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Un essai à la ferme des Bordes croise l’effet de l’âge et de la note d’état sur l’engraissement de Charolaises

Avec de jeunes vaches, les croissances en finition sont assurées. Une vache âgée peut être très performante en finition ou pas du tout. Sur le plan économique, les « jeunes » ne font pas forcément mieux que les « vieilles ».

Vaches du lot "plus de 10 ans et NEC inférieure à 1,5 en début de finition". Ici, en début de période expérimentale d'engraissement. © OIER des Bordes
Vaches du lot "plus de 10 ans et NEC inférieure à 1,5 en début de finition". Ici, en début de période expérimentale d'engraissement.
© OIER des Bordes

Un essai portant sur 48 Charolaises en système conventionnel a été conduit durant l’hiver 2018-2019 à la ferme expérimentale des Bordes à Jeu-les-Bois dans l’Indre par l’OIER des Bordes (1) et Arvalis Institut du végétal, avec CCBE et Cyalin. Il portait sur l’effet de l’âge des vaches et de leur note d’état corporel (NEC) en début d’engraissement. Toutes recevaient une ration identique pendant 100 jours, composée d’un enrubannage de RGI déjà épié, à valeur alimentaire moyenne, et de 5 kg de blé avec 1,3 kg de tourteau de colza (11 à 12 UFV, 95 g PDI/UF). Quatre lots étaient comparés : vaches de moins de 8 ans avec une NEC inférieure à 1,5 en début d’engraissement, vaches de plus de 10 ans avec une NEC inférieure à 1,5, vaches de moins de 8 ans avec une NEC supérieure à 2, et vaches de plus de 10 ans avec une NEC supérieure à 2. Ces vaches étaient certifiées non gestantes. Les poids ont été mesurés tous les 28 jours, soit cinq fois entre mi-novembre et mi-février.
« Parmi les vaches jeunes, il y avait quelques primipares (6 %). De plus il n’a pas été facile de trouver des vaches à plus de 2 de NEC en début d’engraissement », note Nicolas Dagorn d’Arvalis Institut du végétal. « Nous avons mesuré les refus à l’auge en considérant que tout le concentré avait été consommé. » La consommation par vache a représenté 587 kg bruts de concentrés sur la durée de finition. Les résultats ont montré que l’ingestion des vaches de moins de 8 ans est supérieure à celle des vaches de plus de 10 ans : les « jeunes en meilleur état » ont ingéré en moyenne 16 kg MS/j et les « vieilles en meilleur état » 14 kg MS/j. « L’ingestion moyenne observée a été supérieure au calcul initial de ration réalisé à l’aide du logiciel INRAtion ».

Des performances beaucoup plus aléatoires chez les plus de 10 ans

Sur le début d’engraissement, l’ensemble des quatre lots a réalisé des performances supérieures à 1 000 g/j. Les vaches « jeunes » maintiennent ces performances le deuxième mois, et même sur le troisième mois. Pour les vaches de plus de 10 ans, on constate un décrochage rapide des performances dès le deuxième mois. En moyenne, les « jeunes en moindre état » ont réalisé 1 237 g/j sur la durée de l’essai, contre 1 121 g/j pour les « jeunes en meilleur état », 707 g/j pour les « vieilles en moindre état » et 879 g/j pour les « vieilles en meilleur état ». On pouvait s’attendre à cette hiérarchie des performances moyennes, mais cet essai met en évidence les très fortes variabilités de résultats d’un individu à l’autre dans le lot de plus de 10 ans. « Ainsi, sur les 100 jours de l’engraissement, 41 % des vaches de plus de 10 ans sont en dessous de 700 g/j de moyenne, et aucune des vaches de moins de 8 ans n’est sous ce seuil des 700 g/j », résume Nicolas Dagorn.
Les carcasses de l’ensemble des animaux répondaient aux besoins de la filière, même si à l’œil on aurait pu dire que certaines méritaient encore un peu de finition. Les moyennes des lots se sont étagées entre 426 kg c pour les « vieilles en moindre état » et 449 kg c pour les « jeunes en meilleur état ». L’indice de consommation est meilleur pour les vaches de moins de 8 ans : il varie de 12,5 kg MS ingérés/kg de gain de poids vif pour les « jeunes en moindre état » à 20,4 pour les « vieilles en moindre état ». « Cette meilleure efficacité alimentaire est principalement liée aux meilleures performances des animaux, et non aux différences de niveau d’ingestion observées », explique Nicolas Dagorn. Ainsi, les vaches « jeunes en moindre état », qui partaient avec un poids vif inférieur aux autres, ont été abattues à des poids vifs similaires à ceux des autres lots du fait de leurs performances de croissance et d’abattage. Les poids moyens des carcasses des quatre lots sont équivalents. L’essai conclut que l’effet de la NEC en début d’engraissement est difficile à interpréter. Il met bien en évidence que chez les vaches de plus de 10 ans, la variabilité des performances est beaucoup plus forte. Avec de jeunes vaches, les croissances sont assurées. Une vache âgée peut être très performante ou bien pas du tout.

