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Un tracteur vigneron haut de gamme ou deux low cost ?

Entre un tracteur vigneron d’entrée de gamme et un tracteur tout équipé, les prix peuvent aller du simple au double, voire au triple. Portraits de deux viticulteurs qui ont fait des choix diamétralement opposés.

Certains constructeurs disposent de plusieurs offres pour une même puissance de tracteurs. © New Holland
Certains constructeurs disposent de plusieurs offres pour une même puissance de tracteurs.
© New Holland

Longtemps, le tracteur spécialisé a été le parent pauvre des constructeurs de tracteurs. Mais les normes antipollution successives, intégrant de plus en plus d’électronique, ont fait monter les prix. Par ailleurs, certaines technologies issues de la grande culture sont arrivées en viticulture. C’est le cas de la transmission à variation continue, de la climatisation et du pont avant suspendu. De même, l’offre en hydraulique s’est étoffée, avec des débits dépassant les 100 l/min pour alimenter jusqu’à neuf distributeurs distincts.

Parallèlement à cette montée en confort et en performance, certains constructeurs ont conservé une offre d’entrée de gamme, sans cabine. Selon les marques, les débits hydrauliques sur ces tracteurs restent limités ou accèdent en option à des performances très convenables. Au besoin, certains concessionnaires ajoutent des pompes hydrauliques, mais aussi des cabines proposées par certains équipementiers, à des tarifs ne dépassant pas les 5 000 €.

Entre ces deux extrêmes, les tarifs vont du simple au double, voire au triple. Certains constructeurs, comme Same, proposent même une troisième offre, milieu de gamme, à des prix intermédiaires.

Le confort du chauffeur, un argument en faveur du tracteur haut de gamme

Si l’argument du tracteur toutes options permettant de combiner plusieurs travaux à chaque passage est souvent avancé par les constructeurs, cette stratégie n’est pas forcément très ancrée sur le terrain, même si elle progresse. Bien souvent, l’argument premier d’achat d’un tracteur haut de gamme reste le confort du chauffeur, notamment quand ce dernier est le chef d’exploitation. Cela inclut entre autres la cabine de classe 4 isolant l’opérateur lors de la pulvérisation. La défiscalisation peut également motiver l’achat d’un tracteur cher. À l’inverse, un certain nombre d’exploitations employant des salariés tractoristes vont privilégier les tracteurs économiques.

« Des tracteurs économiques et tout de suite opérationnels »

Dans les Pyrénées-Orientales, Vincent Banyuls et son frère ont fait le choix de tracteurs d’entrée de gamme pour des raisons économiques et pratiques. « Avoir plusieurs tracteurs low cost plutôt qu’un tracteur tout équipé et tout confort nous fait gagner du temps », estime Vincent Banyuls, viticulteur-arboriculteur à Espira de l’Agly, près de Rivesaltes. Cultivant 17 hectares de vignes et 10 d’abricotiers, il travaille avec son frère Bruno, à la tête d’une exploitation de 11 hectares de vignes et autant d’abricotiers, et son frère Hervé, salarié permanent sur les deux exploitations. S’ajoutent des saisonniers, les pics d’activité des cultures d’abricotiers et de vignes se complétant bien.

Faisant le constat de l’augmentation des prix des tracteurs tout confort au fur et à mesure des renouvellements de gamme ces dernières années, Vincent Banyuls a fait le choix de s’équiper de plusieurs tracteurs d’entrée de gamme. « Le prix de vente à l’hectolitre de nos vins ne nous permet pas d’acheter plusieurs tracteurs haut de gamme, justifie-t-il. Et que faire d’un seul (ou deux) tracteur(s) haut de gamme quand il y a trois temps pleins à occuper ? De plus, on perd du temps à atteler et dételer plusieurs fois les outils. » C’est l'un des arguments de la stratégie adoptée par Vincent Banyuls.

