Pourquoi le pou rouge est-il si difficile à atteindre ?
Lise Roy - "Dermanyssus gallinae est un microprédateur comme l’est le moustique : il ne vit pas sur l’hôte car il ne supporte pas la chaleur. Il ne survit pas longtemps au-delà de 42 °C. C’est paradoxalement la température corporelle de la poule. Ce n’est pas un parasite comme le pou de la tête. Il n’a pas de relation étroite avec son hôte. Il se nourrit d’une poule lambda lors d’un repas puis d’une autre au repas suivant. Il reste très peu de temps sur la poule. Il lui suffit de quelques minutes (30 au maximum) pour se gorger d’une très petite quantité de sang puis il s’éloigne de son hôte pour se refroidir. Alourdi par le repas, il se déplace lentement et se niche dès le premier interstice trouvé sur son chemin."
Quelle est la fréquence des repas du pou rouge?
L. R. - "Vulnérable au piétinement de son hôte, le pou se nourrit surtout sur les poules immobiles, souvent la nuit. C’est une fausse croyance de dire qu’il est lucifuge. Un pou mâle se gorge deux fois au cours de sa vie (pour chaque mue) puis il s’accouple. La femelle prend également deux repas pour les deux mues puis un repas à chaque début de ponte (jusqu’à huit cycles de reproduction). Au final, un pou femelle ingère huit à dix repas seulement au cours de sa vie. Une fois un cycle de ponte entamé, la femelle devient plus vulnérable au jeûne (quinze jours de survie au maximum). Mais après passage au stade adulte, elle peut survivre bien plus longtemps. En dehors des femelles qui ont entamé un cycle de ponte, les différents stades peuvent jeûner jusqu’à au moins neuf mois. En l’absence de traitement, la période de vide sanitaire est donc peu efficace pour réduire la population de poux (pas d’effet du temps)."
Et quel est l’impact du lavage sur la population de poux rouges?
L. R. - "C’est une erreur de penser que le pou craint l’eau. Au contraire, elle l’attire et le pou peut survivre longtemps à l’immersion. Nos travaux ont montré une LT 50 (durée nécessaire pour tuer la moitié de la population) de 35 heures par immersion dans l’eau. Elle est réduite à 10 heures en ajoutant un tensioactif."
Le pou peut-il développer une résistance aux traitements ?
L. R. - "La résistance du pou à certaines molécules acaricides a été démontrée. Elle est néanmoins moins fréquente que ne le pensent les éleveurs. Les échecs de traitement s’expliquent davantage par les spécificités biologiques du pou et la difficulté à atteindre la partie cachée de la population. D’où l’importance du développement de méthodes alternatives aux pulvérisations de substances acaricides et de traiter au bon moment (méthode de piégeage pour la détection d’un seuil critique développée avec Geoffrey Chiron de l’Itavi).
Tous les scientifiques réunis au sein du groupe européen Corémi sur le pou rouge s’accordent à dire qu’il n’existe pas de 'solution magique' pour éradiquer le pou rouge. La lutte passe par la convergence des solutions : lutte biologique au moyen d’auxiliaires, additifs ayant une action répulsive, traitements conventionnels acaricides…"
Peut-on espérer un vaccin contre le pou rouge?
L. R. - "Ce sont des travaux de long terme qui avancent doucement. Il existe bien un vaccin contre les tiques sur du bovin ! L’idée est de trouver une protéine du pou (antigène) qui soit reconnue par une protéine du système immunitaire de la poule (anticorps) et que l’action de la protéine de la poule soit néfaste pour le pou. Deux équipes de recherche du Royaume-Uni y travaillent depuis quelques années. Ils ciblent désormais des antigènes de protéines présentes dans le tube digestif du pou afin d’optimiser les chances de trouver un couple anticorps-antigène approprié à la vaccination. Les anticorps produits en grande quantité par la poule pourraient agir sur le système digestif du pou et avoir un effet délétère sur celui-ci."
(1) Action Cost http://coremi.eu/home.html
Le saviez-vous ?
Le pou est sensible aux odeurs émises par la poule. C’est ce qu’ont montré de récents travaux du Cefe de Montpellier à partir d’un additif répulsif composé d’huiles essentielles commercialisé sur le marché. Une dizaine de composés volatiles ou leurs produits de dégradation ont été détectés après ingestion. Émis par la poule, ils la rendent moins appétente pour le pou.