Êtes-vous satisfait du nouveau règlement bio ?
Benoit Drouin- C’est le résultat d’un compromis entre les pays du nord et du sud, aux cultures et à l’Histoire – notamment agricole — bien différentes. Au nord de l’Europe, les principales différences portent sur la vision d’un foncier à ne pas gaspiller, sur les trois mois d’élevage d’un poulet français jugés surréalistes, et sur une taille d’atelier sans importance tant que la règle bio est respectée. Il faut dire qu’en France, le développement de la bio avicole est intimement lié à l’histoire du label rouge. Or, les pays du sud n’ont pas obtenu satisfaction sur la plupart de ces points. Ce n’est pas faute de les avoir défendus bec et ongles pendant des années. Nos principales déceptions concernent la taille des bâtiments et les densités, ainsi que le dossier poulette, problématique à court terme.
Pour quelles raisons les voix du Nord l’ont emporté ?
B.D.- Fondamentalement, je soupçonne la Commission d’avoir voulu mettre le moins d’entraves possible au développement des volumes, de manière à ne pas pénaliser les prix. Il y a donc un objectif économique sous-jacent, avec le souci de minimiser les contraintes, bien qu’il en reste. Mais, je ne crois pas qu’une taille plus importante des élevages fera beaucoup baisser ce prix.
La Commission a indiqué viser d’autres objectifs : la production locale et les circuits courts, ainsi que la prise en compte du réchauffement climatique…
B.D.- Pour l’instant, ce n’est pas visible dans les règles pratiques. C’est en quelque sorte un discours obligé, comme le Green deal de la PAC. La Commission ne peut pas faire l’impasse d’une déclaration dans ce sens. Elle érige des principes, en encourageant les opérateurs à le faire, eux.
Reste-t-il encore une marge de manœuvre nationale ?
B.D.- Quelques-unes. Sur l’accès au parcours par exemple, il est désormais écrit que les animaux doivent « sortir le plus tôt possible », en plus « d’un tiers de leur vie ». Le guide de lecture français précisera de sortir les poules obligatoirement à partir de la 25e semaine, pour éviter les dérives. Par contre, nous n’aurons pas de marge pour les reproducteurs bio (obligatoires en 2 036). Avec ça, nous courons le risque d’avoir la même génétique bio en France, voire en Europe.
Le lien au sol qui passe de 20 à 30 % pour les aliments, c’est mieux…
B.D.- C’est mieux au niveau de la ferme, mais seulement « si c’est possible ». Sinon, on passe encore à l’échelle régionale, voire nationale. Le respect du lien au sol dépendra avant tout de la volonté des organismes de gestion, des groupements et des metteurs en marché. Veulent-ils une cohérence et une complémentarité entre productions animales et végétales. Des modèles économiques viables et cohérents avec le lien au sol, ça existe. On retrouvera encore toute la palette des pratiques bio, du hors-sol intégral au système complet animal-effluent-végétal. Le producteur de viande doit se préoccuper de l’origine des matières premières et de leur pérennité, sans faire l’autruche. Je suis convaincu que la relation à l’animal va aussi prendre de plus en plus d’importance.
Est-ce que cela peut être valorisé auprès du consommateur ?
B.D.- Des opérateurs essayeront forcément de se différencier. Je ne sais pas si le dire à travers une marque, un slogan ou un label fera vendre plus, mais ne pas le faire fera certainement vendre moins. Nous buterons toujours sur le prix et le pouvoir d’achat. Une grande partie de ceux qui veulent manger bio ne le font pas pour cette raison. Le prix restera le critère d’achat numéro un. Quant aux éleveurs, ils sont engagés en bio parce qu’ils ne gagnent pas moins qu’en conventionnel et qu’ils ont des convictions. Je ne suis pas un croyant de la bio, mais un pratiquant à la recherche d’une cohérence globale sur mon exploitation.