Commerce international
Sésame contaminé : un retour à la normale des approvisionnements dès le second semestre ?
Suite au scandale du sésame indien contaminé à l’oxyde d’éthylène, le marché est en crise. Si, en graines conventionnelles, la tension devait redescendre au second semestre, les problèmes de sourcing devraient durer plus longtemps en graines bio.
Suite au scandale du sésame indien contaminé à l’oxyde d’éthylène, le marché est en crise. Si, en graines conventionnelles, la tension devait redescendre au second semestre, les problèmes de sourcing devraient durer plus longtemps en graines bio.
Le 9 septembre, « un opérateur italien détecte que des graines de sésame importées d'Inde comportent des résidus d'oxyde d'éthylène, une substance active », classée cancérogène et interdite pour les usages alimentaires dans l'Union européenne depuis 1991, rappelle le rapport de Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, présenté à la presse le 17 février. Depuis, nombre de produits à base de graines de sésame en provenance d'Inde sont retirés des rayons, des contrôles faisant état de teneurs en oxyde d'éthylène « très largement supérieures » à la limite maximale de résidus (LMR) de 0,05 mg/kg autorisée au niveau européen, allant jusqu'à 186 mg/kg, détaille
le document. Les professionnels de l’agroalimentaire ont vite réagi à cette crise sanitaire, en privilégiant les marchandises africaines au détriment de l’origine indienne.
Des disponibilités africaines limitées
« Ce scandale a mis une pression forte sur le début d’année sur les approvisionnements en graines de sésame dépelliculées, qui sont pour la plupart (à près de 80 %) importées d’Inde en ce qui concerne le marché UE », affirme Martin Rouanet, directeur du cabinet de courtage J. Rouanet Fils et Cie (basé à Bordeaux). Et d’ajouter : « Les acteurs qui ont anticipés ont vite pris des positions pour couvrir leurs stocks chez des fabricants africains. »
Cependant, la pression reste de mise pour deux raisons. « Primo, les stocks européens actuels étant bâtis à 80 % sur l’origine indienne, il n’y a peu de disponibilités dans l’immédiat. Secundo, en raison du nombre restreint d’opérateurs en Afrique qui peuvent fournir un produit dépelliculé de qualité, leur production est déjà engagée jusqu’en juin/juillet », explique le courtier. De plus, le Nigeria – « le pays qui aujourd’hui peut mettre le plus de produits dépelliculés sur le marché » - connaît d’importants problèmes d’encombrement portuaire.
Des graines bio encore plus difficiles à trouver
In fine, une fois cette tension logistique réglée au Nigeria – « d’ici la seconde partie de l’année 2021 », selon Martin Rouanet –, le marché devrait pouvoir s’approvisionner en sésame conventionnel, qui « peut être assez facilement remplacé par de l’origine africaine ». Les prochaines récoltes disponibles en Afrique le seront « en Ouganda, en Tanzanie et au Mozambique, des pays où les terres étaient déjà emblavées avant que l’Europe ne bloque l’origine indienne ».
En revanche, pour le sésame bio, c’est une autre histoire. « Il y a un vrai risque de pénurie au vu du délai nécessaire à la certification des terres et à leur mise en production », souligne le courtier. Ainsi, d’ici les prochaines récoltes qui seront réalisées « en Afrique de l’Ouest (Éthiopie et Soudan) », avec des disponibles exportables sur « novembre-décembre 2021 », le sésame bio sera rare, et les graines dépelliculées encore davantage. « Il y a très peu d’acteurs hors de l’Inde capables de proposer ce produit. Ainsi, à la contrainte de disponibilité du produit brut s’ajoute la contrainte d’outils de transformation », s’inquiète Martin Rouanet.
Une potentielle adaptation de la demande
Selon le courtier bordelais, deux éléments peuvent permettre de sortir de cette crise : d’une part, une possible baisse de la demande et, d’autre part, la création de filières d’approvisionnement maîtrisées. « De fait, certains industriels [de l’agroalimentaire] prendront peut-être la décision de ne plus utiliser de sésame, qui était déjà une contrainte forte en tant qu’allergènes. Par ailleurs, ils pourraient s’impliquer plus fortement dans la construction de filières et arrêter d’acheter des produits sans vraiment regarder les certificats et la façon de travailler des agriculteurs et transformateurs », s’interroge Martin Rouanet.
Selon le rapport sénatorial, la présence d'oxyde d'éthylène dans les graines de sésame pourrait de fait s’expliquer par l’application « d'un traitement préventif par fumigation », afin de réduire d'autres risques tels la présence de salmonelles, ou encore l'usage de la matière active en tant que pesticide durant la production.