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Résistance des prairies : « Mes vaches mangent de l’herbe sur pied en plein été à 800 mètres d’altitude dans le Tarn »

Dans le Tarn, le système du Gaec du Rodier repose sur un maximum de pâturage et un minimum de mécanisation. Pour passer l’été, l’éleveur mise sur deux mélanges de prairies à flore variée.

« En 2021, nous avons donné une ration aux vaches composée à plus de 50 % d’herbe pâturée », se félicite Sébastien Dubouchaud, associé du Gaec du Rodier. Dans le Tarn, alors que les étés sont chauds et secs, « c’est de plus en plus compliqué de sécuriser les prairies ». L’éleveur a pourtant réussi à produire du lait de pâturage estival, sur des parcelles séchantes et situées entre 600 et 800 mètres d’altitude, grâce à deux mélanges de prairies à flore variée (PFV).

Ces PFV sont conçues à partir du descriptif de la parcelle et de son utilisation, voulue par l’éleveur, avec l’aide de l’Inrae de Toulouse et du logiciel Capflor. « Nous pouvons composer le meilleur mélange du monde, si nous ne l’utilisons pas bien, il ne nous apportera pas ce que nous voulons. La clef de mon système, en agriculture biologique, c’est le pâturage tournant dynamique », cadre le membre du GIEE Qualiprat +, qui travaille sur le sujet des PFV.

À l’automne 2017, Sébastien Dubouchaud implante cinq hectares de PFV « pâturage précoce » destinés au pâturage de printemps et dix hectares de « sole d’été » pour la fauche précoce et la constitution de stock sur pied. La composition, sur mesure, permet aux parcelles « de rester vertes. Les vaches ont toujours quelque chose à manger en été », décrit Sébastien Dubouchaud, avec six années de recul.

Fiche élevage

Gaec du Rodier

• 4 UMO (deux associés, deux salariés)

• 108 ha de SAU, dont 58 ha de prairies permanentes, 39 ha de prairies temporaires décomposés en 10 ha de PFV sole d’été, 9 ha de PFV pâturage précoce et 10 ha de prairie dactyle-fétuque

• 50 brunes et brunes croisées jersiaises

• 270 000 litres produits, dont les deux tiers sont transformés en fromage à la ferme

• Vaches à 22-23 kg de lait au pâturage, 19 kg de lait en ration hivernale

• 35,5 de TP en moyenne et TB supérieur à 45

• Épandage de 15 t/ha de fumier sur les prairies de fauche et de 2 à 3 t/ha de sable calcaire, sur une trentaine d’hectares par an, pour remonter le pH

Sole d’été : fauche et stock sur pied

Le mélange, dit « sole d’été », est destiné à la fauche d’abord puis au pâturage estival. Il se compose de fétuque élevée, festulolium, plantain, lotier, trèfle blanc géant et intermédiaire, trèfle violet longue durée (4 ans). « Je fauche le plus tôt possible dans la saison. Ensuite la prairie, riche en légumineuses, sert à faire du stock sur pied. Je mets beaucoup de lotiers car la légumineuse n’est pas météorisante. Si j’ai le choix entre la pâture ou la coupe, je privilégie la pâture, car chez nous la deuxième coupe ne donne jamais de gros rendements et cela m’évite de sortir le tracteur. »

Les parcelles « sole d’été » entrent dans la rotation de pâturage début juillet, portant le parcellaire estival à une quarantaine d’hectares. L’alimentation des laitières est complétée par un repas en bâtiment composé de la première coupe et d’un mélange maïs grain-triticale à hauteur de deux ou trois kilos par vache. « Normalement, les vaches ont toujours 20 à 25 % d’herbe pâturée. Elles sortent nuit et jour. » L’été, le tour des paddocks est bouclé en 35 jours. « À l’automne, j’observe un regain de pousse des deux mélanges « pâturage précoce » et « sole d’été », à condition de ne pas les avoir trop râpés durant l’été, et la part d’herbe réaugmente dans la ration. »

 

 
La PFV sole d'été, dans la parcelle sous la croix, le 25 juillet 2019.
La PFV sole d'été, dans la parcelle sous la croix, le 25 juillet 2019. © S. Dubouchaud
 
La PFV sole d'été, dans la parcelle sous la croix, le 2 octobre 2021.
La PFV sole d'été, dans la parcelle sous la croix, le 2 octobre 2021. © S. Dubouchaud

Sécuriser avec du foin de luzerne

Les prairies à flore variée donnent « de bons résultats, apprécie Sébastien Dubouchaud. En été 2021, en ration 100 % herbe, les vaches, à six mois de lactation, produisaient 22 litres de lait avec des taux élevés : 35 de TP et 45 de TB. C’est notre meilleure performance ».

