Investir pour l’avenir avec le photovoltaïque
Progrès technologique, baisse des investissements et du financement, évolution réglementaire, hausse des factures électriques, les voyants sont au vert pour inciter les agriculteurs à investir dans la production d’électricité photovoltaïque.
Faut-il envisager d’investir dans le photovoltaïque ? la quasi-totalité des agriculteurs et des personnes contactées ayant fait le pas disent oui sans hésiter. Pourtant, on trouve toujours d’un côté ces convaincus qui continuent à vouloir investir, et de l’autre ceux qui semblent dubitatifs. Le solaire photovoltaïque souffre d’une méconnaissance, voire d’une méfiance. Tout avait bien commencé. Le secteur a réellement décollé à partir de 2009, à la suite des fortes incitations gouvernementales qui ont garanti un tarif de rachat élevé sur vingt années. Avec le Grenelle de l’Environnement de 2007, l’État voulait donner de la visibilité et une rentabilité aux investisseurs qui se lançaient. Ces tarifs élevés ont vite conduit à l’explosion du nombre de projets et au risque de dérapage financier. Ce boom a aussi suscité l’apparition d’installateurs plus ou moins sérieux. Fin 2010, le gouvernement y a mis un coup d’arrêt par un gel des installations de plusieurs mois (le « moratoire ») et par une forte baisse des tarifs de rachat. Ce brutal recadrage s’est aussi traduit par la méfiance des petits et moyens investisseurs, la chute des projets et la disparition d’installateurs. La dynamique s’est relancée à partir de 2014-2015.
Une activité de moins en moins risquée
Aujourd’hui, produire de l’électricité photovoltaïque n’est plus un pari sur l’avenir ; pas plus qu’une matière première agricole régulée par l’économie de marché. De nombreux éléments sont favorables. Le changement climatique est une réalité qu’il est possible d’atténuer à condition d’investir massivement dans les énergies décarbonées, comme l’éolien et le photovoltaïque. D’autres arguments plus terre à terre militent en faveur du photovoltaïque. Le soleil procure une énergie illimitée et sans déchet (hormis la fabrication et le recyclage des panneaux). Son exploitation ne nécessite aucune main-d’œuvre. Les produits font des progrès technologiques constants, avec des panneaux plus productifs et plus durables (de 25 à 40 ans). Reste à choisir le bon installateur. Les coûts d’investissements se sont effondrés d’au moins par cinq depuis 2010. Le watt crête (Wc) installé hors coût de raccordement est aux alentours de 0,9 à 1,1 euro selon la puissance installée. Pour une compagnie d’assurance, il est donc moins risqué d’assurer une centrale. Par ailleurs, les coûts du raccordement au réseau fixés par Enedis viennent d’être réduits de 40 %, sachant qu’ils peuvent atteindre 25 000 euros pour une installation de 100 kWc. La rentabilité est toujours là, même si les prix de rachat (garantis 20 ans) se réduisent chaque trimestre. Les banques sont beaucoup moins frileuses à financer et les taux sont intéressants. Grosso modo, une installation de 100 kWc coûte 100 000 euros et produit en moyenne 110 000 kWh par an (à moduler selon la région), ce qui dégage une vente de 12 000 euros par an. Une fois amortie, l’installation sera largement bénéficiaire avec le tarif réactualisé.
Deux stratégies différentes
Alors quelle stratégie adopter ? Jusqu’à présent, le schéma était simple. On investissait pour revendre la totalité de sa production à un prix réglementé, à condition de ne pas dépasser une puissance de 100 kW crête. Cette approche est encore envisageable dès lors qu’un projet de création de bâtiment est lancé. Une installation de 100 kWc augmente le budget de 20 % pour un poulailler standard de 1500 m2 et de 10 % pour un bâtiment de 30 000 poules plein air. L’autre option consiste à autoconsommer ce que l’installation photovoltaïque produit, en prenant en compte deux données de poids. D’une part, la « parité réseau » est quasiment atteinte partout. Cela signifie que le prix du kWh solaire produit se situe au même niveau que le prix du kWh soutiré au réseau. D’autre part, les charges liées à la fourniture d’électricité nucléaire ne devraient pas faiblir dans les prochaines années, bien au contraire. Enfin, produire soi-même son énergie engagera naturellement à réduire et à mieux gérer ses consommations. Cependant, ce choix demande à être mûrement calculé, de manière à adapter l’installation à ses besoins, car le prix de revente du kWh en surplus est inférieur au coût de production (6 c/kWh au-delà de 36 kWc de puissance). C’est pourquoi un installateur référent du Grand Ouest considère que la revente totale restera ultra-majoritaire dans le secteur agricole, même si la solution du stockage de l’électricité photovoltaïque ouvre des perspectives. Pour aller plus loin dans l’autoconsommation, il est aussi envisageable de s’engager dans une démarche de vente autour de chez soi, mais on en est encore au stade de la réflexion (économique, juridique et fiscale) entre les partenaires potentiels. D’autre part, si le stockage de l’électricité se démocratisait, beaucoup d’utilisateurs pourraient devenir fournisseurs. À terme, cela pourrait remettre en cause le modèle historique de la distribution d’électricité de quelques mégas producteurs vers des millions d’utilisateurs plus ou moins captifs. Selon Jean-Pierre Benque, un ancien dirigeant d’EDF cité par le journal Les Échos, « 10 % des toitures françaises équipées fourniraient la totalité de notre consommation électrique. » Cet expert suggère même de subventionner l’acquisition de batteries pour donner un nouveau coup de fouet au déploiement du photovoltaïque. Quoiqu'il en soit, le milieu agricole, habitué à raisonner à long terme, a l’opportunité de devenir un acteur important de la transition énergétique dans le milieu rural.
Pascal Le Douarin