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Quand la lumière fuse

Les ondes lumineuses, et plus particulièrement les UV, ont le pouvoir de stimuler la vigne ou encore de stabiliser le vin. Des applications concrètes pourraient voir le jour dans les années à venir.

Ce prototype développé par UVBoosting permet de stimuler la vigne grâce aux ultra-violets, et ainsi de réduire les traitements phytosanitaires.
© UVBoosting

Si le pouvoir des ultraviolets (UV) sur l’homme est bien connu, il n’en va pas de même pour le règne végétal. En 2012, une équipe de chercheurs du laboratoire de physique et physiologie de la plante de l’université d’Avignon a donc commencé à s’intéresser à l’effet des rayonnements UV sur les plantes. Rapidement, les scientifiques se sont aperçus qu’ils permettent stimuler les organismes. En effet, l’exposition des végétaux pendant quelques secondes sous une lampe à UV entraîne une activation de leur métabolisme secondaire et des défenses naturelles. Le tout avec un effet systémique ! Ils ont alors déposé un brevet, et se sont mis en quête d’un partenaire pour le développement. C’est ainsi qu’est née, début 2017, la start-up UVBoosting, sous l’impulsion de l’accélérateur d’entreprises Technofounders. Grâce à une aide FranceAgriMer et une levée de fonds de 300 000 euros, la jeune pousse a pu créer un prototype, et a décidé de porter ses premiers efforts sur la vigne.

Une première campagne de tests s’est donc déroulée la saison dernière sur le site IFV de Rodilhan, afin de confirmer les résultats de laboratoire. Avec pour objectif de diminuer la dose de produits phytosanitaires de 50 %, voire 70 %, tout en gardant la même efficacité. « Et les premiers résultats au champ sont très encourageants, assure Yves Matton, fondateur d’UVBoosting. On s’approche des programmes phytosanitaires traditionnels à quelques pourcents. »

La vigne répond au stress induit en 48 heures

L’IFV a suivi un protocole classique de comparaison d’un témoin non traité, une modalité en lutte chimique et deux avec utilisation d’UV et réduction du nombre de passages (à dose pleine). L’effet a été mesuré dans un premier temps sur le mildiou et sur l’oïdium. « Mais nous allons également le tester sur botrytis, informe le dirigeant. Il n’y a pas de raison pour que cela n’ait pas d’effet, puisque c’est un principe générique. » Ce principe, c’est de délivrer à la vigne un stress dans un temps très court (moins d’une seconde), assez intense pour induire une réponse correcte mais trop fugace pour être délétère. Ce que permettent les UV. « Cela reste une technique de stimulation, prévient toutefois Yves Matton, ce qui veut dire que l’on peut réduire les traitements, notamment si la pression parasitaire est faible, mais ça ne les remplacera pas. »

Les mécanismes de réaction sont encore obscurs, car les recherches sur le sujet sont encore au stade embryonnaire. Mais ce qui est prouvé, c’est que la plante répond à ce stress en quarante-huit heures, et reste en alerte durant sept à dix jours. « Nous pourrions imaginer un dispositif qui reste attelé au tracteur et réalise à chaque passage de charrue ou d’écimeuse un traitement de fond aux UV, en préventif » songe le fondateur d’UVBoosting. Car un autre avantage de cette technologie, c’est qu’elle est relativement pratique et facile à mettre en œuvre. « Nous n’avons pas encore réfléchi à l’outil final, mais il sera quoi qu’il en soit léger et peu volumineux, assure Yves Matton. Les ampoules UV ressemblent à celles des lampes standards, ce qui laisse entrevoir beaucoup de possibilités. »

La solution pourrait apparaître sur le marché dans deux ans

De plus, la technique ne craint pas les problèmes de vent, ni de lessivage, et fonctionne idéalement à une vitesse proche de cinq kilomètres par heure, ce qui convient parfaitement au contexte viticole. Côté tarif, le dirigeant espère s’aligner sur l’économie de produits phytosanitaires, dans l’optique d’avoir une solution économiquement neutre pour le viticulteur.

Cette année, l’entreprise compte réaliser de nouveaux essais dans plusieurs vignobles hexagonaux, afin de conforter les résultats et optimiser la technique. Si tout se passe bien, un produit mature pourrait apparaître sur le marché dans deux à trois ans.

