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[Travaux en vert] Vers de nouveaux réflexes ?

Les recherches montrent qu’adapter les travaux en vert permet de retarder la maturité, mais ne semble pas avoir d’effet significatif sur la contrainte hydrique.

Écimer plus ou moins tôt et haut permet de jouer sur la date de maturité.
© J.-C GUTNER

De plus en plus de recherches visent à étudier l’effet d’une adaptation des travaux en vert pour contrer les effets du changement climatique. « On peut considérer l’évolution du climat sous deux composantes : le réchauffement et la sécheresse », introduit Jean-Christophe Payan, ingénieur à l’IFV Rhône-Méditerranée. D’une part, le manque d’eau risque d’induire des problèmes de rendements, et d’autre part la hausse des températures risque d’amener des problèmes de qualité du vin, avec des vendanges plus précoces et une maturation en plein été.

Les enjeux dorénavant sont donc de limiter la contrainte hydrique et de retarder la maturité, et plusieurs expérimentations ont eu lieu ces dernières années pour voir si l’adaptation des travaux en vert peut apporter une réponse concrète. Les techniciens ont donc cherché à voir si, en jouant sur le feuillage et la hauteur de la végétation lors des différents travaux, il était possible d’avoir une influence sur les paramètres d’alimentation hydrique et de maturation.

Moins de feuilles mais pas moins de contrainte hydrique

À l’IFV, Jean-Christophe Payan a commencé par réaliser un essai en enlevant 20 centimètres de végétation supplémentaire lors du rognage. Cela dans le but de limiter la transpiration en réduisant la surface végétation. Et le chercheur n’a pas relevé d’effet significatif vis-à-vis de la résistance à la sécheresse. « En écimant, on ne gagne pas un arrosage », assure-t-il. En revanche, cela a eu une incidence sur maturité, qui a été retardée de quelques jours. Pour aller plus loin dans l’expérimentation, les chercheurs le l’IFV ont réalisé un essai un peu plus extrême. Au moment de la véraison, ils ont rogné de façon très sévère, juste au-dessus de la zone des grappes. Ils ont alors observé un décalage de maturité conséquent, de l’ordre de dix jours. « Ce qui est intéressant, estime Jean-Christophe Payan. D’autant plus que le rapport sucre/acide se décale de la même manière que le taux d’anthocyanes, ce qui fait que l’on retrouve un équilibre à la récolte. » Toutefois, comme pour le premier essai sur la limitation de la surface végétative, une telle opération n’a pas eu d’effet significatif sur la contrainte hydrique.

Lire aussi : Cinq pratiques viticoles pleines d’avenir

Sur les deux années qui ont suivi, il n’a pas constaté d’impact visuel sur le débourrement ou autre qui pourrait trahir une baisse de la mise en réserve. « Mais nous ne recommandons pas aux viticulteurs de se lancer dans une pratique aussi sévère, que nous réalisons dans un contexte d’expérimentation, précise l’ingénieur. Il faudra que nous poursuivions pour voir des effets à plus long terme. Par ailleurs, c’est quelque chose qui est imaginable sur des systèmes de taille courte, mais ce n’est pas possible à mettre en œuvre sur des vignes conduites en guyot. »

Favoriser les jeunes feuilles est bénéfique pour l’acide malique

Au comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC), Julie Perry a elle aussi voulu mesurer l’impact d’un rognage différent, qui permettrait de s’adapter au réchauffement climatique. Le but de la démarche dans son cas était d’observer les effets sur l’acidité. « Nous souhaitions jouer sur la synthèse de l’acide malique avant véraison, qui est en théorie par les jeunes feuilles », explique-t-elle. Elle a donc mis en place trois modalités de stratégies de rognage différentes pour stimuler la production de nouvelles feuilles. « Nous avons conclu que si l’on veut conserver davantage d’acidité dans les raisins, on peut se permettre un rognage bas au premier passage, pour favoriser la pousse, puis de rogner à hauteur normale. » Car plus le rognage est pratiqué tard, moins la vigne rattrape le développement de la pousse.

