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La difficile valorisation des ceps et sarments de vigne en énergie

Valoriser les ceps ou les sarments de vigne plutôt que de les brûler à la parcelle est techniquement faisable. Mais les coûts de ramassage rendent la création de filières difficile.

Les souches mortes représentent un énorme gisement d'énergie à valoriser. © X. Delbecque
Les souches mortes représentent un énorme gisement d'énergie à valoriser.
© X. Delbecque

Que d’énergie gâchée en brûlant les ceps et sarments à la parcelle ! De nombreux viticulteurs et professionnels de la filière ont déjà fait ce constat et essayé de voir comment valoriser cette biomasse. Poussée par quelques réussites privées locales, comme aux châteaux Poupille (voir encadré) ou Troplong Mondot dans le Bordelais, l’idée a été à la mode cette dernière décennie. Seulement la création d’une véritable filière se révèle difficilement viable. Une réflexion menée à la chambre d’agriculture du Vaucluse est arrivée à la conclusion que valoriser les ceps après l’arrachage n’était pas du tout rentable. Dans le cadre du SME des vins de Bordeaux, les acteurs locaux ont toutefois réussi à créer une filière en partenariat avec Véolia en 2016, et projetaient de valoriser en chaudière près de 20 000 t de ceps par an en 2020. « Mais la prestation est tombée en désuétude, pour diverses raisons techniques et financières », explique Éric Girard chez Véolia. D’un côté le coût du bois a baissé, ce qui rend le cep de vigne moins avantageux et a refroidi les domaines.

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Le gisement de souches doit être propre et conséquent

Les tonnages annoncés n’ont donc pas été au rendez-vous pour Véolia. D’autre part, le gestionnaire de la chaudière a dû faire face à quelques indésirables dans le gisement, tels que des dépôts sauvages de mobilier avec les souches. « Autrement d’un point de vue technique cela fonctionne très bien. Les analyses étaient bonnes, assure Éric Girard. Le seul problème potentiel vient des matières minérales, il faut faire attention à ne pas amasser trop de terre avec les souches. »

Outre une éventuelle hausse des coûts du bois, un autre facteur pourrait donner un regain d’intérêt à la filière bois-énergie viticole. Il s’agit du contexte réglementaire sur la protection de l’air. C’est cela qui a poussé la chambre d’agriculture du Var à relancer une expérimentation locale. « La centrale biomasse de Brignoles est en recherche de bois et nous cherchons à améliorer la qualité de l’air en arrêtant le brûlage à l’air libre, analyse Nelly Joubert, de la chambre. Nous allons évaluer les aspects opérationnels cet hiver pour définir à partir de quelle quantité ça vaut le coup. » « Je pense qu’il y aura un avenir pour ce type de filière le jour où le brûlage à l’air libre sera interdit, ce qui pourrait arriver à moyen terme », prédit de son côté Enzo Casnici, conseiller énergie à la chambre d’agriculture du Rhône.

Témoignage : Philippe Carille, vigneron au château Poupille, à Sainte-Colombe en Gironde

Mes bâtiments d’exploitation sont chauffés aux sarments

Depuis plus de dix ans je récupère mes sarments que je valorise grâce à une chaudière. Je les broie en bout de rang et mets directement en big-bag, où ils sèchent en une quinzaine de jours, avant d’être stockés ainsi. Puis le broyat est utilisé tel quel dans une chaudière de 120 kW qui m’apporte l’eau chaude toute l’année et me permet de chauffer les bâtiments d’exploitation en hiver, dont la cuverie et les chais. Tout cela représente un investissement initial d’environ 70 000 euros et ne me coûte pas plus cher à l’année que si je brûlais les sarments à la parcelle. Si c’était à refaire je pense que je prendrais plutôt deux petites chaudières car la mienne travaille en sous régime une bonne partie de l’année, ce n’est pas optimal. De même, au lieu du broyat j’aimerais pouvoir faire des granulés de sarments pour avoir un meilleur rendement, mais c’est un investissement important pour un domaine.

voir plus loin

La pyrogazéification de sarments et souches à l’étude

Les sarments et les souches peuvent-ils contribuer à produire de façon viable de la chaleur, de l'électricité ou du gaz naturel renouvelable via la pyrogazéification ?  C’est le sujet du projet de recherche VERITE soutenu par l’ADEME et démarré en mai 2020. Ce procédé thermochimique « casse des molécules énormes en petits morceaux sous l’effet d’une très haute température », définit F. Javier Escudero Sanz, qui pilote le projet au sein du centre RAPSODEE de l’école IMT Mines Albi. La matière se fractionne en gaz, en huiles de pyrolyse et en cendres. Il suffit d’une dizaine de minutes pour la « craquer ». Ce point distingue le procédé de la méthanisation, qui requiert des temps beaucoup plus longs. Les questions sont nombreuses : préconditionnement des souches ou sarments en broyat, plaquettes ou granulés ?  Gestion de l’azote, du soufre et des métaux lourds présents dans la matière ? Qualification des déchets ultimes… « Nous cherchons à définir une technologie réalisable à petite et moyenne échelles pour récolter et utiliser la ressource localement », précise l'enseignant-chercheur. Le centre RAPSODEE dispose d’une plateforme de recherche pour la valorisation de résidus et sous-produits de transformation de la biomasse nommée VALTHERA. Elle est partenaire du projet aux côtés de la société RAGT-Energie, spécialiste des biocombustibles, également basée à Albi. Les résultats sont attendus pour 2022.

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