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Clarification en vue pour les biostimulants

Mi-2022, les producteurs pourront disposer de biostimulants normalisés CE, dont la composition et l’efficacité seront certifiées. Une normalisation qui devrait clarifier la situation et faciliter l’expérimentation.

Prolifération d'hormones de croissance, prolifération cellulaire, meilleure gestion du stress oxydatis... Les effets des biostimulants sont nombreux.
© stock-adobre.com

Depuis dix ans, le marché des biostimulants est en pleine expansion dans le monde. En France, selon Afaïa, syndicat des acteurs de la filière supports de culture, paillages, amendements, engrais et biostimulants, le marché augmente de 10-12 % par an depuis cinq ans, même si les ventes sont compliquées à évaluer, aucun produit n’étant jusqu’ici officiellement reconnu biostimulant et les biostimulants étant souvent vendus en mélange avec des engrais, amendements ou supports de culture. Les deux tiers des ventes concernent les productions spécialisées, notamment la vigne et les fruits et légumes. Logique, puisque la protection contre les stress et la qualité des produits – principales revendications des biostimulants – est au cœur des besoins dans ces filières. La réglementation française étant très floue et ne définissant pas clairement le terme « biostimulant », les produits sont autorisés sous différentes dénominations (préparations microbiennes, substances humiques…), avec une autorisation de mise en marché (AMM) comme matières fertilisantes et supports de culture (MFSC) et une allégation de type biostimulant. Quelques produits sans AMM sont par ailleurs vendus en direct par les fabricants, les distributeurs hésitant à commercialiser des produits dont l’efficacité n’est pas prouvée et la composition mal connue.

Construction de normes européennes

Mais la situation devrait bientôt se clarifier. En juillet 2019, le futur règlement européen harmonisé des matières fertilisantes, le 2019/1009, est paru au Journal officiel, pour une mise en application en juillet 2022. Le règlement fixe les règles de mise en marché pour six catégories de matières fertilisantes, dont les biostimulants, et pour les mélanges de deux ou plus de ces matières. « Ce règlement est une reconnaissance que les biostimulants sont du côté des matières fertilisantes et non des produits phytosanitaires », souligne Laurent Largant, délégué général de l’Afaïa. Le règlement donne désormais une définition claire du terme « biostimulants ». Les biostimulants sont « des fertilisants qui stimulent le processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu’ils contiennent, dans le seul but d’améliorer une ou plusieurs caractéristiques suivantes des végétaux ou de leur rhizosphère : l’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs, la tolérance aux stress abiotiques, les caractéristiques qualitatives et la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère". À la différence des engrais, définis par leurs teneurs en éléments nutritifs, les biostimulants sont définis par leurs fonctions.

Lire aussi " Les biostimulants, une aide pour contrer la sécheresse en viticulture "

D’ici juillet 2022, tous les produits souhaitant bénéficier de l’étiquetage Biostimulant CE devront donc être vérifiés et certifiés conformes au règlement 2019/1009 concernant la véracité de leurs revendications, leur innocuité (métaux lourds, pathogènes), leur composition normée, et cela avec des règles de certification (méthodes d’analyse…) harmonisées au niveau européen. D’ici mai 2020 (peut-être plus tard du fait de la crise du coronavirus), chaque État membre devait avoir désigné une autorité d’accréditation, auprès de laquelle les organismes certificateurs souhaitant être accrédités pour la certification des biostimulants devront se faire connaître. « Les produits certifiés par ces organismes pourront alors être commercialisés dans toute l’Europe et ailleurs avec l’étiquetage Biostimulant CE, résume Laurent Largant. La saison étant déjà avancée en juillet, les ventes significatives auront lieu surtout à partir du printemps 2023. » La vente de produits sous AMM, pour un usage particulier et dans un pays, restera possible, mais sans la reconnaissance Biostimulant CE.

