Usage du glyphosate en viticulture : ce qui change en 2021
Pour la campagne 2021 la grande majorité des produits à base de glyphosate sera utilisable comme à l’accoutumée. Ce sera ensuite une seule application par an localisée sur le rang, sauf exceptions…
Pour la campagne 2021 la grande majorité des produits à base de glyphosate sera utilisable comme à l’accoutumée. Ce sera ensuite une seule application par an localisée sur le rang, sauf exceptions…
C’est ce que l’on peut appeler un cafouillage. D’un côté le gouvernement tente de ne pas perdre entièrement la face, de montrer aux Français qu’il tient tant bien que mal ses engagements concernant la sortie du glyphosate. De l’autre, il a pris conscience des impasses techniques aux champs et tend à mettre en place une transition plus douce qu’annoncée et plus réaliste pour les agriculteurs. Il en résulte un flou artistique, où il est bien difficile de comprendre ce qui est possible ou pas. Ce qui est sûr, c’est que le glyphosate tel qu’on le connaît bénéficie d’un sursis pour cette campagne. En effet, l’application des nouvelles règles sera mise en place par le biais des autorisations de mise sur le marché (AMM) et donc produit par produit. « On se retrouve pour la campagne 2021 avec des situations très différentes entre produits, l’harmonisation des conditions d’emploi s’appliquant de manière décalée », informe l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). La seule spécialité autorisée en viticulture et dont l’AMM a été modifiée, pour l’instant, est le Touchdown System 4 de Syngenta.
Trois groupes de produits avec des délais différents
Le Touchdown System 4 fait partie des 8 produits à base de glyphosate qui ont été examinés par l’Anses en septembre dernier (trois ont été retirés, trois autres renouvelés et deux nouvellement autorisés). Un autre groupe de produits à base de glyphosate est encore en cours d’évaluation par l’Anses. « Dans ce cas, les décisions d’autorisation devraient être prises avant l’automne 2021 », nous a communiqué l’agence française. Ces AMM intégreront les nouvelles restrictions d’usage avec effet immédiat pour les éventuels produits nouvellement autorisés, et avec un délai de 6 mois pour leur mise en œuvre dans le cas d’un renouvellement. Il existe un troisième groupe de produits, pour lequel l’Anses attend les évaluations d’autres États membres pour renouveler l’AMM (les agences européennes se partagent le travail de synthèse scientifique). Dans ce cas précis, l’Anses a prévu des décisions sur les produits en deux temps : commencer par modifier les AMM existantes et statuer sur le renouvellement plus tard. « Des décisions modifiant les AMM afin d’ajouter la restriction devraient être prises fin février-début mars, avec un délai d’application de 6 mois. Les décisions statuant sur le renouvellement ou non de l’AMM seront prises ultérieurement, l’échéance n’est pas connue », précise l’Anses.
Lire aussi : Retrait du glyphosate : comment passer le cap
En ce qui concerne le Touchdown System 4, on peut d’ores et déjà lire sur le site de Syngenta les conditions d’utilisation suivantes : « Ne pas appliquer entre les rangs. Ne pas appliquer sur plus de 20 % de la surface de la parcelle. Ne pas dépasser la dose annuelle de 450 g de glyphosate par hectare. Également autorisé à la dose de 6 l/ha uniquement en situations non mécanisables : vignes installées en fortes pentes ou en terrasses, sols caillouteux, vigne-mères de porte-greffes. Ne pas dépasser la dose annuelle de 2 160 g de glyphosate par hectare. » Ces conditions s’appliqueront à compter du 30 mars 2021.