De meilleurs résultats sur vin que sur moût

Et d’ici là, les UV vont peut-être faire parler d’eux également dans le domaine de l’œnologie. Car ils représentent une alternative au SO2 intéressante pour la stabilisation microbiologique des vins. En effet, des chercheurs sud-africains ont découvert il y a quelques années que les rayons UV de type C, plus précisément ceux de longueur d’onde de 254 nm, sont capables de détruire l’ADN des levures et bactéries du vin et entraînent à terme leur mort. Une entreprise locale s’est rapidement mise sur le créneau et a développé une machine dédiée à la filière. François Davaux, en charge des essais œnologiques à l’IFV Sud-Ouest, a eu l’occasion de la tester et a pu vérifier son efficacité. « Ce traitement est particulièrement intéressant sur blancs et rosés, juste avant la mise en bouteille et après filtration », estime-t-il. Si les propriétés physico-chimiques et organoleptiques du vin ne sont pas impactées dans ce cas de figure, il n’en va pas de même lorsque la population microbienne (et donc la durée d’exposition aux UV) augmente. Il y a alors un risque de voir apparaître des « goûts de lumière ». Aussi, arrêter une fermentation dans le contexte d’un vin doux paraît inenvisageable selon l’œnologue. « De même si l’on essaie de stabiliser un moût, le produit est imbuvable ensuite » renchérit-il.

De son côté, Rémy Ghidossi à l’ISVV de Bordeaux a réalisé un prototype pilote et poursuit les essais. Pour lui aussi, le procédé semble prometteur. Une démarche pour obtenir l’homologation de l’OIV avait débuté il y a quelques années, mais s’est brusquement arrêtée. « La firme sud-africaine s’est rétractée face au délai que cela implique », regrette François Davaux. Il faut donc espérer qu’un nouvel industriel s’y intéresse pour relancer la dynamique.

Désinfecter aux UV ou à la lumière pulsée

Les rayonnements ultraviolets peuvent également servir en cave pour désinfecter les barriques. C’est notamment ce que propose R-tech Œnologie avec son système UV-Clean. Une solution rapide, et qui permet de limiter l’emploi de SO2 ou de produits chimiques. « Attention toutefois aux effets masque », avertit François Davaux. Toute bactérie cachée dans une fente ne sera pas touchée. »

De la même manière, l’entreprise française Claranor propose de désinfecter les contenants et emballages alimentaires à l’aide de lumière pulsée. Une lumière blanche ayant des longueurs d’onde comprises entre 200 et 1 100 nm, apparaissant à une cadence de cinq flashes par seconde, et dont l’effet est identique aux UV. « Mais nous n’avons pas encore d’activité dans le domaine du vin », indique la firme. La méthode est toutefois parfaitement adaptée pour stériliser les bouteilles avant mise, par exemple.

voir plus loin

Des infrarouges pour détecter précocement les maladies

Plusieurs équipes travaillent également sur l’utilisation de la lumière infrarouge (IR) pour détecter les anomalies des végétaux. Sur pommier, des travaux du CTIFL ont montré qu’une feuille malade renvoie certaines ondes lumineuses dans le proche IR dont le spectre peut être utilisé comme une signature. Cela ouvre la voie à une détection des maladies avant même que l’œil humain ne puisse les déceler. Des recherches similaires sont menées sur le mildiou de la vigne à AgroSup Dijon. « Mais tout cela n’est encore qu’au stade de laboratoire, relate Bruno Tisseyre, enseignant-chercheur à Montpellier SupAgro. Nous sommes loin d’une application commerciale. » Selon lui, le projet le plus sérieux et le plus abouti en la matière et celui de l’école de Purpan à Toulouse, où les scientifiques tentent de déceler la flavescence dorée à partir de mesures multispectrales. Une telle technologie permettrait de faciliter la prospection et d’accélérer la détection du phytoplasme. C’est d’ailleurs sur le même principe que se fonde la start-up Carbon Bee (voir Réussir Vigne n°243, page 26), qui propose le capteur AQiT-sensor, à installer sur un drone et permettant de repérer les désordres physiologiques des cultures. De nombreuses autres mesures sont réalisables grâce aux ondes dans le domaine de la vigne et du vin. Il est ainsi possible de cartographier un sol à l’aide de la réflectance électrique ou de la spectrométrie par laser. En œnologie, des applications pour suivre la fermentation et l’élevage par spectroscopie sont également à l’étude.

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