Compositions et revendications variées

Les biostimulants actuellement commercialisés sont le plus souvent des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale, parfois des substances issues de synthèse. On y trouve beaucoup d’extraits d’algues, des hydrolysats de protéines, des bactéries, des champignons mycorhiziens, des extraits végétaux, des acides humiques, des substances inorganiques (silicium…). Leurs modes d’application varient également : pulvérisation foliaire, pralinage des racines, épandage au sol, enrobage de semences… Et leurs revendications sont multiples : réussite des nouvelles plantations, amélioration de la photosynthèse, des taux de floraison, fécondation et nouaison, amélioration de la qualité, meilleure résistance au gel, au stress hydrique, à la chaleur, aux pluies continues, à la salinité… Enfin leurs modes d’action sont très variés, avec des actions sur la plante (meilleure gestion du stress oxydatif, adaptation de la pression osmotique des cellules, production d’énergie et d’hormones, prolifération cellulaire, activation des enzymes, amélioration de la résistance mécanique des cellules…) et des effet sur le sol (décomposition de la matière organique, augmentation de la population bactérienne, solubilisation du phosphate…).

La difficile étape de l'expérimentation au champ

L’expérimentation sur les biostimulants est encore peu développée car très complexe et lourde à mener. Les méthodes associant différentes compétences doivent être mises au point.

Depuis dix ans, à la demande des producteurs souhaitant connaître l’effet réel des produits qui leur sont proposés, différents essais sont menés sur le terrain sur les biostimulants. De 2012 à 2014, sur une parcelle de grenache en Côtes-de-Provence, la chambre d’agriculture du Var a testé le biostimulant foliaire Agroptim, après application de l’activateur biologique Geo2, pour réduire le stress hydrique de la vigne. Les modalités traitées ont été systématiquement moins stressées, même si les différences étaient peu significatives, et les baies légèrement plus lourdes (+ 10 %). Des différences significatives ont aussi été observées sur la qualité (note plus fruitée, note globale améliorée, meilleure intensité olfactive). En Pays de la Loire, des essais ont été menés de 2016 à 2018 pour évaluer l’effet d’engrais foliaires sur le potentiel de production du Melon en Pays Nantais et du Cabernet franc dans le vignoble Anjou-Saumur. Six produits ont été évalués, mais aucune différence significative n’a été observée. En région Centre-Val de Loire, plusieurs essais ont également été menés sur les biostimulants. Le dernier, mené dans le cadre du programme Protec’Gel (IFV Amboise, CA 37, CA 41, Sicavac, financé par la région Centre-Val de Loire et Interloire) visait à évaluer l’efficacité de 12 biostimulants pour la protection de la vigne contre le gel. Trois sites d’Indre-et-Loire, du Loir-et-Cher et du sancerrois ont été suivis en 2018 et 2019, l’année 2019 ayant été marquée par deux épisodes de gel sévères. Là non plus, ni les essais randomisés ni ceux menés chez quelques vignerons ayant laissé des bandes témoins sans engrais foliaire n’ont montré de différence significative.

Associer diverses compétences

Les biostimulants ayant des revendications très larges portant sur le niveau de production, la qualité, la résistance aux stress abiotiques, faisant intervenir des mécanismes multiples et étant souvent vendus en mélange avec des engrais, leur expérimentation s’avère en effet très complexe. « Tester par exemple l’intérêt d’un biostimulant contre les effets du gel implique des analyses très longues et très fines, indique Guillaume Delanoue, de l’IFV d’Amboise. Il faut compter le nombre de fleurs sur un nombre suffisant de rangs et pour chaque modalité, puis le nombre de baies. Il faut connaître les porte-greffes utilisés, les clones, la composition et la structure du sol, la climatologie, il faut avoir des références parfaitement identiques… » Le positionnement optimal des applications est également difficile à évaluer et à respecter. « Nous manquons de méthodologie pour expérimenter les biostimulants sur le terrain, souligne Guillaume Delanoue. Un objectif pour évaluer les effets très subtils de ces produits serait de mettre au point des méthodes associant différentes compétences, notamment de physiologie et de vie des sols, et de mener des essais sur plusieurs années. » Des avancées devraient toutefois être apportées par le nouveau règlement européen 2019/1009. « Une normalisation claire des produits permettra de faire le tri entre les produits et de cibler les biostimulants selon leurs revendications qui seront alors certifiées », estime Guillaume Delanoue. La mise au point de tests en conditions contrôlées, qui permettent de mettre en évidence certaines revendications des biostimulants et de cribler les produits, est également une avancée importante. Enfin, une orientation, tant en laboratoire que sur le terrain, est aujourd’hui d’associer biostimulants et biocontrôle, avec l’idée que si la vigne est en bonne santé, elle pourra mieux répondre aux stimulateurs de défense des plantes.

