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Le frass d'insectes, un engrais d’avenir pour la vigne

Trois jeunes et imposants acteurs français de l'élevage d'insectes sont en train de lancer des engrais organiques d'un nouveau genre.

Les déjections d'insectes issues des fermes d'élevage représentent un nouveau gisement de fertilisant important.
Les déjections d'insectes issues des fermes d'élevage représentent un nouveau gisement de fertilisant important.
© Agronutris

Face à la raréfaction des matières organiques traditionnelles pour les viticulteurs, une des solutions pourrait bien venir du frass. Cette matière fertilisante, encore très peu connue, pourrait faire partie de notre quotidien dans quelques années. Plusieurs entreprises en France sont en effet convaincues que les insectes sont l’avenir de la nutrition animale, voire humaine, et ont bâti de véritables usines d’élevage. Les frass, qui ne sont autres que les déjections de ces arthropodes, sont un sous-produit de cette industrie, dont la filière de recyclage est toute trouvée.

Plusieurs références sont déjà autorisées en fertilisation, comme l’engrais Ynfrass de la société Ÿnsect, issu de l’élevage de vers de farine et ayant une AMM depuis 2020. Les déjections sont hygiénisées à 70°C pendant une heure et mises en bouchon par la même occasion. « Nous avons testé ce produit pendant plusieurs années, avec des instituts techniques viticoles notamment, et arrivons à la conclusion qu’il a un bon profil », relate Antoine Hubert, cofondateur de l’entreprise Ÿnsect.

Une libération linéaire de l’azote dans le temps

L’engrais Ynfrass présente un dosage 4-3-3, avec 80 % de matière organique, un rapport C/N de 10 et 90 % de matières sèches. La dose recommandée est comprise entre deux et quatre tonnes par hectare. Les expérimentations ont mis en lumière une capacité à se minéraliser très rapidement, une propriété des engrais minéraux que l’on ne retrouve que très rarement dans les engrais organiques. « Ainsi les techniciens ont relevé un rendement supérieur de 18 % par rapport à un engrais organique de référence », avance Antoine Hubert. Les insectes étant alimentés avec des coproduits agricoles issus des filières de grandes cultures et fruits et légumes, le risque de pollution est minime. L’engrais, qui sera commercialisé par Angibaud dès 2024, est d’ailleurs compatible avec un usage en agriculture biologique. La région de Champagne sera une cible majeure, l’argument de la valorisation locale étant mis en avant.

Depuis le mois de juin, les viticulteurs peuvent toutefois se fournir chez Drouin fertilisation. Son produit, le Vita Frass, provient pour sa part de l’élevage de larves de mouche soldat noire d’Agronutris. « Cet engrais 3-3-3 est composé des déjections et des mues de l’insecte. Il libère l’azote d’une façon très linéaire et n’a rien à voir avec les fientes ou guanos, expose Lionel Lardier, directeur commercial de Drouin. Il est donc complètement adapté à la vigne, où il y a une logique de long terme. » Le commercial ajoute que Vita Frass a un effet direct sur la biomasse microbienne. Il agirait presque comme un activateur de sol, en somme. La dose recommandée en vigne varie entre 0,8 à 1,2 tonne par hectare, à un tarif similaire aux engrais organiques classiques. « Entre 280 et 450 euros la tonne livrée, lâche Lionel Lardier. Le prix des engrais fluctue tellement en ce moment qu’il est difficile d’être précis. »

Une usine d'élevage d'insectes dédiée à la fabrication de fertilisants organiques

Agronutris et Frayssinet ont annoncé en début d’année réfléchir ensemble à l’ouverture d’une usine de fertilisants organiques. Et Innovafeed, leader français de l’élevage d’insecte, a d’ores et déjà signé un partenariat stratégique avec Hello Nature (anciennement Italpollina). L’engrais en bouchon Laphrassea a été présenté par la firme italienne fin 2022. Dans attente de l’autorisation en France, il est pour l’instant disponible à l’international. « Ce sont des nouveaux produits qui vont entrer petit à petit sur le marché et prendre leur place », prédit Lionel Lardier. On parle déjà de dizaines de milliers de tonnes chez chacun des acteurs français. Et les volumes suivront le développement de l’élevage d’insectes pour la production de protéines, qui est un enjeu planétaire.

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