une étude qu’il était possible d’agir sur les pododermatites rien qu’en agissant sur la pression d’eau à la pipette. Le score de lésions aux pattes passait de 10 lors d’un programme de pression basse à 60 (1) dans les cas d’une pression élevée. Pour s’assurer que la pression est adaptée, on mesure le débit à la pipette à l’aide d’un tube gradué (débitmètre). Les débits conseillés par Aviagen sont de 20 à 30 ml/min jusqu’à 7 jours, 40 à 70 ml/min de 7 à 21 jours puis 70 à 80 ml/min jusqu’en fin de lot. Il existe par ailleurs des systèmes d’ajustement automatique de la pression d’eau (Lubing, Plasson…).

5. Des pipettes à bas débit et en nombre

En Espagne et en Allemagne, l’utilisation de pipettes à bas débit et multidirectionnelle est généralisée. Les pipettes sont considérées comme des consommables et remplacées au bout de six ans maximum. Les éleveurs du Royaume-Uni vont même plus loin et utilisent des pipettes à très bas débit (60 ml max). « Attention toutefois au risque de sous-consommation qui peut impacter la croissance. L’accès des poussins à l’eau est un point clé de la réussite du démarrage », tempère-t-il. Il rappelle les recommandations concernant le nombre de pipettes (1 pour 12 animaux au maximum). « Lorsqu’il n’y a pas assez de pipettes, les poulets ont tendance à accélérer leur vitesse de consommation avec un risque de gaspillage et de dérèglement digestif. » De même, il conseille de disposer d’une assiette pour 65 animaux au maximum. « La compétition à la mangeoire est une source de stress et peut induire une variation de consommation, et indirectement une moins bonne digestion et des fientes plus humides. »

(1) Score mesuré sur une échelle de 200, la note maximale signifiant que 100 % des poulets contrôlés ont des lésions importantes.

Chiffres clés

Un lien entre pododermatites et performances techniques

Diviser par deux le taux de pododermatites se traduit par :

+ 2-3 g de GMQ

- 6 points d’IC

- 0,2 % de taux de saisies

+ 1-2 % d’homogénéité du lot

Un gain qui doit financer le surcoût des charges liées à la gestion des pododermatites (litière, chauffage, dalle béton, aération de la litière…), estimée à + 26 €/m2/an par l’Itavi.

Sources : Université de Wageningen et Aviagen

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