« Je me suis installée en viticulture en profitant d’un stage de parrainage financé par la région »
Anne-Sophie Raifaud, viticultrice dans l’Hérault, a bénéficié d’un stage de parrainage à la reprise du domaine d’André et Véronique Balliccioni. Un dispositif qui lui a permis de se former avec les cédants en toute légalité et en étant aidée.
Anne-Sophie Raifaud, viticultrice dans l’Hérault, a bénéficié d’un stage de parrainage à la reprise du domaine d’André et Véronique Balliccioni. Un dispositif qui lui a permis de se former avec les cédants en toute légalité et en étant aidée.
« Avec Anne-Sophie, j’ai réalisé la transmission de mon domaine comme si c’était ma propre fille », relate André Balliccioni, ancien vigneron au domaine éponyme à Autignac, dans l’Hérault. Une cession en douceur et en sécurité qui a été possible grâce au dispositif Cefi, le contrat emploi formation installation. En 2022, le vigneron et son épouse ont décidé de vendre le domaine fondé en 1998, aucun des enfants ne souhaitant prendre la suite. Très rapidement, ils ont été contactés par un couple désireux de s’installer en viticulture. Rendez-vous a donc été pris entre les Balliccioni et Anne-Sophie Raifaud, potentielle repreneuse, accompagnée de son compagnon Franck Goyer. « Le courant est tout de suite passé », racontent unanimement les quatre protagonistes. Au point de proposer au jeune couple de venir voir comment se passe la mise en bouteille. D’abord en avril, puis en juin. Début août, l’offre d’achat était sur la table.
Travailler au domaine sans peser sur la rentabilité
C’est là que la chambre d’agriculture de l’Hérault a proposé à Anne-Sophie Raifaud, désireuse de faire les vendanges avec André Balliccioni, de contracter un Cefi. « J’avais à cœur, bien entendu, de lui transmettre tout ce que je savais, mais de la prendre en salariée aurait coûté trop cher à l’entreprise », expose le vigneron maintenant retraité. Avec ce stage de parrainage, financé par la région, Anne-Sophie Raifaud a pu préparer la reprise du domaine en y travaillant de septembre 2022 à mars 2023, date de l’achat. André Balliccioni lui a montré de A à Z comment il travaillait et comment il vinifiait. « À elle ensuite de faire ses propres expériences », commente-t-il. Il l’a introduite également auprès de toutes les personnes avec qui il travaillait : les fournisseurs, les clients, l’œnologue conseil… et même les gens du village ! André et Véronique Balliccioni ayant une grande expérience des salons particuliers, puisqu’ils en faisaient une vingtaine par an, ont également livré tous les secrets de la préparation et de l’organisation de ces rendez-vous, ainsi que les caractéristiques et rentabilités moyennes de chaque évènement.
Pour le couple cédant, c’est une véritable transmission en douceur, qui prend le temps et maximise les chances de réussite. Cette période installe un sentiment de confiance. « C’est important pour nous aussi, car cette entreprise c’est un peu comme notre bébé, nous y avons mis corps et âme pendant vingt-cinq ans, avoue André Balliccioni. Ça nous permet de vivre plus sereinement de savoir qu’elle est entre de bonnes mains. » Le lien a été assez fort pour que les cédants acceptent de vendre leur maison au-dessus de la cave, ce qui n’était pas prévu initialement, et ne cèdent que 8 hectares sur les 15. Les retraités ont gardé 1,5 hectare de terres et ont vendu le reste à quelques voisins intéressés par des parcelles.
Un gain de temps et de sérénité pour les jeunes vignerons
Avec trois enfants à charge, Anne-Sophie Raifaud a été contente de profiter d’un coup de pouce financier (environ 500 euros par mois) le temps du stage de parrainage. Et le jeune couple a trouvé dans le soutien des cédants une aide infiniment précieuse. Certes, l’un et l’autre ont passé leur BTS viticulture-œnologie à distance il y a cinq ans, à côté de leurs emplois respectifs. Anne-Sophie Raifaud a même travaillé dans quelques propriétés une fois le sésame en poche, pour une saison de taille et deux saisons de vinification, notamment. Elle a même réalisé en 2021 son stage Jeune agriculteur pour compléter l’apprentissage.