Les deux exploitations totalisent quatre tracteurs Same d’entrée de gamme : un Frutteto Classic de 90 ch, équipé d’une cabine « bulle » et majoritairement utilisé pour la pulvérisation, et trois autres (deux Classic et un Natural) de 80 ch sans cabine. Achetés entre 24 000 et 30 000 euros, ces tracteurs disposent d'équipements très simples, comme l’enclenchement de la prise de force et du pont avant mécanique, mais sont néanmoins dotés de quelques options utiles comme des chandelles hydrauliques ou une double pompe hydraulique qui suffit à entraîner directement la rogneuse ou la prétailleuse sans chauffer l’huile. « Avoir des outils attelés en permanence plusieurs semaines, voire plusieurs mois permet de changer facilement d’outil, sans passer une demi-heure à dételer et atteler, et de s’adapter instantanément aux besoins du moment et à la météo, poursuit Vincent Banyuls. Cela n’empêche pas les tracteurs de faire des heures. Nous les renouvelons tous les 5-6 ans, quand ils ont 3 000 à 4 000 h. »

Autre atout des tracteurs d’entrée de gamme, la simplicité mécanique limite le risque de panne, notamment électronique. « Assez souvent, je me dépanne tout seul, explique-t-il. Tout comme je me débrouille pour faire les vidanges régulières après les deux premières réalisées en concession. Et si la panne est plus importante et nécessite l’intervention d’un mécanicien, j’ai toujours trois autres tracteurs. »

Quant à l’absence de cabine sur trois des tracteurs, elle ne pose pas de problème dans cette région où les températures sont suffisamment élevées d’avril à octobre. « Et une cabine ne se justifie pas pour 15 jours de prétaillage hivernal », conclue Vincent Banyuls.

« Un tracteur bien équipé pour combiner plusieurs travaux »

Vignerons en Anjou, Grégory et Élisabeth Nouteau ont fait le choix de tracteurs haut de gamme. « Je fais beaucoup d’heures de tracteur chaque année, alors autant combiner les travaux quand c’est possible », explique Grégory Nouteau, vigneron avec son épouse à Bellevigne-en-Layon dans le Maine-et-Loire. En appellation anjou, anjou villages, layon et bonnezeaux, l’exploitation bio depuis 1970 emploie deux salariés. Le parc matériel compte quatre tracteurs Fendt, des 208 (80 ch), dont trois à variation continue.

« J’ai acheté mon premier Fendt Vario en 2010. Rapidement, je l’ai équipé d’un relevage avant. À l’époque, j’étais tout seul et totalisais 800 à 900 h de travail par an avec deux tracteurs. Je souhaitais à la fois avoir du confort, notamment pour mieux endurer les semaines à 80 h de tracteur, et avoir du débit hydraulique pour pouvoir combiner plusieurs travaux par passage. » Le vigneron prend l’exemple du broyeur qui ne mobilise pas la vigilance du chauffeur et qu’il combine avec un intercep. « L’intercep limite la vitesse du tracteur à 4,5 km/h maxi, quand le broyeur seul peut avancer à 7-8 km/h. Mais la combinaison d’outils génère des économies de main-d’œuvre et de carburant. Et mon broyeur est ménagé. »

Le relevage avant fait désormais parti des équipements requis à chaque renouvellement de tracteur, exception faite de celui qui est principalement dédié à la pulvérisation. Un des tracteurs du parc est même équipé d’interceps entre roues et pourrait travailler avec trois outils différents à chaque passage.

Outre le confort, la transmission à variation continue s’avère être un atout indéniable au travail du sol en apportant de la souplesse dans la conduite. Également, les performances hydrauliques des tracteurs sont bien appréciées avec certaines combinaisons d’outils. « Quand il y a le broyeur à herbe (à entraînement hydraulique) à l’avant et les interceps hydrauliques, le cumul de pompes n’est pas de trop », illustre Grégory Nouteau.

Si les quatre tracteurs ne sont jamais tous sollicités en même temps, leur nombre se justifie selon le vigneron pour la souplesse qu’ils apportent, en évitant d’atteler et dételer en permanence les outils. Cette saison, ils devraient réaliser 1 500 à 1 700 h par saison, le travail du sol étant chronophage. Un volume d’heures qui permet aussi d’amortir les tracteurs.

Quant au prix du tracteur, Grégory Nouteau souligne que si le prix d’achat peut faire peur, le tracteur se revend aussi plus cher. « Le premier Vario ne m’a coûté que 15 000 euros pendant les cinq années où il a été présent sur l’exploitation. »

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