Environnement et rentabilité
Un avenir incertain pour la viticulture raisonnée
Environnement et rentabilité
Le contexte économique freinera-t-il la progression de la viticulture raisonnée ? Car sa valorisation n´est toujours pas au rendez-vous, même si elle séduit cependant les plus convaincus.
Si l´agriculture raisonnée fait beaucoup parler d´elle depuis un an à travers les premières qualifications officielles (1), il n´en reste pas moins de nombreuses questions en suspens sur le sujet. La valorisation de la démarche n´est pas au rendez-vous et ne semble pas l´être pour demain. Dans un contexte économique difficile, seules une implication personnelle et une motivation environnementale certaine de la part des viticulteurs permettent aujourd´hui à l´agriculture raisonnée de progresser.
En moins d´un an, près de 600 exploitations agricoles françaises se sont vues qualifiées « agriculture raisonnée », les exploitations viticoles en représentant pas moins de la moitié ! Statistique finalement pas si surprenante tant le monde viticole est impliqué dans le mouvement « agriculture raisonnée ».
Notamment à travers l´action de plusieurs associations nationales ou régionales et l´existence de cahiers des charges divers et variés. Farre et Terra Vitis, au niveau national, en sont les exemples les plus connus. La large majorité de ces exploitations viticoles qualifiées (près de 300) étaient d´ailleurs préalablement certifiées Terra Vitis (2). Elles respectaient le cahier des charges Terra Vitis, ce qui leur a facilité les démarches de qualification « agriculture raisonnée ».
Les exploitations qualifiées ne peuvent utiliser, sur leurs bouteilles, que cette mention légale. ©D. R. |
Une situation économique qui tire les coûts au maximum
Néanmoins, et chose surprenante, cette même association a perdu le tiers de ses membres en un an passant ainsi de 907 en 2003, à 610 en 2004. Pour Jean-Henri Soumireu, animateur national de Terra Vitis, cette baisse s´explique essentiellement par « une situation économique très tendue en 2003/2004 qui tire les coûts de production au maximum ». Les cotisations et les audits en ont ainsi fait les frais. Pourtant, l´association avait négocié auprès des organismes certificateurs un tarif, pour les audits couplant Terra Vitis et agriculture raisonnée, équivalent à celui d´une qualification unique en agriculture raisonnée soit autour de 800 euros. Terra Vitis espère « en tirer les fruits en 2005 ».
Mais au final, le doute s´installe. La viticulture raisonnée fait-elle réellement des émules ou, au contraire, les chiffres 2004 cachent-ils le manque de moyens ou d´envie des viticulteurs à qualifier leur exploitation ? En d´autres termes, faut-il s´attendre à une augmentation des qualifications ou à une stagnation ?
Pour Thierry Coulon, responsable production intégrée à l´ITV Bordeaux : « le problème est plus sociologique qu´autre chose. Ceux qui se sont rattachés à l´agriculture raisonnée pour la plus-value qu´elle pourrait engendrer se sont trompés. La motivation est un élément déterminant ». Même son de cloche dans l´ensemble des associations. Ainsi, même si l´association Farre défend une agriculture qui se doit de rester viable économiquement, « le but premier de l´agriculture raisonnée n´est pas une valorisation produit mais plutôt une valorisation environnementale et éthique de l´exploitation », déclare Claire Chambrier, animatrice nationale de l´association. « Les viticulteurs qui s´en sortent le mieux sont ceux qui pratiquent la vente directe où la démarche peut être vraiment mise en avant. Par contre, ceux qui sont en coopératives ont plus de problèmes », précise Geneviève Bannwarth, présidente de l´association Tyflo en Alsace.
Des efforts financiers mal récompensés
La valorisation de la démarche semble donc inquiéter les viticulteurs. Leurs efforts ne sont pas forcément récompensés financièrement et seule leur motivation apparaît comme l´élément déterminant d´une progression des qualifications. « Les capacités d´adaptation des exploitations sont variables, annonce Thierry Coulon. On parle d´une viticulture à deux vitesses, mais c´est plutôt une viticulture à 50 vitesses où chaque cas est particulier. C´est donc bien qu´il y ait une certaines diversité de cahiers des charges, de certifications. » Chacun doit donc finalement avancer pas à pas, selon ses capacités et ses convictions personnelles tout en restant conscient que, comme le déclare Thierry Coulon, « si on a un gros problème un jour en viticulture, à l´instar de la vache folle, la pression augmentera et la profession sera obligée de se soumettre à certaines règles strictes. Ceux qui ne le feront pas resteront sur le carreau ».
(1) En mars 2004, les premiers organismes certificateurs agréés ont vu le jour, permettant aux exploitations de se faire officiellement qualifier « agriculture raisonnée ».
(2) Terra Vitis a demandé à ses membres d´être qualifiés « agriculture raisonnée » d´ici fin 2006. Farre a fait de même.
En savoir plus
Site du ministère de l´agriculture : www.agriculture.gouv.fr (rubrique Ressources/Environnement/ Agriculture raisonnée)
Site de Farre : www.farre.org
Les textes officiels :
- Décret nº 2004-293 du 26 mars 2004 relatif aux conditions d´utilisation du qualificatif « agriculture raisonnée »
- Décret nº 2002-631 du 25 avril 2002 relatif à la qualification des exploitations agricoles au titre de l´agriculture raisonnée
- Arrêté du 30 avril 2002 relatif au référentiel de l´agriculture raisonnée