L’isolation, au cœur de la conception
Une isolation « écologique » est avant tout une affaire de conception pour consommer le moins d’énergie possible. Si le meilleur isolant reste le sol, les écomatériaux se développent.
Une isolation « écologique » est avant tout une affaire de conception pour consommer le moins d’énergie possible. Si le meilleur isolant reste le sol, les écomatériaux se développent.
L’isolation est l’un des critères environnementaux majeurs retenu pour l’évaluation des dossiers d’investissements financés par FranceAgrimer », rappelle Roland Tournier, directeur d’Ingevin, société spécialisée dans la conception de chai. Et pour bien concevoir son isolation, il faut prendre en compte la nature du projet, les caractéristiques de la parcelle, du sol, du sous-sol, l’orientation, la localisation géographique… Tout doit être mis en œuvre pour consommer le moins d’énergie possible.
« De ce point de vue, les chais enterrés et semi-enterrés sont très intéressants, poursuit Roland Tournier, car ils permettent d’avoir une consommation quasi nulle en énergie, avec une surface d’exposition faible et un pouvoir isolant du sol idéal. Le principal inconvénient de ce choix est son coût. » Un coût qui ne freine pas certains vignerons, à l’instar de Bruno Schloegel, viticulteur en Alsace, qui a opté en 2008 pour un chai enterré qui lui assure une climatisation naturelle toute l’année entre 13 et 17 °C. « Avec un sous-sol de lœss, réutilisé pour isoler les voûtes enterrées, un dénivelé naturel de 11 mètres, et une parcelle orientée au sud, tous les ingrédients étaient réunis pour une option chai enterré. Avec 600 m2 sur trois niveaux, mon investissement a été de 1,2 million d’euros dont 800 000 euros pour le seul gros œuvre. J’ai calculé qu’il serait amorti sur trois générations mais je considère qu’à l’image d’un pied de vigne, un chai doit être conçu et pensé pour durer des dizaines d’années. »
Les écomatériaux à l’épreuve du terrain
Une fois que le potentiel du terrain a été étudié voire exploité, il faut passer au choix des matériaux d’isolation. Là, deux choix s’offrent aux producteurs : opter pour des isolants traditionnels ou pour des écomatériaux, ces derniers étant soutenus par les prochaines aides de FranceAgriMer. Mais pour l’heure, « l’utilisation des écomatériaux est encore marginale, observe Joël Rochard de l’IFV. Quant aux matériaux traditionnels, les plus utilisés restent la laine de verre, la laine de roche ou encore la mousse de polyuréthane ».
Et pour cause. Les écomatériaux doivent répondre à la fois aux critères techniques de construction habituels et aux principes de développement durable, en particulier sur la notion de recyclage, d’impact sur la santé et l'environnement, de confort de pose, le tout avec un coût d’investissement et d’entretien le plus bas possible. « Des produits comme le liège sont intéressants mais avec un coût 30 à 40 % supérieur à un isolant traditionnel, poursuit Joël Rochard. Le chanvre a également le vent en poupe, c’est un matériau très sain et naturel, non irritant et recyclable. L’intérêt de ces écomatériaux réside également dans leur confort de pose, mais nous manquons encore de recul sur leur durabilité. »
En Gironde, la société Arboga propose des isolants à base de chanvre et de lin ou des enduits isolants projetés à base de chaux et de chanvre. « Les performances sont très intéressantes sur le plan de la gestion hygrométrique, de la perspirance et du déphasage, avec un bilan carbone très favorable et un respect total de la qualité du vin », explique Maxime Benezet, dirigeant d’Arboga. Quoi qu’il en soit, hormis l’impact environnemental et le coût, le vigneron doit choisir son isolant en fonction du coefficient de conductivité thermique, du temps de déphasage et de la perméabilité à la vapeur. Des abaques (voir le tableau) permettent de trancher. Par ailleurs, « il est important d’optimiser l’épaisseur des isolants afin de bénéficier d’une bonne inertie thermique », pointe Zouhair Ben-Omar, du cabinet d’ingénierie Ingévin. Une bonne étanchéité à l’air est également un critère majeur. Dans le Cher, le domaine Vincent Pinard a fait le choix d’une mousse projetée (Icynene) en particulier pour sa bonne étanchéité à l’air, mais aussi pour sa perméabilité à la vapeur d’eau qui protège le vin des polluants extérieurs au cours du vieillissement. Par ailleurs, souligne Patrice Lacour, architecte du projet, « cet isolant s’adaptait parfaitement à l’aménagement d’un hangar agricole avec un délai de réalisation court ».
Comme le montre ce dernier exemple, les contraintes et les objectifs liés à l’isolation d’un chai sont multiples et chaque situation est unique avec une tendance générale, la volonté de consommer toujours moins d’énergie avec ou sans les écomatériaux !
TEMOIGNAGE
Chai semi-enterré et climatisation naturelle
« Lors de la construction de notre chai, inauguré il y a un an, nous avons fait le choix d’une structure autonome en énergie en profitant de la topographie du terrain. Le chai barrique est totalement enterré et le chai de vinification semi-enterré. La température du chai barrique se situe entre 18 et 19°C et pour le chai de vinification, on se situe à une température optimale de 16 °C grâce à une ouverture dans le mur qui recycle l’air frais. Pour l’isolation des murs, nous avons fait le choix d’une construction en briques d’épaisseur de 37,5 cm et pour isoler le toit qui se situe au niveau du sol, nous avons utilisé des panneaux sandwich en mousse de polyuréthane de 10 cm sur lesquels nous avons posé des tuiles canal. »