Un savoir pas si béton sur les œufs
Le mouvement naturel des lies et les fermentations lentes sont souvent associés à la vinification dans les œufs en béton. Mais de récents travaux menés à l’université de Changins, en Suisse, remettent en cause ces phénomènes.
Le mouvement naturel des lies et les fermentations lentes sont souvent associés à la vinification dans les œufs en béton. Mais de récents travaux menés à l’université de Changins, en Suisse, remettent en cause ces phénomènes.
Le mouvement naturel de remise en suspension des lies est souvent avancé pour expliquer la rondeur et le gras associés aux vins élaborés dans des œufs en béton. Pourtant, le lien est loin d’être évident selon Alexandre Stauffer, qui a réalisé ses travaux à l’université suisse de Changins et chez différents vignerons. En effet, le chercheur a mesuré la turbidité du vin à trois niveaux au sein d’œufs en béton, de cuves inox, de fûts et d’œufs en polyéthylène (PEHD). « Avec cette méthode, je n’ai pu mettre en évidence aucun mouvement de lies au sein des cuves ovoïdes, assure-t-il. Bien au contraire, celles-ci précipitaient au fond des œufs en béton en un temps record. » Malgré tout, le scientifique reste très nuancé quant à ces résultats et se dit ouvert à d’autres approches. « Certains vignerons avancent plutôt le rôle de l’autolyse des levures dans cette perception de gras en bouche, poursuit-il. Mais ce phénomène serait davantage dû au matériau qu’à la forme de la cuve. »
Des cinétiques de fermentation similaires
En plus de la turbidité, Alexandre Stauffer s’est intéressé aux durées de fermentation. « Contrairement aux idées reçues, les fermentations alcooliques et malolactiques n’étaient pas plus lentes dans les cuves ovoïdes », commente-t-il. En revanche, il souligne l’avantage des œufs en béton en termes d’inertie thermique. « Mais là encore, cet aspect est davantage dû à la matière en elle-même qu’à la forme de la cuve », souligne le chercheur. Concernant les échanges gazeux, il a mesuré les teneurs en oxygène dissous à différents niveaux de profondeur, à l’aide d’une sonde. Mais une fois n’est pas coutume, les différences semblent minimes d’un contenant à l’autre. « Néanmoins, le fait qu’aucune différence en oxygène dissous ne soit constatée à l’issue de ces essais ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas d’échanges avec le vin », tempère Alexandre Stauffer. Il avance même la piste d’une oxygénation lente, non mesurable par une telle méthode. Quoi qu’il en soit, les vins travaillés dans les œufs en béton ressortent plus ouverts au moment de la dégustation. En résumé, ces travaux posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Et à l’heure actuelle, difficile de dire qui, de l’œuf ou du béton, pourrait avoir un réel impact sur les vins.