Mais cela n’a rien à voir avec la plongée dans le grand bain. « Comme André et Véronique ont été eux aussi néovignerons, ils nous transmettent leur expérience mais aussi leur vécu et leurs galères », illustre-t-elle. Pour le jeune couple, c’est un gain de temps énorme. Ils ont par exemple quelqu’un pour leur montrer comment faire les déclarations, les rouages des Douanes, l’organisation des transporteurs et le milieu de la logistique, mais aussi les prix qui sont pratiqués usuellement dans différents secteurs. « On se rend compte du temps que l’on gagne quand on se lance dans quelque chose qui n’était pas encore en place, avoue Franck Goyer. Par exemple avec la boutique en ligne sur internet, que nous avons créée en arrivant, on voit que c’est beaucoup de travail et on mesure la chance de ne pas partir de zéro ! »
La transmission se poursuit même après la vente du domaine
Pendant la durée du Cefi, Anne-Sophie Raifaud a également participé à la préparation des salons. L’occasion d’envoyer des courriers aux clients et de les prévenir que le domaine allait changer de main, et dans un même temps de changer d’identité pour devenir le domaine de la Folie Vigneronne. « En les invitant, nous les avons avertis que c’était notre dernier salon et que nous laissions les rennes du domaine à Anne-Sophie et Franck », détaille Véronique Balliccioni.
Aujourd’hui encore, les anciens vignerons viennent régulièrement épauler de leurs conseils les néovignerons. Il leur arrive même de faire acte de présence sur les salons pour retrouver d’anciennes connaissances et achever d’introduire leurs successeurs. « C’est comme un service après-vente ! », lance Franck Goyer. Service qui aide le jeune couple à vivre, lui aussi, plus sereinement. « Nous avons transmis notre savoir et sommes là si besoin, mais c’est aussi à eux d’apporter leur vision », pose avec sagesse André Balliccioni. Chose qu’Anne-Sophie Raifaud et Franck Goyer ont doucement commencé à faire avec une étiquette plus pure, un profil sur le rouge en entrée de gamme plus souple et une cuvée en amphore quand les finances seront au rendez-vous.
en bref
Le Contrat emploi formation installation (Cefi) est un dispositif porté par le conseil régional d’Occitanie, permettant de financer une période d’essai entre un agriculteur et un candidat à l’installation hors cadre familial. C’est une convention de stage entre l’exploitant, le candidat et la chambre d’agriculture, pouvant durer de trois à douze mois. Le niveau de rémunération varie de 200 à 685 euros par mois selon l’âge et le statut antérieur du candidat. Ce dernier doit avoir moins de 55 ans et aucun lien de parenté avec le maître de stage.
TSF : une formation pour transférer les savoirs
La transmission peut occasionner des pertes de savoirs et de savoir-faire. Ce constat a motivé la mise en place d’une action de formation spécialement dédiée au transfert de compétences et de connaissances entre personnes en place et nouveaux arrivants. Elle s’appelle Transfert de savoirs et de savoir-faire, ou TSF. Son objectif est aussi de fiabiliser le passage de relais entre des personnes.
Elle comprend deux phases. La première, réalisée sur une demie ou une journée, consiste à établir un diagnostic pour identifier les compétences à transmettre et les modalités possibles. La seconde phase va concrétiser la démarche. Elle se décline en quatre modules de formation de deux jours ou un jour, à choisir selon les besoins identifiés.
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, elle est financée par l’opérateur de compétences Ocapiat, dans la limite des fonds disponibles au titre du développement des compétences. Sont pris en charge les coûts de formation ainsi que les salaires sur la base de 12 euros de l'heure (Smic horaire chargé). Ocapiat fournit une liste des organismes agréés pour ce dispositif.
C.G.