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Le CIVC compte bien continuer les recherches dans cette voie, pour affiner la pratique. « Notamment parce que les stades d’intervention ont leur importance, justifie Julie Perry. Il y a une marge de progrès. » Cette année, les techniciens vont également jouer sur des hauteurs de rognage différentes, pour voir s’ils retrouvent des corrélations avec les premiers tests. Tout comme son confrère de l’IFV, l’ingénieure du CIVC recommande toutefois aux viticulteurs qui souhaitent aller dans ce sens d’être prudents, car les recherches sur le sujet sont encore au stade de l’expérimentation. Il faut d’ailleurs savoir que cela oblige de passer plus souvent pour palisser les vignes, car les entre-cœurs deviennent plus vigoureux et buissonnants.

La vendange en vert ne permet pas d’économie d’eau

L’an dernier, Jean-Christophe Payan a également mené des expérimentations sur l’effeuillage. L’idée était de voir les effets d’une pratique poussée qui réduirait lourdement la surface transpirante, c’est-à-dire en la divisant par deux. Une fois encore, cela a retardé la phase de maturation de dix à quinze jours. « Nous n’avons pas vinifié les essais, mais il serait intéressant d’avoir un résultat analytique, pour voir si une telle opération n’affecte pas la structure du vin », tempère l’ingénieur. Cette pratique en revanche n’est pas mécanisable, et serait difficile à mettre en œuvre si elle prouvait son efficacité.

Concernant la contrainte hydrique, les chercheurs de l’IFV ont par ailleurs essayé de jouer sur ce facteur en limitant la charge des raisins. Ils ont donc pratiqué des tests de vendanges en vert sur des parcelles en IGP. Au témoin, avec un rendement de 80 hl/ha, ils ont comparé un éclaircissage à 25 hl/ha et une suppression complète de la récolte. Et ils n’ont pas pu vérifier un effet sur la contrainte hydrique. « La vendange en vert ne permet donc pas d’économie d’eau », conclut Jean-Christophe Payan. Ce dernier prévient donc : « Jouer sur la végétation montre manifestement des effets sur la maturation, mais c’est un levier d’action réduit contre l’ampleur du réchauffement. » Changer de pratiques lors des travaux en vert est donc une solution de transition. Cela permet d’avoir une marge de manœuvre pour s’adapter dans l’immédiat, mais n’empêchera pas de devoir plancher sur des leviers plus efficaces à long terme.

voir plus loin

Le tressage de la vigne, travail en vert de demain ?

De plus en plus de viticulteurs délaissent le rognage, qui supprime l’apex principal et favorise la pousse des entre-cœurs, au profit de la technique de tressage, dite aussi d’enroulement de la vigne. Le principe est simple : au lieu de couper l’extrémité des rameaux principaux, il suffit de les enrouler entre eux ou autour du dernier fil releveur. « Avec le tressage, l’effeuillage devient inutile et les processus de blocages au moment de la maturité du raisin sont limités », témoignait Daniel Thulièvre, viticulteur angevin, dans nos colonnes (Réussir Vigne n°217 avril 2015). Un avis partagé par les responsables du Château Palmer en Gironde, qui observent « une meilleure gestion de l’alimentation hydrique » et « une meilleure aération des grappes ». D’autres vignerons se sont lancés dans le tressage pour préserver les acides, et parlent de vins plus frais. Malheureusement, aucune étude scientifique n’a été à ce jour engagée pour valider l’intérêt d’une telle pratique.

Moduler le rapport feuille/fruit tout en gardant la typicité

En décembre dernier, Éloïse Brouard a soutenu une thèse sur l’adaptation des pratiques culturales en réponse au changement climatique sur le potentiel qualitatif de la baie. Son but était de rechercher le meilleur point de compromis entre diminution du taux de sucres et maintien de l’acidité, de l’accumulation des composés phénoliques et d’une complexité aromatique proche de l’actuelle, en réponse aux manipulations de canopée modifiant le rapport feuille/fruit. La thésarde a étudié différents ratios sur cabernet-sauvignon. Elle a mis en évidence un effet visible sur les métabolites primaires en dessous en 6 feuilles/grappe, avec à la clé une baisse en sucre mais aussi en anthocyanes. En revanche, l’application d’acide abscissique sur les baies avant véraison a permis de diminuer ces effets négatifs sur l’accumulation des anthocyanes et n’a pas montré d’impact gustatif sur la typicité des vins. Ce qui fait dire à Éloïse Brouard en conclusion de sa thèse que « le couplage modulation du ratio feuille/fruit et application d’acide abscissique sur les baies serait une méthode utilisable afin de réduire le taux de sucres et de maintenir une typicité bordelaise proche de l’actuelle. »

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