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Emissions des élevages : La révision de la directive IED soulève un tollé général

  Le projet de révision de la directive sur les émissions industrielles et agricoles fait "tousser" la profession agricole et les Etats Membres, notamment en volailles avec trois quarts des exploitations qui seraient considérées comme des élevages intensifs.

Démonstration d'enfouissement de lisier
© P. Le Douarin

Engagé dans le cadre européen du « Green deal » et du « zéro pollution » d’ici 2050, le projet d’élargissement de la directive sur les émissions industrielles et agricoles aux exploitations de plus de 150 équivalents UGB soulève un tollé général.

Le 16 mars, les ministres de l’environnement des Etats membres vont avoir à se prononcer sur un projet présenté le 5 avril 2022, et qui pour l’instant ne suscite pas l’enthousiasme. Avant eux, le 16 janvier les experts agricoles se sont montrés inquiets de ses conséquences. Le 30 janvier, les ministres de l’agriculture se sont également opposés à la proposition dans sa version initiale.

Mais de quoi s’agit-il ? La Commission européenne veut actualiser la directive n°75 de 2010 qui encadre les émissions industrielles de polluants (gaz à effet de serre, ammoniac...).

Actuellement, elle concerne uniquement les élevages de porcs et de volailles soumis à autorisation (750 truies, 2000 places de porcs, 40000 places de volailles). Ils seraient au nombre de 20 000 en Europe, soit 4 % des élevages.

En intégrant les bovins et en fixant un seuil de niveau de chargement à l’équivalent de 150 UGB, soit 10 714 places de poules pondeuses et à 5 000 places d’autres volailles (en se référant aux coefficients de conversion européens), elle compte impliquer plus d’élevages vers des pratiques vertueuses, c’est-à-dire réduisant fortement leurs impacts environnementaux, via les « meilleures techniques disponibles » (MTD).

Selon les calculs de la Commission,165 000 exploitations de plus seraient intégrées, soit « environ 13 % des exploitations européennes responsables de 60 % des émissions d’ammoniac et de 43 % de celles de méthane ». Et les bénéfices pour la santé de cet élargissement sont estimés à 5,5 milliards d’euros par an.

 

7 à 9 élevages de volailles sur 10 passeraient en autorisation

Selon les estimations de l’Itavi, le régime d’autorisation deviendrait la norme avec la nouvelle directive IED.

 

Un impact sous-estimé

Là où le bât blesse, c’est que l’adoption de cette louable intention toucherait beaucoup plus d’agriculteurs que calculé par la Commission d’après des données anciennes (2016) et qu’elle aurait un coût et des contraintes très importantes pour les éleveurs.

Côté nombre d’agriculteurs, rien qu’en France il faudrait inclure au minimum 30 700 exploitations bovines (47 % des effectifs et 24 % des élevages contre 0% actuellement), 9 492 élevages porcins (93 % des sites contre 7% actuellement) et 8 662 exploitations avicoles (72 % du total, contre 18 % actuellement).

Ces calculs des instituts techniques (Idèle, Ifip, Itavi) se basent sur les bases de données professionnelles. Contrairement à la Commission, elles ne tiennent pas compte des élevages non professionnels et des élevages professionnels mixtes, sachant que toutes les UGB comptent dans une exploitations mixte. Ce qui pourrait expliquer la différence d’impact.

Les organisations professionnelles, qui déplorent de voir l’agriculture seulement assimilée à une industrie polluante, n’ont pas manqué l’occasion de faire remonter ces données à Bruxelles. Ni de soulever la question de la compétitivité européenne par rapport aux viandes importées en s’interrogeant sur le devenir de la souveraineté alimentaire.

L’autre effet serait un renchérissement des coûts de production liés au durcissement des règles d’exploitation. Les frais du dossier d’autorisation augmenteraient de 10 000 €, auxquels s’ajouteraient 2 500 € de frais de surveillance par bâtiment, et 2000 € par an de bilan de surveillance. L’Itavi estime aussi que l’application des meilleures techniques disponibles sur un bâtiment oscillerait entre 50 000 et 85 000 euros selon la production (voir encadré).

Troisième critique de l’étude d’impact réalisée par la profession agricole, la Commission n’a pas pris en compte les réglementations déjà en place relatives à la lutte contre les pollutions et nuisances (nitrates, ammoniac, gaz carbonique, méthane, protoxyde d’azote...) qui sont loin d’être négligeables en termes d’impacts entre 2000 et 2020, notamment en aviculture : -17% d’émissions d’équivalents CO2 total.

Selon notre confrère Agra Presse, les propositions faites par les services agricoles des Etats membres portent sur l’hypothèse d’un relèvement du seuil à 300 UGB pour tous ou pour les bovins seulement (Allemagne), voire à 500 UGB  (Hongrie), ou pas du tout d’extension (Pologne, Roumanie). Seraient exclues les exploitations familiales en modes extensifs ou biologiques. Sans avancer un chiffre, la France a demandé des « garanties sur la bonne prise en compte des spécificités de certains élevages et des processus de production durables ».

Par un communiqué de presse commun du 6 mars, les organisations professionnelles (FNP, FNB, FNSEA, CFA, FNPL) demandent le gel pur et simple du périmètre d’action de la directive : « exclusion des bovins et maintien des seuils à 2000 places ou 750 truies en porcs, ou 40 000 places en volailles. » En précisant qu’ils « attendent du gouvernement français une position ferme et comptent sur son engagement pour convaincre ses partenaires de défendre le statu quo. »

 Le 30 janvier, le commissaire à l’environnement était resté sur la position des 150 UGB. La présidence suédoise voudrait boucler le 16 mars pour finaliser avant fin juin, sachant que les règles n’entreraient en vigueur que 3 ans et demi au mieux après l’adoption de la directive, peut être vers 2028-2029.

 

 

Les objectifs de la réforme de la directive IED

Frans Timmermans, le commissaire chargé du pacte Vert pour l’Europe, a déclaré lors de l’annonce de la réforme de la directive IED que « d’ici à 2050, l’activité économique dans l’UE ne devrait plus polluer notre air, notre eau et notre environnement au sens large. »

Les principaux objectifs du projet sont de :

  • réduire au maximum les émissions à leur source de production,

  • avoir des procédures d’autorisations basées sur l’obtention des meilleures performances (MTD),

  • promouvoir les technologies et les techniques innovantes,

  • atteindre le « zéro pollution en 2050 » avec l’élaboration de plans de transformation des installations autorisées d’ici 2030 ou 2034,

  • offrir plus de transparence à la société civile (participation au processus d’autorisation, accès aux informations, possibilité de recours en justice...),

  • élargir le champ d’application : élevages de plus de 150 UGB, extraction de minéraux et métaux, production de batteries à grande échelle.

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