La recherche fondamentale avance

La mise au point de tests en conditions contrôlées permet désormais de cribler les produits avant de les expérimenter sur le terrain et de mieux comprendre leurs modes d’action.

Des chercheurs de l’UMR Agrocécologie de Dijon (1) ont mis au point un modèle permettant de caractériser en conditions contrôlées l’effet sur la vigne de certains biostimulants. Des microplants issus de bouturage sont cultivés in vitro avec apport de biostimulants. « L’objectif initial était d’évaluer l’impact des biostimulants sur la capacité de la vigne à répondre aux stimulateurs de défense des plantes, précisent Marielle Adrian, Marie-Claire Héloir et Sophie Trouvelot, de l’université de Bourgogne. Le modèle permet d’évaluer l’impact du biostimulant sur le développement aérien et racinaire, la biomasse sèche, la teneur en chlorophylle et divers métabolites. » Du fait du mode de culture in vitro, tous les biostimulants ne peuvent être testés. « Il n’est pas possible par exemple de tester des micro-organismes vivants. Et si le modèle permet d’évaluer les biostimulants ayant un effet sur le développement végétatif et la physiologie de la vigne, il ne l’est pas pour ceux revendiquant un effet sur la nouaison ou la maturation des fruits. » Un grand nombre de produits peuvent toutefois être testés et une dizaine de biostimulants du commerce ont déjà été évalués. « Certains n’ont pas été retenus, mais pour d’autres, nous retrouvons des modes d’action revendiqués par ces biostimulants, comme la stimulation du développement des poils absorbants des racines. » Des essais sont notamment en cours sur des biostimulants revendiquant une plus grande résistance aux fortes chaleurs, avec des premiers résultats encourageants.

Faire un premier criblage

« Ce modèle peut être un outil pour cribler rapidement les biostimulants potentiellement actifs sur la vigne en termes de résistance aux stress abiotiques, de développement végétatif et de physiologie, résument les chercheuses. Les premiers effets sur l’entrée en croissance du bourgeon, la rapidité et l’importance de l’émission de racines, l’architecture racinaire et aérienne peuvent être observés dès 4 semaines. L’outil peut aussi permettre de mieux comprendre le mode d’action des biostimulants. » Les tests pour l’instant sont menés surtout sur le cépage marselan, mais également sur d’autres cépages et sur un porte-greffe. « Pour certains biostimulants, on observe un effet variétal, pour d’autres non. ». Les essais se poursuivent dans le cadre d’un projet Inrae, en collaboration avec Marie-France Corio-Costet (Inrae Bordeaux), avec de nouveaux tests de biostimulants. Dans ce contexte, l’objectif est d’aller jusqu’à l’évaluation de leur impact sur l’induction de résistance aux pathogènes par les SDP. Par ailleurs, l’automatisation du phénotypage aérien et racinaire grâce à l’imagerie est également à l’étude. Dans la même optique, un projet multifilière est actuellement porté par l’université d’Orléans pour étudier des moyens de lutte contre le stress hydrique. Des essais préliminaires sur des plantes modèles cultivées in vitro montrent notamment que certains biostimulants rendent les plantes « aveugles » au stress hydrique, les plants continuant à se développer normalement. « Si le projet est accepté, l’objectif pour l’IFV sera de tester ces biostimulants sur des micro-plants de vigne, avant de les expérimenter sur le terrain », précise Guillaume Delanoue.

(1) AgroSup Dijon, Cnrs, Inrae, université de Bourgogne, université de Bourgogne Franche-Comté, Pôle interactions plantes-microorganismes, travaux initiés dans le cadre du projet FUI Iris +.

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