Gérer le risque de picage des poules pondeuses dès la poussinière
La maîtrise du risque de picage sévère nécessite d’agir sur toutes les sources de stress. Explications du distributeur néerlandais de souche Lohmann sur des poules non épointées en systèmes alternatifs.
La maîtrise du risque de picage sévère nécessite d’agir sur toutes les sources de stress. Explications du distributeur néerlandais de souche Lohmann sur des poules non épointées en systèmes alternatifs.
« Même sur des poules non épointées, on peut arriver à maintenir des lots avec un bon état d’emplumement. Mais cela exige davantage d’observation du comportement des animaux, plus de contrôles quotidiens des indicateurs d’élevage et de réactivité », a résumé Janne van Rooij, de l’entreprise Ter Heerdt, le distributeur néerlandais de la génétique Lohmann, à l’occasion d’une réunion technique de Lohmann France en novembre 2018. « Sans épointage, on est très vite averti d’un problème de management du lot. » Aux Pays-Bas, les élevages ont commencé à arrêter d’épointer le bec des poules pondeuses il y a 3 ans. La production en volières y prédomine (56 % en code 2), devant le plein air (21 %) et la cage (15 %). Leader sur le marché de la poulette, Ter Heedt commercialise chaque année 9.3 millions de poulettes de 17 semaines, provenant d’une soixantaine de poussinières de 50 000 à 100 000 places en intégration. Sa directrice qualité a fait part de son retour d’expériences dans les systèmes de production alternatif. Son premier conseil est de contrôler la présence régulière de plumes sur le sol. « Si elles disparaissent, c’est un signe d’alerte qui doit être confirmé par la mise en évidence de plumes dans les gésiers », explique-t-elle. « Les oiseaux consomment de la plume lors de problèmes intestinaux, car c’est une source de fibres qui permet de stimuler les intestins. » Pour réduire le picage, il faut agir sur tout ce qui peut stresser l’animal et modifier son transit intestinal : l’alimentation, le sanitaire, l’ambiance… et bien entendu le management du lot. L’un des points clés est de créer un environnement en ponte qui soit le plus proche possible de celui du bâtiment d’élevage, en termes de luminosité, d’aménagement et de types d’enrichissement.
Un programme lumineux très progressif
En poussinière, toute la difficulté est d’avoir une intensité lumineuse suffisamment élevée pour avoir des poulettes actives et les inciter à sauter, mais sans favoriser le picage. « On sait en effet qu’une lumière trop intense peut favoriser des comportements agressifs dès les premières semaines, en particulier sur la poule blanche. » Sur la Lohmann brown, le programme lumineux appliqué par Ter heerdt démarre à 40 lux le premier jour puis baisse à 10 lux à 5 jours, jusqu’à la fin de l’élevage.
A l’arrivée dans le bâtiment de ponte, l’intensité démarre à 15 lux(1) puis augmente très progressivement pour atteindre 20 lux à 30 semaines d’âge (voir infographie). À l’intérieur de la rangée (nids, alimentation), l’intensité monte à 25 lux. Par contre, sous la structure, la gestion de la lumière diffère. Elle est de 40-50 lux en début de journée afin d’éviter la ponte au sol (poules plus actives). Puis cette zone est éteinte l’après-midi pour permettre à la poule de s’isoler si besoin. « Concernant le matériel, nous utilisons des néons traditionnels à haute fréquence pour éviter le scintillement avec un spectre de lumière de 2700 kelvin (lumière chaude). Les luminaires à leds ne nous ont pour l’instant pas convaincu. » L’éclairage en poussinière doit être cohérent avec celui du bâtiment de ponte. « Le pire scénario est d’avoir un élevage en lumière chaude suivi d’une phase de ponte avec une lumière bleue (5-6000 kelvin), cette dernière favorisant le picage. »
Favoriser l’enrichissement du milieu
Concernant l’enrichissement, les éleveurs néerlandais ont surtout recours au bloc à piquer, car « il est moins onéreux et facilement duplicable en ponte. » Certains épandent également du grit sur le sol à 3, 9 et 14 semaines, avec l’objectif premier de stimuler l’estomac. La distribution de luzerne est plutôt réservée en ponte en cas de problème. Les poussinières Ter Heerdt sont surtout équipées de volières à niveaux superposés. La responsable qualité encourage à libérer les poulettes le plus tôt possible, selon la hauteur du système : dès 15 jours pour la Lohmann white et vers 3-4 semaines pour la Lohmann Brown. « On diminue ainsi la promiscuité et le risque de picage. Les poulettes ont accès à davantage d’espace et de cachettes. C’est le meilleur enrichissement qui soit ! » L’entreprise a d’ailleurs remarqué que le risque de picage des poules non épointées était plus important en élevage au sol qu’en volière, les poulettes ayant moins de possibilités de fuite et d’isolement.
Au fil du temps, des aménagements ont été apportés dans les poussinières en volières pour mieux leur apprendre à sauter et accéder aux étages et réduire le risque de ponte hors nid. Des plateaux mobiles avec une ligne de pipettes ont été ajoutés entre les rangées des systèmes à niveaux. La distribution d’eau est ponctuellement coupée dans les systèmes pour obliger les poulettes à s’abreuver sur les plateaux en hauteur. Avoir des poulettes actives, est selon Janne van Rooij, primordial pour éviter la ponte hors nid. C’est aussi le cas de l’accessibilité aux nids (multiplier les rampes et les perchoirs), la gestion de l’éclairage sous le système et le ramassage des œufs au sol dès le premier jour. Comme pour le picage, la poule agissant souvent par mimétisme.