S’affranchir du glyphosate et du labour pour détruire ses prairies
Des éleveurs enquêtés dans le cadre du projet Praigly utilisent des solutions mécaniques pour détruire leurs prairies sans labour ni glyphosate.
Des éleveurs enquêtés dans le cadre du projet Praigly utilisent des solutions mécaniques pour détruire leurs prairies sans labour ni glyphosate.
La destruction des prairies est une étape incontournable pour la rénovation d’une prairie permanente ou l’implantation d’une autre culture. Elle s’effectue majoritairement par labour ou par l’application de glyphosate. Or, l’emploi de ce dernier est très réglementé et reste en discussion. Par ailleurs, la pression sociétale pour une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires est de plus en plus forte. Le labour, quant à lui, entraîne un surcoût de l’ordre d’une quarantaine d’euros par hectare, accentue le risque d’érosion et n’est pas adapté aux sols superficiels, argileux ou très caillouteux. Aussi, le projet Praigly (1) s’applique-t-il à développer des solutions alternatives permettant de s’affranchir de l’utilisation du glyphosate lors de la destruction de couverts prairiaux. Dans ce cadre, le programme a exploré différents leviers mis en œuvre en exploitations agricoles. « Nous avons conduit une enquête auprès de dix éleveurs bovins du Grand Ouest, ayant testé des itinéraires alternatifs de destruction de prairies sans glyphosate ni labour pour connaître les facteurs qui, selon eux, conditionnent la réussite de la destruction », explique Michel Moquet, formateur chez Arvalis.
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Un travail superficiel de précision
La précision du travail et l’état du sol (humidité, état de la surface) représentent les deux critères les plus cités par les éleveurs. Ils arrivent largement en tête et ce, avant la météo qui, idéalement, doit être séchante après le passage des outils. « La destruction mécanique nécessite un travail superficiel avec des outils qui scalpent les plantes ou extirpent les racines du sol. Le contrôle de la profondeur de travail est indispensable à la réussite. Les agriculteurs insistent notamment sur le fait que le scalpage doit se faire sous le plateau de tallage, en laissant le minimum de terre sur la plante. Il détruit la plupart d’entre elles hormis les vivaces (rumex, chardon, pissenlit…). Les outils doivent donc être équipés d’un moyen de contrôle de la profondeur de travail, tel qu’une roue de jauge ou un rouleau. »
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Plusieurs passages nécessaires
Plusieurs passages sont également nécessaires, en moyenne cinq dans l’enquête (semis inclus). Plusieurs outils peuvent servir à détruire une prairie. Les outils à disques, avec deux rangées de disques montés en V ou en X. Les plantes déracinées sont ramenées en surface et sèchent au soleil. Les outils à dents, ou cultivateurs, peuvent aussi être utilisés. Certains outils équipés à la fois de dents et de disques font le travail des deux outils en un seul passage. Plus lourds que les outils à dents ou à disques seuls, ils nécessitent néanmoins plus de puissance. Pour une destruction sans labour ni glyphosate, il est conseillé de se servir d’outils à axes horizontaux, comme un rotalabour ou un rototiller car ces derniers permettent de bien casser les mats racinaires.
Le choix d’une technique et son efficacité dépendent du type de sol, de l’état du couvert, du temps disponible avant l’implantation de la culture suivante, de la période de destruction et du nombre de passages possible.
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Une destruction précoce
Une destruction précoce est également importante. Elle laisse le temps pour multiplier les passages et permettre la dégradation des débris végétaux avant l’implantation de la culture suivante.
« L’implantation d’une dérobée représente par ailleurs une piste intéressante mais aléatoire. Elle a l’avantage d’augmenter la production fourragère tout en limitant la pression des adventices. »
Ces interventions mécaniques montrent certaines limites sur des espèces ayant des organes de conservation (rhizomes) ou de multiplication végétative (stolons). L’agrostis stolonifère et le chiendent rampant sont notamment assez réfractaires à ces méthodes de destruction.
Des essais en cours, en stations
En parallèle, le projet comporte un second volet pour lequel des essais sont menés en stations expérimentales afin d’évaluer les effets agronomiques, environnementaux et économiques de différentes modalités de destruction de prairies sans glyphosate.
Les stations Arvalis de Bignan, dans le Morbihan et de la Jaillière, en Loire-Atlantique testent la destruction d’une prairie temporaire avant le semis d’un maïs, selon plusieurs modalités (destruction avec glyphosate, destruction avec labour, destruction mécanique superficielle, destruction tardive avec mécanisation superficielle pour pouvoir récolter l’herbe, implantation à l’automne d’un méteil dans la prairie avant sa destruction mécanique superficielle).
La station Arvalis de St-Hilaire-en-Woëvre, dans la Meuse et la station de la Blanche Maison, dans la Manche étudient différentes modalités de rénovation d’une prairie permanente (semis de colza en dérobée au printemps, semis sous couvert de méteil à l’automne, désherbage électrique, désherbage glyphosate). « La modalité semis sous couvert de méteil avant maïs marche bien. À l’inverse, dans la modalité destruction au printemps, on retrouve du ray-grass et du rumex. L’exploitation tardive en mécanisation superficielle fonctionne moins bien que celle en exploitation précoce. La première est efficace si le méteil fait du rendement. Les répétitions sont en cours et un complément travail du sol avec comparaison du matériel sera effectué. Le chiffrage sur les impacts économiques, le temps de travail, la consommation d’énergie, les GES… est en cours. Les résultats sont prévus pour la fin du programme en mars 2022 », explique Michel Moquet, formateur chez Arvalis.