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Court-noué : faire avancer la recherche malgré tout
Les recherches prometteuses sur les nanobodies dans la lutte contre le court-noué ont été relancées l’an dernier par l’université de Strasbourg, en collaboration avec les pépinières Mercier. Des recherches qui s’ouvrent sur un débat de société.
Les recherches prometteuses sur les nanobodies dans la lutte contre le court-noué ont été relancées l’an dernier par l’université de Strasbourg, en collaboration avec les pépinières Mercier. Des recherches qui s’ouvrent sur un débat de société.
Il y a quelques années, la presse grand public française s’extasiait autour d’une découverte peu banale : les anticorps de chameaux pourraient servir à protéger la vigne. Un soufflé vite retombé. Les chercheurs de l’université de Strasbourg, eux, poursuivent religieusement leurs travaux. Pour rappel l’équipe alsacienne, en lien avec l’Inrae de Colmar, a montré que certains nanobodies, de petits anticorps produits par les camélidés, étaient capables de neutraliser le virus du court-noué (Grapevine fanleaf virus) sur des vignes in vitro.
L’alliance de savoir-faire en virologie et en multiplication végétative
« Nous étions d’autant plus enthousiastes, relate Christophe Ritzenthaler, chercheur à l’université de Strasbourg, que l’on a observé une résistance de type noir et blanc, ce qui est rare en biologie. C’est-à-dire que sans nanobodies les vignes étaient sensibles, mais avec il y avait une excellente résistance : nous ne détections même plus le virus. » Mis un temps à l’arrêt face au désengagement de l’Inrae, le projet a été finalement relancé l’an dernier sous l’impulsion du groupe Pépinières Mercier. « En tant qu’expert de la filière, nous nous devons d’étudier toutes les pistes sans préjugés. Nous avons donc déposé une demande de financement LabCom à l’Agence nationale de la recherche en 2019, qui a été d’abord retoquée puis acceptée en 2020, explique Olivier Zekri, responsable R & D des pépinières Mercier. L’université de Strasbourg apporte ses connaissances en virologie, et nous nous apportons notre expertise dans la multiplication végétative. »
Débat | Sélection végétale : les variétés issues des NBT sont-elles des OGM ?
Des avancées scientifiques importantes en 2020
De nouveaux éléments sont venus enrichir les connaissances courant 2020 : les scientifiques ont déterminé comment l’anticorps neutralise le virus du court-noué. « Nous avons également démontré que le virus arrive, avec une faible fréquence, à contourner la résistance conférée par les nanobodies, complète Christophe Ritzenthaler. Ce qui nous permet de savoir qu’il y aura potentiellement besoin de pyramider les gènes de résistance. » Mais avant d’en arriver là, il faudra déjà valider le concept par des expérimentations en condition réelle. C’est là où le bât blesse. Car l’obtention de porte-greffes résistants au court-noué grâce au nanobodies nécessite l’emploi de New Breeding Techniques, ou NBT, des techniques de sélection variétale par édition génomique qui font face à de fortes oppositions. En juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé de renvoyer les NBT à la directive relative aux OGM, ce qui veut dire que les essais de plein champ de porte-greffes résistants au court-noué ne pourraient être potentiellement réalisés que dans un cadre réglementaire de recherche très strict et très particulier. « Nous conduirons donc des essais uniquement dans des pays qui se sont prononcés en faveur de ces innovations, annonce Olivier Zekri. Mais nous devons avancer car les viticulteurs entrent dans des impasses techniques, et qu’il faudra être prêts dans l’éventualité où le cadre réglementaire des NBT en Europe soit différencié des OGM et assoupli. » Et même si le cadre ne change pas, la pépinière évolue désormais dans un marché globalisé et d’autres continents n’ont pas le même positionnement sur ces nouvelles technologies. Face au spectre de la distorsion de concurrence et des impasses techniques, il est clair que la viticulture devra probablement ouvrir le débat sur les biotechnologies, comme l’ont fait nos confrères des grandes cultures.
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La notion de New Breeding Techniques renferme plusieurs procédés bien distincts. Ils ont en commun de modifier une séquence d’ADN (on parle de mutagénèse), là où la transgénèse, technique utilisée pour produire les OGM, ajoute un gène sur l’ADN. Pour certains, les NBT ne font qu’accélérer et diriger un processus qui aurait pu prendre des milliers d’années naturellement. Pour d’autres en revanche, cela reste de la manipulation du vivant et ne respecte pas le principe de précaution. Courant janvier, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a jeté un pavé dans la mare en déclarant que les NBT étaient très différentes des OGM et qu’elles devaient avoir « une réglementation conforme à ce qu’elles sont ».