Dans les Ardennes, la famille Galland produit 170 000 « poulets belges »
Avec une extension de 4 400 m2, l’élevage de la famille Galland change de dimension en copiant le système de production nord-européen tourné vers l’ultra-performance.
Avec une extension de 4 400 m2, l’élevage de la famille Galland change de dimension en copiant le système de production nord-européen tourné vers l’ultra-performance.
Depuis quelques années, Mathieu et François Galland sentaient qu’ils étaient arrivés au bout d’un modèle et qu’il leur fallait investir pour travailler mieux et pour mieux valoriser le temps de travail. À Ménil-Lepinois, non loin de Reims, ils exploitaient 270 ha en cultures (betteraves et céréales principalement) avec un salarié, ainsi que deux Louisiane statiques de 1 500 m2 construits par Claude (père de Matthieu) et François Galland. Depuis le dépôt de bilan de Doux en 2012, l’EARL du Mont d’Aussonce, associant Mathieu et François, travaille avec un fabricant d’aliment néerlandais (De Heus) qui vend ses poulets en Belgique, notamment à Plukon. Les cousins ont décidé de passer à la vitesse supérieure en modernisant le site et en l’agrandissant à 170 000 places. Deux poulaillers de 2 200 m2 (20 m par 110 m) ont émergé et les Louisiane de 1999 et 2000 ont été transformés. Ces structures montraient leurs limites techniques. « Nous aurions pu continuer encore dix ans sans rien faire, mais nous avons préféré repartir avec quatre outils qui se ressemblent », précise Matthieu. Ils disposent des mêmes équipements de ventilation dynamique et de chauffage, d’un nouvel éclairage, d’un sol bétonné, de nouveaux pignons, et d’une salle unique (magasin central auparavant). Cette importante rénovation a coûté 300 000 euros, pour laquelle la région Grand Est a accordé une subvention de 40 000 euros. « Depuis cinq ans que nous travaillons avec les Belges et les Néerlandais, on a vu la différence de résultats. Ils cherchent à exprimer tout le potentiel du poulet. D’où notre démarche de construire des installations similaires. » Avec cet outil reconfiguré, l’EARL va pouvoir recruter un salarié à temps plein sur l’élevage, en complément du salarié dédié aux cultures. Mathieu pourra ainsi prendre plus de recul pour gérer l’ensemble.
Concilier l’écologique et l’économie
L’EARL a choisi de miser sur la taille pour minorer ses charges, mais aussi d’investir pour l’écologie rentable, ce que Mathieu nomme « l’écolo-nomie », contraction d’écologie et d’économie. Pour fournir l’eau chaude aux quatre bâtiments, ils ont choisi une chaudière à plaquettes de bois de 500 kW, complétée d’une chaudière à gaz de même puissance (en secours et pour les pics de besoin). L’Ademe a accordé une aide de 177 000 euros. Mathieu utilisait déjà du blé pour nourrir ses poulets. « Au moins, cela réduit l’empreinte carbone et on peut gagner 5 à 10 euros/t en coût logistique. » Ils ont fait construire une nouvelle installation d’incorporation séparée des quatre poulaillers. Elle comprend la fosse de réception (livrable avec tout type de camion), le transfert pneumatique jusqu’aux 6 silos (4 de 25 m3 et 2 neufs de 50 m3) et la cellule à blé de 60 t, un système Skov de pesée et de mélange. Les aliments sont ensuite acheminés aux bâtiments par spire. Le site consommera environ 1 200 t de blé et 3 000 t d’aliment complémentaire De Heus, fabriqué à 280 km aux Pays-Bas. Ce bâtiment contient aussi les chaudières et le stockage des plaquettes. Il est revenu à 400 000 euros, hors coût usine d’alimentation affecté aux poulaillers. Enfin, le site a été équipé de trois équipements photovoltaïques de 480 KWc, installés sur les poulaillers pour 470 000 euros. Le projet global a coûté 2,37 millions d’euros, dont 1,9 hors-photovoltaïque. Pour financer son projet sur 15 ans, l’EARL a signé avec le CIC. « Même si au final nous avons fait un prêt classique, c’est cette banque qui a poussé le plus loin la réflexion sur le financement. » Une partie de l’investissement est cautionnée par le fonds de garantie Siagi. Et contrairement à ses habitudes, De Heus a signé un contrat d’achat sur trois ans contre sept lots d’ordinaire. En Belgique et aux Pays-Bas, les partenaires n’accordent pas d’aides aux investisseurs.
Une démarche révélatrice des faiblesses régionales
Ce choix de travailler avec des entreprises étrangères révèle le malaise de la production conventionnelle en région Nord-Est. Elle dispose encore d’un potentiel de production, mais n’a plus d’outils d’abattage de poulet standard compétitifs, et ceux de dinde ont disparu. Un abattoir belge abat en un jour ce qu’un régional réalise en une semaine. Certes les poulets sont différents : 2,35 kg de moyenne (1) avec un indice de 1.6 contre ?????. Les éleveurs du Grand Est qui comptent bien être encore là dans quinze ans doutent du modèle avicole français confronté à la concurrence nord-européenne. Ils sont de plus en plus nombreux à choisir des voisins techniquement plus convaincants qui leur apportent une meilleure rentabilité, disent-ils. L’EARL du Mont d’Aussonce n’est donc pas la seule à réinvestir. À une quinzaine de kilomètres de Ménil-Lépinois, un projet d’extension à 200 000 poulets est engagé. Il risque lui aussi de susciter la réprobation de certains défenseurs de l’environnement et du bien-être animal qui s’étaient opposés au projet de l’EARL. Étonnant dans cette région de vastes plaines quasi désertes. La génération montante des aviculteurs ardennais ose jouer la carte belge, même si le risque économique semble plus élevé que le contrat et le modèle technique à la française.
(1) Desserrage de 25 % à 1,9-2 kg, puis abattage vers 42 jours à 2,5 kg et plus.Des poulaillers à la façon nord-européenne
Les deux poulaillers de 2 200 m2 ont un sol et une structure en béton avec une charpente métallique construits par une entreprise belge (Constructions Pascal Lambert), des équipements montés par PVS Electromatic, belge lui aussi. « J’ai comparé avec des devis français et ce n’était pas plus cher », souligne Mathieu Galland. La salle de 20 mètres de large contient quatre lignes de mangeoires Landmeco, séparées par deux lignes de pipettes Lubing (six au total). La ventilation est assurée par du matériel Skov (trappes, ventilateurs et ordinateur) selon un mode mixte : extraction haute par huit cheminées (deux avec vitesse variable) et cinq turbines Blue Fan de nouvelle génération (économie d’énergie et performance améliorée) pour les fins de lot ou les périodes chaudes. Obscurcissables par des rideaux extérieurs, des fenêtres hautes assurent un éclairage naturel. Enfin, le chauffage est assuré par le système Spiraflex de Skov. Les deux tuyaux à ailettes sont positionnés sur les deux côtés, entre sol et trappe d’air. Ils acheminent l’eau chauffée à 80 °C. Les deux bâtiments sont revenus à 1,2 million d’euros (273 euros/m2) avec une aide région et FranceAgrimer de 60 000 euros.
P.L.D.