 

 

Les « jeunes » pas vraiment plus rentables que les « vieilles »

Cet essai montre par contre que malgré leurs bonnes performances de croissance, sur le plan économique, les « jeunes » ne font pas forcément mieux que les « vieilles », et ceci malgré le fait que ces dernières passent dans des circuits à faible valorisation (bien souvent le haché désormais). Une simulation en fonction des contextes économiques des dernières années des résultats de cet essai donne une marge sur coût alimentaire limitée, et à peu près stable (voir tableau). Le coût d’alimentation est d’environ 200 euros par vache (auxquels il reste à ajouter les frais fixes de paille, les frais sanitaires, de mécanisation, d’électricité… et de main-d’œuvre).
Un naisseur engraisseur aura plutôt intérêt à démarrer la phase d’engraissement avec des vaches en état. Et l’intérêt de leur engraissement est à resituer dans le système global d’exploitation. Un engraisseur spécialisé de vaches aura une autre logique en identifiant à l’achat les meilleures candidates à l’engraissement et en faisant partir celles qui décrochent. « Si on peut faire un engraissement en 60 à 70 jours, il ne faut pas s’en priver, et ne pas aller au-delà de 100 jours. Le coût alimentaire reste le principal levier sur lequel l’éleveur a la main ; le second facteur de rentabilité est le rapport entre prix du maigre et prix du gras. »

(1) Organisme interétablissement du réseau chambre d’agriculture.

La conformation favorisée avec une NEC meilleure en début d’engraissement

"Il tend à y avoir un effet de l’âge et de la note d’état corporel (NEC) en début d’essai sur la conformation des carcasses", analyse Nicolas Dagorn d’Arvalis Institut du végétal. Les lots les mieux conformés seraient les lots de vaches de moins de 8 ans (2 vaches classées U- et 11 vaches classées R + sur les 24 du lot). Et au sein de chaque catégorie d’âge, une note d’état corporel supérieure en début d’engraissement a tendance à favoriser la conformation.

Le muscle se développe en priorité dans les 80 premiers jours

« La bibliographie montre que plus la durée d’engraissement augmente, moins on arrive à maintenir des performances », rapporte Nicolas Dagorn d’Arvalis Institut du végétal. « Des essais ont mis en évidence ce petit palier qui se situe entre 50 et 80 jours d’engraissement. » Après ce palier, le gain majoritaire est situé dans le gras, et déposer un kilo de gras demande beaucoup plus d’énergie que déposer un kilo de muscle. En même temps, l’augmentation de poids de tissus adipeux dans la carcasse réduit l’appétit de l’animal car l’augmentation de la lipémie (teneur en lipides du sang) exerce un rétrocontrôle négatif sur le centre de satiété. C’est aussi pour cette raison que les performances diminuent avec le temps.
Par rapport à l’âge des vaches, le décrochage des performances est très net au-delà de 13-14 ans, parfois dès 12 ans pour certains essais. À la fin de l’engraissement, on a à peu près le même poids de carcasse que pour des vaches jeunes. Les observations de Coutard et al. sur la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou dans le Maine-et-Loire, dans une synthèse des performances de leurs vaches limousines à l’engrais, vont dans le sens d’un effet de l’âge.
Les essais ne démontrent pas d’effet de la nature du régime et des aliments quand les rations iso UF et iso PDI, ni d’effet sur l’efficacité alimentaire du rapport PDI/UF. « Je conseille de viser 95 g PDI/UF pour assurer vis-à-vis de la recommandation Inra à 90 g. Mais rien ne sert de dépasser les 100 », rappelle Nicolas Dagorn.

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