« J’ai construit une centrale photovoltaïque par-dessus mon poulailler tunnel »
En Haute-Marne, un éleveur a eu l’idée originale d’installer une charpente métallique au-dessus de son tunnel d’élevage de pondeuses pour produire de l’électricité tout en protégeant ses poules.
En Haute-Marne, un éleveur a eu l’idée originale d’installer une charpente métallique au-dessus de son tunnel d’élevage de pondeuses pour produire de l’électricité tout en protégeant ses poules.
À 28 ans, Thomas Courageot, agriculteur et producteur d’œufs à Marbéville (52), a déjà réalisé plusieurs projets sur l’exploitation familiale. Le dernier-né est l’installation de panneaux photovoltaïques, ce qui peut paraître commun. Et pourtant… Ici, la structure métallique qui supporte les panneaux solaires englobe l’intégralité des 2 400 m² de son poulailler tunnel de 200 mètres.
L’investissement coûteux et récurrent de la bâche du tunnel, à changer tous les dix ans, est à l’origine de la genèse des panneaux photovoltaïques. « Le dernier changement de bâche date de 2015, indique Thomas Courageot. À l’époque, cela nous avait coûté 38 000 euros et aujourd’hui ce serait 50 000 euros. Qu’en sera-t-il dans deux ans ? » Compte tenu de cet investissement onéreux, le jeune agriculteur a cherché une autre solution. Après dix-huit mois de réflexion et quelques démarches administratives, il a finalement choisi de construire, au-dessus du tunnel, un bâtiment avec des panneaux photovoltaïques. Le permis de construire obtenu en janvier 2021, les travaux ont démarré au printemps 2022 et la mise en service a eu lieu en janvier dernier.
Un seul bâtiment et plusieurs usages
Proche du lac du Der, très fréquenté par les oiseaux migrateurs, Thomas Courageot est régulièrement confronté aux arrêtés préfectoraux qui le contraignent à confiner ses poules pour se prémunir du risque de grippe aviaire. « Pour permettre aux poules de continuer à sortir, tout en les préservant d’un risque sanitaire, il me fallait conceptualiser un jardin d’hiver protégé, explique-t-il. La construction du bâtiment photovoltaïque est une aubaine. Je l’ai surdimensionné par rapport au tunnel. »
C’est un bâtiment de type mono pente, de 3,50 mètres de haut au point bas à 7 mètres au faîtage (pente de 12,3 degrés ou 21,9 %). « Avec ses 223 mètres de long et ses 16 mètres de large débordant de deux mètres de chaque côté du poulailler, la nouvelle structure m’a permis de créer un jardin d’hiver de 800 m², avec un gisoir bétonné de chaque côté. »
Ce jardin d’hiver dallé est abrité par la toiture photovoltaïque et fermé par des filets brise-vent qui seront installés ce mois de mars entre les poteaux métalliques espacés de 10 mètres. Un tiers des filets seront relevables grâce à un système automatisé. « Les filets brise-vent présentent d’autres avantages, précise Thomas Courageot. Ils permettent au poulailler de bénéficier de la lumière et de la chaleur naturelle. Ils évitent également que la pluie, la neige ou le vent s’engouffrent à l’intérieur. » Stoppant 40 % de l’air, ils ne devraient pas pour autant perturber les entrées d’air par les trappes (2,5 m2 de surface d’admission).
Une aubaine technique et financière
Exposés Sud-Sud-Est, les panneaux photovoltaïques reposent sur une toiture en bac acier. La mise en service et la production d’électricité ont été prévues en deux étapes. Une première ligne de panneaux d’une puissance de 250 kWc a été installée et mise en service en janvier. La seconde tranche, de même capacité, sera réalisée d’ici la fin de l’année.
« L’investissement total s’élève à près de 800 000 euros, indique Thomas Courageot, en comptant les 500 kWc. Dans le cadre du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAEA) et grâce à la création du jardin d’hiver qui participe au bien-être animal, la région Grand Est m’a octroyé une subvention de 62 500 euros. Cette aide compense un surcoût de travaux de 70 000 euros, lié au contexte politique et à la guerre en Ukraine. »
Thomas a contracté un emprunt à 1,1 % sur quinze ans, avec une annuité de 63 000 euros. En vendant en totalité l’électricité, il devrait percevoir 72 000 euros par an. Ainsi, il générera un revenu annuel proche de 10 000 euros jusqu’à la quinzième année, beaucoup plus au-delà. « Hormis l’entretien des panneaux estimé à 1 500 euros par an, cette activité génère peu de charges », précise l’éleveur.
D’ici deux ans, le jeune agriculteur prévoit d’atteindre un potentiel productif d’un mégawatt crête. Pour ce faire, il envisage d’installer des ombrières solaires sur les six hectares du parcours et d’autoconsommer une partie de l’électricité.
Une exploitation qui s’adapte pour durer
2004 Création par les parents de Thomas d’un élevage de 20 000 poules reproductrices chair, avec deux tunnels statiques (100 mètres par 12 mètres) munis un sas central
2010 Passage en ventilation dynamique longitudinale (4 turbines en pignon et rideaux d’entrée à l’opposé)
2016 Installation de Thomas et mise en service d’un méthaniseur par voie solide (170 kWh d’électricité en cogénération).
2017 Arrêt des œufs à couver et transformation pour 13 500 poules pondeuses plein air (Bio en 2018)
2020 Transformation de la ventilation dynamique (pose de 48 trappes discontinues par côté)
2023 Mise en route de l’installation solaire de 250 kWc en janvier, deuxième tranche de 250 kWc fin 2023.
2024 Projet de 500 kWc d’ombrières photovoltaïques sur parcours
Une ventilation « maison »
La ventilation a été dynamisée une première fois en 2012 avec l’installation de rideaux coulissants et de turbines d’extraction aux pignons. Puis en 2020, Thomas a remplacé les rideaux par des panneaux sandwich munis de trappes Kan’air (Tuffigo-Rapidex). Pour l’acquisition des données d’ambiance et leur contrôle, il a choisi Autoprog qui conçoit des supervisions industrielles de pilotage. Ce fournisseur basé dans l’Aube avait pourvu l’installation électrique, l’automatisation et la supervision de gestion de son méthaniseur. « Notre système Avisio est sans limite et s’adapte aux attentes du client. Avisio exploite les données de capteurs et peut piloter tout ce qui a un moteur, explique David Beaurieux, du bureau d’études. Il fonctionne en réseau, à partir du chargement web de l’application sur n’importe quel ordinateur. » Chez Thomas, Avisio suit la ventilation, l’éclairage, les trappes de sortie des poules, les consommations d’eau et d’aliment.