Des circuits courts de plus en plus multiformes
Avec de plus en plus de consommateurs défiants vis-à-vis des produits alimentaires « industriels », à la recherche de proximité et de lien avec des producteurs de leur territoire, les circuits courts prennent de l’ampleur.
Avec de plus en plus de consommateurs défiants vis-à-vis des produits alimentaires « industriels », à la recherche de proximité et de lien avec des producteurs de leur territoire, les circuits courts prennent de l’ampleur.
En 2010, année du dernier recensement agricole, 20 % des exploitations faisaient de la vente directe ; et en 2013 les circuits courts représentaient 10 % des achats alimentaires, selon Yuna Chiffoleau une experte des circuits courts à l’Inrae. Directrice de recherche en sociologue, Yuna Chiffoleau travaille sur les systèmes alimentaires durables et anime le Réseau Mixte Technologique Alimentation locale, réunissant des experts de la recherche, du développement et de la formation.
« Ces volumes ont augmenté depuis, même si le nombre d’exploitants a diminué dans l’intervalle. La majorité des installations actuelles, surtout celles non aidées et surtout maraîchères, se font en circuit court. »
En viande, c’est beaucoup moins le cas, compte tenu de la nécessité d’une transformation.
Avant la Covid-19, Yuna Chiffoleau évaluait la part des circuits courts entre 15 à 20 %. Depuis, tous les acteurs reconnaissent que la demande a encore augmenté de 10 à 30 % pour les produits frais vendus près des villes.
Un monde d’innovations et de créativité
Les trois quarts des volumes commercialisés se font encore en vente directe à la ferme et sur les 10 000 marchés de plein vent. Le restant se partage entre la vente directe à distance (prolongeant la vente à la ferme), les 450 magasins collectifs de producteurs, les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), plus de nouvelles formes de commercialisation digitales, avec les plateformes destinées aux particuliers ou à la restauration collective, comme Agrilocal.
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Circuit court ne signifie pas conservatisme, au contraire. Avec le confinement, ses acteurs ont su réorganiser leurs liens avec les consommateurs, avec des outils digitaux et les réseaux sociaux. Ils découvrent aussi que ces outils leur permettent de gagner du temps pour communiquer et vendre.
Selon Yuna Chiffoleau, « les circuits courts font preuve d’une grande créativité et d’innovation. » Cela peut donner l’impression d’un foisonnement désordonné, que renforce la multiplication récente des initiatives utilisant les technologies digitales. De plus, « leurs critères de performance sont différents de ceux habituels (chiffre d’affaires, rentabilité…). Ce qui compte, ce sont aussi le bien-être personnel, le lien social, la contribution à l’économie locale, le maintien d’emplois. »
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De la place pour tout le monde
En ces temps où la commercialisation de masse marque le pas, la dynamique des circuits courts fait des envieux du côté de la distribution, comme de la production. Nées et organisées pour l’approvisionnement en masse de produits standardisés, les enseignes de la grande distribution commencent à s’intéresser aux produits « locaux », plutôt irréguliers et saisonniers.
Des indépendants (Super U, Leclerc) en proposent déjà, à partir d’initiatives personnelles. Cela change. À Paris, le magasin O’fermier vient d’ouvrir avec 1300 références en circuits courts. Dans le Pas-de-Calais, la société A2PasD’ici a ouvert un espace similaire de 100 m2 dans un hypermarché Auchan.
Le 9 novembre, l’État a lancé une charte d’engagement de mise en avant des produits frais et locaux en GMS, mais elle évoque plutôt les mentions d’origine et produits sous signe de qualité. Le 18 du même mois, le groupe Carrefour a lancé un contrat-type pour que ses magasins puissent référencer un producteur local en 48 h.
Le monde de la production pousse aussi ses pions. L’initiative revient aux coopératives généralistes qui mettent à disposition leurs réseaux de magasins agricoles-jardineries. Avec des modalités différentes, comme l’illustrent les coops du Sud-Ouest avec des produits différenciés (La Table des producteurs d’Euralis) ou ceux destinés aussi aux circuits longs (Maïsadour et Vivadour).
« Il y a de la place pour tout le monde, se réjouit Yuna Chiffoleau, mais le consommateur ne veut pas être dupé. Il veut aussi de la transparence et attend un produit différencié. Sinon à quoi bon faire cette démarche vers le circuit court. »