En Tunisie, des poules pondeuses sous air filtré pour en finir avec les salmonelles
Filtrer l’air des bâtiments de poules pondeuses de l’entreprise tunisienne Taissir a été une mesure sanitaire clé pour enrayer la contamination du site par les salmonelles.
Filtrer l’air des bâtiments de poules pondeuses de l’entreprise tunisienne Taissir a été une mesure sanitaire clé pour enrayer la contamination du site par les salmonelles.
Sur le site de production d’œufs de l’entreprise tunisienne Taissir, il y a vraiment eu un avant et un après la mise en place de la filtration d’air. Il compte cinq bâtiments de poules pondeuses en cages de 25 000 à 45 000 places, dont quatre sont désormais sous air filtré.
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Une décision prise en 2017 pour enrayer la contamination récurrente du site multiâge par la bactérie Salmonella gallinarum, qui induisait des chutes de ponte et une mortalité importantes. « Le vide complet du site avec une désinfection renforcée réalisé l’année précédente s’était révélé inefficace, avec un retour des soucis sanitaires dès le début du premier lot. La situation économique devenait catastrophique, se rappelle Hichem Trabelsi, PDG de Taissir. J’étais au départ dubitatif sur l’efficacité de la filtration d’air mais son résultat a été phénoménal. » Après un an de recul sur le premier bâtiment, trois autres ont été équipés les années suivantes.
Une ventilation centralisée en surpression
Le principe de la filtration est d’assainir tout l’air entrant en le faisant traverser une succession de filtres.
Les bâtiments étaient déjà équipés d’une ventilation longitudinale 100 % pignon, ce qui a facilité le passage à une entrée d’air centralisée. Fournie par Sodalec Distribution, la centrale de filtration est positionnée au niveau du pignon, derrière le pad-cooling. Elle retient les particules inférieures à 0,4 µm, sachant que la taille d’une bactérie de type salmonelle est de 0,7 µm. « Cela n’arrête pas les virus, plus petits, mais l’élimination des poussières, vecteur de pathogènes, contribue à réduire la pression virale », explique Anis Fahrat, directeur d’exploitation. « La filtration d’air fait partie d’une démarche globale d’amélioration sanitaire », poursuit-il.
Les mesures de biosécurité ont été renforcées. L’entrée dans le bâtiment se fait par un sas central avec douche obligatoire. Le local d’emballage des œufs a été isolé de la salle d’élevage (salariés dédiés). La mise en surpression évite tout entrée d’air parasite (par exemple via les ouvertures pour le tapis de convoyage des œufs. « Toutes ces mesures ont contribué à éradiquer Salmonella gallinarum de notre site. »
Une démarche sanitaire globale
« Nos frais vétérinaires ont diminué et nous n’utilisons plus aucun antibiotique depuis trois ans. Il y a toujours des passages viraux (bronchite infectieuse par exemple) mais ils ont moins d’impact sur la courbe de ponte. » Les performances des lots se sont améliorées sur tous les plans : qualité et quantité d’œufs, taux de survie (supérieur à 90 % à 100 semaines d’âge), état d’emplumement. « Nous constatons une meilleure robustesse des poules qui nous a permis d’allonger la durée de ponte de 16 semaines. » Les lots de souche blanche (Lohmann) atteignent 470 œufs par poule à 100 semaines.
Un amortissement estimé à sept ans
Dans le contexte de la Tunisie, le coût d’une filtration d’air représente environ 10 % du prix d’un bâtiment. « Difficilement amortissable sur un site neuf et en âge unique, le retour sur investissement est en revanche évident pour notre site de bâtiments plus anciens et multiâge. Il est amorti sur sept ans, grâce à des gains multiples : sur l’amélioration de la production par poule, sur l’allongement de la ponte (moins de périodes de non-production du vide sanitaire, moindre usure des batteries lavées et désinfectées à chaque lot…). » Ce calcul tient compte du surcoût en électricité des surpresseurs (1), de la durée de vie des filtres. Par rapport à ses concurrents, l’entreprise Taissir estime dégager une marge sur le coût de production d’un œuf supérieur de 10 à 15 %, la maîtrise sanitaire étant un levier clé.
Principe de fonctionnement de la filtration d’air
1 L’air neuf est préalablement refroidi à l’aide du pad-cooling (en période chaude) avant de traverser le dispositif de filtration. Il est composé de caissons comprenant chacun 24 blocs de 3 filtres successifs : un filtre G4 en polypropylène qui retient les particules de plus de 5 microns (poussières), un filtre F7 (80 à 90 % des particules > 0,4 µm) puis un filtre F9 (95 % des particules restantes).
2 L’air filtré est poussé par les ventilateurs des caissons (surpression de 40 Pa) et transite dans une chambre de mélange d’air avant d’entrer dans la salle d’élevage.
3 En ventilation minimale, l’air est diffusé sur toute la longueur du bâtiment par une gaine rigide au niveau du faîtage.
4 Lorsque les besoins de ventilation augmentent, l’entrée d’air se fait progressivement par les trappes à volets TPI.
5 La sortie d’air se fait par des trappes d’échappement, au pignon et sur les côtés. L’automate Megavi Dual de Sodalec régule la ventilation en fonction de la température, de l’hygrométrie et la teneur en CO2. L’encrassement des filtres est surveillé à l’aide d’un dépressiomètre électronique. Les filtres G4 sont nettoyés chaque semaine, du fait de l’air sec et poussiéreux de la région.
En savoir plus
Taissir détient 3 à 5 % de parts du marché tunisien
Basé à Grombalia dans le nord-est de la Tunisie, le groupe agricole Taïssir produit 42 millions d’œufs par an et représente 3 % du marché national. Il produit aussi du poulet de chair (5 millions par an, 5 % de part de marché) et de la dinde. L’entreprise en intégration détient également une activité de reproducteurs chair, un couvoir (8 millions de poussins par an), un site d’abattage et une usine d’aliment.
L’intérêt de combiner air filtré et pad-cooling
Cet exemple tunisien montre que la filtration d’air est techniquement et économiquement possible en élevages avicoles. En France, la filtration d’air est utilisée dans des bâtiments de porcs mais pas dans les élevages commerciaux de volailles. Seules des entreprises de sélection ont équipé certains de leurs bâtiments de poules reproductrices, et ce depuis longtemps, pour la maîtrise sanitaire de leurs cheptels à haut potentiel. Le principal frein est économique. Avec le réchauffement climatique, la filtration d’air pourrait connaître un intérêt croissant, dès lors qu’elle est combinée avec un système de refroidissement pad-cooling, permettant de faire d’une pierre deux coups en obtenant un air assaini et refroidi. « Évalué à 100 000 euros pour un bâtiment de 1 000 m2 en ventilation longitudinale, le surcoût d’une filtration et d’un pad-cooling peut être amortissable en sept à dix ans dans certaines situations sanitaires », estiment Fabrice Poisbeau et Guirec Rollando, de Sodalec Distribution. « Bien dimensionné, un pad-cooling est plus efficace qu’une brumisation pour passer les coups de chaleur et demande des vitesses d’air moins élevées (capacité d’extraction et consommation d’électricité réduites). En canard, la ventilation par surpression allonge la durée de vie des ventilateurs (air non vicié, moins de corrosion). »