GMT et ACF : de quoi perdre son alphabet
Identifiées récemment, les déviations baptisées “ goûts moisis-terreux ” et “ arômes de champignon frais ” sont souvent confondues. Mais si elles sont de la même famille, leur comportement et leur approche sont différents.
En Alsace, en Champagne et dans la Loire, on continue de se casser les dents sur ces mauvais goûts dominés par le champignon de Paris, la terre, la betterave ou encore le moisi. Leur dénominateur commun, première source de tracas pour Laurence Guérin (coordinatrice d’un programme associant l’IFV, l’Inra et l’ISVV au CIVC et au BNIC), est la méconnaissance du ou des champignon(s) responsable(s). “ Dans l’état actuel des connaissances, on sait qu’ils ne peuvent pas se passer de lésions sur les baies, et donc qu’une attaque de botrytis et/ou d’oïdium est nécessaire, annonce-t-elle. En revanche, des vendanges très touchées ont pu donner des vins indemnes (et vice-versa). La corrélation entre l’intensité de l’attaque et celle de la contamination n’est pas établie. ” La seule préconisation, évidente, est donc d’avoir une vendange saine, autant que possible en employant des méthodes prophylactiques. Cela risque d’être difficile cette année au vu de la pression botrytis qui s’annonce.
Les GMT : problématiques mais curables
L’approche des goûts moisis-terreux, dont la principale molécule responsable est la géosmine, est relativement simple : si la vendange est touchée, l’odeur se retrouvera sur le moût et dans les vins. Le seul traitement efficace est malheureusement le charbon (sur moût à 20-40 g/hl selon l’intensité de la contamination), avec l’effet délétère que l’on connaît sur la qualité aromatique. “ Nous recherchons des traitements moins violents que le charbon, mais pour l’instant le mélange bentonite/PVPP ne fonctionne que si la contamination est très faible ”, explique Eric Meistermann, de l’IFV Colmar. Et le vinificateur manque cruellement d’indicateurs fiables du niveau de contamination pour définir la dose à apporter.
Les ACF : indétectables sur moût et incurables
“ Pour l’instant, nous faisons chou blanc dans notre tentative d’identification des paramètres favorisant l’apparition de l’octénone et de l’octénol, (les deux principales molécules responsables des arômes de champignon frais) ”, regrette Laurence Guérin. Pire, les odeurs sont rigoureusement indétectables sur vendange et sur moût, elle n’apparaîtront que sur le vin fini. “ Nous orientons nos recherches vers ce qui se passe sur le raisin, mais aussi pendant la FA pour tenter de comprendre comment se révèlent les ACF ”, poursuit-elle. Reste que pour l’instant, aucun traitement ne fonctionne. Laurence Guérin prévient enfin : “ si on traite inutilement au charbon, les ACF se sentiront d’autant plus qu’ils seront moins masqués par d’autres arômes. Nous sommes totalement démunis face à ce problème. ”
Un champignon responsable de mauvais goûts identifié à l'Inra de Colmar
Un espoir se dessine pour la recherche : une souche de champignon qui produit systématiquement des ACF a été isolée à l’Inra de Colmar. Isolée, mais pas identifiée : “ nous avons fait le tour de tous les mycologues à notre portée, et aucun n’a pu lui donner un nom ”, regrette Eric Meistermann. Avec ou sans état civil, cette découverte permettra d’inoculer la souche dans de la vendange de manière répétable et mesurable, sans dépendre du millésime. De quoi accélérer la recherche à partir de cette année.