Décliner au féminin le renouvellement des générations d'agriculteurs
L’agriculture a besoin d’attirer de nouveaux porteurs de projets pour renouveler ses actifs. Davantage de femmes s’installent, mais des freins restent à lever pour atteindre la parité.
L’agriculture a besoin d’attirer de nouveaux porteurs de projets pour renouveler ses actifs. Davantage de femmes s’installent, mais des freins restent à lever pour atteindre la parité.
Cette décennie sera marquée par un grand nombre de départs en retraite et donc, un appel d’air pour installer de nouveaux actifs. Combien seront des femmes ? Aujourd’hui, un quart des chefs d’exploitation sont des femmes. Un tiers dans les productions avicoles. Elles représentent 40 % des nouveaux installés.
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Pourtant, le premier baromètre MSA « femmes dans le monde agricole » montre que les inégalités de genre sont encore très présentes. 66 % des actives agricoles trouvent qu’il est plus difficile pour une femme que pour un homme de travailler en agriculture.
Pour renouveler les générations, il est nécessaire de rendre les métiers agricoles plus attractifs pour les femmes. C’est la question sur laquelle travaille l’association « Back to Earth », qui a décliné au féminin ses deuxièmes rencontres du retour à la terre et de l’avenir des territoires, organisées en février à l’École supérieure d’agriculture d’Angers.
« Il n’y a pas d’agriculture sans femmes, rappelle Anne Dumonnet-Leca, de Vox Demeter, une association pour la mixité et l’équité femmes-hommes dans le monde agricole. Aujourd’hui, elles sont plus visibles car elles se sont battues pour obtenir un statut, une reconnaissance de leur travail ».
De nouveaux profils de porteuses de projet
« On remarque une grande diversité des statuts des profils des femmes qui s’installent, dans ou en dehors du cadre familial, partage Chloé Lebrun, enseignante-chercheuse en sociologie à l’École d’ingénieurs de Purpan.
Souvent, l’installation des femmes change la trajectoire des exploitations, avec la création de nouveaux ateliers, d’autres circuits de commercialisation. Cela s’explique probablement par leurs parcours plus divers avant de s’installer. Elles vont apporter un regard nouveau.
Un regard différent sur… tout
Parce qu’elles ont travaillé dans d’autres milieux, parce qu’elles veulent gérer leur temps entre vie professionnelle et vie personnelle, les femmes ont souvent une autre approche du métier que leurs collègues masculins. « Amandine m’a aidé à prendre du recul sur un fonctionnement patriarcal, notamment avec les salariés, reconnaît Jean Fraunié, son compagnon et associé dans la gestion d’une pépinière dans le Gard. Je reprenais le modèle de mon père. Amandine a créé un climat de confiance, d’écoute, ce qui a amélioré la motivation des salariés. »
Cette différence de regard se porte aussi sur le rapport au travail, notamment pour les tâches les plus physiques. « Par rapport à un poulailler habituel, j’ai enlevé une partie des caillebotis, explique Lucie Mainard, éleveuse de pondeuses en Vendée. Cela offre une surface de grattage aux poules et me donne moins à laver. J’ai testé un exosquelette pour limiter la pénibilité. » « Adapter certains équipements pour que leur utilisation requière moins de force physique sera bénéfique à tous », complète Anne Dumonnet-Leca.
Aider les femmes à trouver leur place
Si la présence des femmes est nécessaire et profitable à l’agriculture, encore faut-il lever certains freins, en luttant contre les inégalités, les préjugés, le fameux « je voudrais parler au patron ». « Les femmes doivent faire plus pour prouver leur légitimité », remarque Chloé Lebrun. Que ce soit dans leur exploitation comme dans la prise de responsabilités professionnelles. Il y a seulement 9,8 % de femmes dans les conseils d’administration des coopératives. Élue à la Cavac, Lucie Mainard a créé un groupe d’agricultrices, « les bottées ». « C’est un tremplin pour celles qui veulent s’engager dans leur territoire, dans la coopérative. Comme Jérôme Calleau, président de la Cavac, l’a fait avec moi, il faut dire aux femmes qu’elles sont légitimes dans leur métier, dans leurs responsabilités », encourage Lucie Mainard.
Une chaire « Agriculture au féminin » à l’ESA
L’École supérieure des agricultures d’Angers a lancé une chaire d’enseignement « Agriculture au féminin ». L’objectif est de contribuer à la formation des acteurs du monde agricole à la question du genre, de renforcer la visibilité des femmes en agriculture et l’attractivité des métiers agricoles pour les femmes. Elle sera en lien avec les collèges et lycées afin de valoriser les agricultures au féminin et délivrera par ailleurs des bourses d’excellence à de jeunes talents féminins.