Le cas des vignes étroites est toujours à l’étude pour éviter l’impasse
Ce sont effectivement les restrictions qui devraient se généraliser sur tous les produits dans les mois qui viennent, à la différence près que l’Anses prévoit de nouvelles précisions concernant les vignes étroites, pour qui la règle des 20 % de la surface constitue une impasse technique. « Le directeur général de l’Anses a souhaité saisir le comité de suivi des AMM de l’Anses sur la restriction en viticulture en lien avec les vignes à faible écartement, nous a transmis le service de presse de l’agence sanitaire. Le comité de suivi s’est réuni et a examiné la question. La problématique a été décrite et des options ainsi que des propositions ont été analysées. Sur la base d’un procès-verbal de réunion validé, dont la rédaction est en cours, l’Anses pourra statuer sur la suite à donner. » Si la réglementation va donc s’éclaircir, il n’en sera pas de même de la mise en pratique, qui sera sans doute nébuleuse. Car le texte peut laisser place à diverses interprétations. À partir de quel pourcentage de pierres puis-je estimer que mon sol est trop caillouteux pour être en situation mécanisable, par exemple ? La loi ne le dit pas. Tout comme ce qu’est une forte pente. Autre écart entre la théorie et la pratique : lors de l’utilisation du produit, c’est l’étiquette du bidon qui fait normalement foi. Or les stocks des distributeurs pour la campagne 2021 sont généralement faits, et cela avec l’ancien étiquetage. Les derniers changements d’AMM devant intervenir vraisemblablement cet automne, il y a même à parier qu’une partie des stocks pour 2022 soit encore étiquetéé avec les anciennes conditions, et que les restrictions ne soient pas applicables sur ces bidons. La saga sur le glyphosate est donc loin d’être terminée…
La loi n’indique pas à partir de quand le sol est trop caillouteux ou trop pentu pour être non mécanisable. C’est à l’heure actuelle à l’appréciation du viticulteur…
Quels itinéraires avec 450 g/an de glypho ?
Les restrictions d’usage du glyphosate vont pousser les viticulteurs à mettre en place des itinéraires mixant chimie et travail du sol.
En le limitant à 450 g/ha/an, le législateur a voulu restreindre l’usage du glyphosate au cavaillon seul. Ce faisant, il a également condamné les viticulteurs à ne faire qu’un seul passage. « Il faut bien se dire que désormais le glyphosate ne sera qu’un outil dans la grande boîte qu’il faut utiliser pour entretenir le rang », plante Thierry Favier, expert technique du groupe CAPL et secrétaire de la commission nationale Columa vigne. Dès lors, comment faire pour gérer l’enherbement sous le rang ? Lors des derniers Entretiens vigne et vin Languedoc-Roussillon de l’IFV, Éric Chantelot, référent phytosanitaire de l’institut, a exposé les solutions alternatives. « En l’absence de vivaces, on peut imaginer travailler le sol à l’automne puis faire une seule application de glyphosate associé à une pré-levée en février/mars si l’herbe n’est pas trop développée, dit-il. Puis faire un travail du sol superficiel plus tard dans la saison s’il y a eu un salissement au printemps. » En présence de vivaces en revanche, il préconise plutôt un travail du sol à l’automne et en sortie d’hiver, puis un glyphosate un peu plus tard au printemps, une fois les vivaces levées. Pour Thierry Favier également, la solution se trouve dans un itinéraire mixte entre chimie et travail du sol, « le tout chimique se heurtera à des soucis d’efficacité et de résistance », pense-t-il. De même il recommande de garder le glyphosate en joker pour gérer les vivaces : « Pour les graminées on a encore la cycloxydime (Stratos), mais face aux liserons et aux chardons on ne peut aligner que le glypho. » L’expert préconise volontiers un travail du sol à l’automne et au printemps puis une pré-levée sur sol propre en mai pour tenir jusqu’à l’été. « Il faudra aussi penser à l’échelle de l’exploitation, indique-t-il. Par exemple, à une période donnée, du travail intercep sur une partie du vignoble et du chimique sur l’autre afin de ne pas perdre trop de temps. Puis alterner ensuite. »
voir plus loin
Dans une interview accordée au média Brut, Emmanuel Macron a avoué en janvier dernier s’être trompé d’échelle et a déclaré : « pour sortir des pesticides, c’est l’Europe le bon niveau ». Face aux journalistes, il a abordé les problématiques de distorsion de concurrence mais aussi de la taxe Trump qui pénalise la rentabilité des viticulteurs français et freine leur capacité à poursuivre la transition. « Ce que l’on va réussir à faire d’ici à 2022, nous Français, c’est de baisser de 50 % », a ajouté le président. L’année 2022 est aussi celle où le glyphosate doit être réévalué par l’Europe. Les pays membres devront décider, après lecture des nouvelles études d’impacts, s’ils autorisent de nouveau la substance active au sein de l’UE. Si l’issue est incertaine, le débat sera houleux à n’en pas douter.