Bien-être des volailles en Allemagne : "faire simple pour être efficace"
La filière viande allemande a pris à bras-le-corps la problématique du bien-être animal en édictant des règles applicables par la grande majorité des élevages. Les consommateurs lui réservent un accueil favorable.
La filière viande allemande a pris à bras-le-corps la problématique du bien-être animal en édictant des règles applicables par la grande majorité des élevages. Les consommateurs lui réservent un accueil favorable.
« Faire simple pour toucher le plus grand nombre possible d’éleveurs ». Robert Römer, directeur d’ITW pour Initiative Tierwohl (Initiative bien-être animal), résume ainsi la philosophie du principal programme allemand. Il vise à introduire progressivement plus de bien-être dans les élevages de volailles, de porcs et dernièrement de bovins.
Le pragmatisme guide cette structure créée en 2015 par six acteurs que sont le syndicat général agricole (DBV), la fédération de l’aviculture (ZVG), de la viande (VDF), de la charcuterie (BVWS), le mouvement des coopératives Raiffeisen (DRV) et l’association ZKHL réunissant production, collecte et grande distribution. « Nous avons défini des critères de bien-être acceptables et facilement transposables dans le cadre de la réglementation en place », explique encore Robert Römer.
En pratique, le cahier des charges ITW est en vigueur pour trois ans. Durant cette période, les critères sont révisés pour le plan suivant. « Les adaptations sont mesurées », concède Robert Römer. « Par exemple, la mise à disposition de fourrage grossier est passée d’optionnelle dans le deuxième plan à obligatoire dans le troisième. Cela simplifie notre communication ».
Un comparatif des données d’abattage
Pour faire simple, le principal changement concerne le chargement. Il est limité à 35 kg/m² en poulets, 48 kg en dindes et 53 kg en dindons, là où l’atelier conventionnel autorise respectivement 39, 53 et 58 kg/m². L’éleveur met à disposition du matériel de jeu comme de la paille ou des blocs à picorer. Il s’équipe de moyens d’obscurcissement du bâtiment avant et pendant l’enlèvement.
Le producteur documente la mortalité, les pododermatites, les pertes durant le transport. Il garantit un accès facile à l’alimentation et au point d’abreuvement. Il s’engage à suivre au moins une formation par an. Un organisme indépendant visite l’élevage deux fois par an. Le bon fonctionnement des alarmes, de la ventilation et de la qualité de l’eau dont le pH doit être compris entre 5 et 9 est contrôlé chaque année.
Le cas échéant, un plan d’amélioration est mis en place chez les éleveurs. Ceux chez qui des manquements sont relevés sont sanctionnés et ceux qui innovent en matière de bien-être peuvent, depuis 2018, présenter leur candidature au prix de l’innovation doté de trois chèques de 10 000, 7 000 et 5 000 euros.
« Le programme ITW est un beau succès ! », se félicite Robert Römer. « En sept ans, il a réussi à orienter beaucoup d’élevages vers plus de bien-être. Toutes espèces confondues, 11 200 ateliers ont déjà franchi le pas. En volaille, on en recense 2 200 en poulet de chair, 700 en dinde et 20 en canard Pékin. Cela correspond à 700 millions de volailles par an, équivalant à 90 % de la volaille fraîche ou transformée vendue par la grande distribution allemande. Aucun autre pays en Europe ne peut présenter un tel bilan ».
Un cumul de 400 millions d’euros de primes
Les éleveurs sont dans l’ensemble prêts à passer à ITW. « Avancer à petits pas au rythme de programmes de trois ans leur convient. Tous reconnaissent, même si ce n’est parfois que du bout des lèvres, que le bien-être est la voie à suivre », évalue Robert Römer.
Le surcoût lié aux aménagements et à la baisse de densité est compensé par une prime de 2,75 centimes d’euro du kilo de poulet, 3,25 centimes du kilo de dinde et 4 centimes du kilo de dindon. Elle est calculée par un groupe d’experts agricoles avant de passer par une commission réunissant les partenaires de la filière pour validation.
En six ans, 200 millions d’euros ont été distribués aux aviculteurs participant au programme ITW, d’abord via un fonds géré par ITW et depuis 2021, à la suite d’une intervention de l’office des cartels, directement via le décompte envoyé par l’abattoir. « Fin 2023, le montant cumulé distribué aux aviculteurs participant à ITW atteindra quelque 400 millions d’euros », précise Robert Römer.
L’évolution du modèle ITW est en cours de discussion même si ses perspectives sont encore « un peu floues ». Fin 2021, l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle coalition gouvernementale a vu la nomination au poste de ministre de l’Agriculture de Cem Özdemir, végétarien, issu des rangs écologistes. Il n’a guère tardé à prendre position pour dire son souhait d’aller vers un label bien-être national et la réduction des cheptels allemands. Les professionnels, tout comme les autorités locales habilitées à accorder des permis de construire, attendent des orientations officielles concrètes avant de préciser leurs choix.
Dans tous les cas, « il n’est pas prévu de transformer en profondeur les bâtiments existants. Cela reviendrait trop cher », lance Robert Römer. Les pouvoirs publics ont certes budgétisé un milliard d’euros sur quatre ans pour aider les investissements permettant aux animaux d’accéder à l’extérieur et de bénéficier de lumière naturelle. Sauf que toutes espèces confondues, le nombre d’élevages allemands est proche des 100 000. Cette aide risque donc de n’avoir qu’un effet marginal à l’échelle de chaque atelier pris individuellement…
Quatre niveaux d’étiquetage bien-être sur la barquette
La viande fraîche vendue dans la grande distribution est étiquetée 1, 2, 3 ou 4 selon le mode de conduite et concerne 80 % du marché.
Une étude commandée par ITW à l’institut de sondage Forsa en décembre 2021 confirme que le classement selon le mode de conduite est connu par 65 % de l’échantillon enquêté, soit une notoriété supérieure à celle du label bio européen.