En 2022, année de sécheresse, pas de miracle : « Nous avons pris un bouillon. Sept hectares de « sole d’été » ont grillé, ainsi qu’une parcelle pâturage précoce. » Le Gaec a acheté 120 tonnes de foin de luzerne, soit trois fois plus qu’à l’accoutumée. « J’en achète un ou deux camions tous les ans, car je préfère sécuriser un système simple, sans trop de mécanisation, quitte à ne pas être 100 % autonome. »

Au bilan, Sébastien Dubouchaud considère le coût d’implantation, de 300 euros par hectare, comme « un investissement, et non pas un inconvénient car je l’amortis sur plusieurs années. Et je transforme du fromage au lait de pâturage plus longtemps ».

Composition des deux mélanges

Pâturage précoce : fétuque rouge 7 % ; RGA intermédiaire 8 % ; dactyle aggloméré 1,5 % ; pâturin des prés 15,5 % ; fétuque élevée tardive 9 % ; fétuque élevée demi-tardive 9 % ; RGA tardif 7 % ; festulolium 6 % ; RGH 4,5 % ; lotier corniculé 15,5 % ; trèfle violet 4,5 % ; trèfle blanc intermédiaire A 2,5 % ; trèfle blanc intermédiaire B 2,5 % ; plantain lancéolé 4 % ; chicorée 3,5 %.

Sole d’été : RGH 4 % ; RGA précoce diploïde 7 % ; RGA tardif diploïde 7 % ; festulolium (RGI) 7 % ; festulolium (RGA) 4 % ; pâturin 13 % ; fétuque élevée 18 % ; fétuque rouge 7 % ; dactyle demi-tardif 1 % ; trèfle blanc nain 2 % ; trèfle blanc géant 2 % ; trèfle violet 4 % ; lotier 17 % ; plantain 7 %.

Tableau valeurs alimentaires été 2023

Pâturage précoce : 13,3 % MAT ; 57 % digestibilité ; 0,71 UFL ; 77 PDI

Sole d’été : 15,8 % MAT ; 70 % digestibilité ; 0,82 UFL ; 87 PDI

Pâturage précoce : 5 à 6 semaines de plat unique

 

 
La PFV pâturage précoce,dans la parcelle noisetiers, le 5 juin 2019.
La PFV pâturage précoce,dans la parcelle noisetiers, le 5 juin 2019. © S. Dubouchaud
 
La PFV pâturage précoce, dans la parcelle noisetiers, le 1er juillet 2021.
La PFV pâturage précoce, dans la parcelle noisetiers, le 1er juillet 2021. © S. Dubouchaud

Le mélange « pâturage précoce » est composé de : ray-grass anglais, fétuque élevée, fétuque des prés, pâturin des prés et festulolium pour les graminées ; lotier, trèfle blanc nain, trèfle intermédiaire pour les légumineuses ; et un peu de plantin et de chicorée. « Le ray-grass anglais est séchant mais il est plus agressif à l’installation, précise Sébastien Dubouchaud. J’en avais besoin au début, le temps que la fétuque s’installe. Dans le mélange, tout n’est pas destiné à rester. Au bout de cinq ans, la prairie ne ressemble plus à ce qu’elle était la première année. Tout l’enjeu est d’obtenir une prairie qui continue à donner satisfaction dans la durée avec les espèces pérennes comme le paturin, les fétuques, les trèfles blancs, le lotier. »

Le top départ au pâturage est donné quand la somme de 250 degrés jour est atteinte, en partant du 1er février. Soit aux alentours du 10-20 mars. Les 50 vaches tournent sur 18 à 20 hectares au printemps. Le troupeau laitier fait un premier tour en 30-35 jours, en passant rapidement sur des parcelles de fauche pour déprimer. Puis, en pleine saison de pâture, il revient tous les 21 jours. « À partir du 1er mai, les vaches ont un plat unique : de l’herbe pâturée nuit et jour. Ça tient pendant 6 à 8 semaines, le temps de faire au moins deux tours. À partir du 15 juin, la pousse ralentit. » L’éleveur se repère « à l’œil pour faire le tour de pâturage : je regarde les graminées principales et je fais revenir les vaches à partir du moment où elles sont au stade trois feuilles ».

Grouper les commandes

Sébastien Dubouchaud fait partie du GIEE Qualiprat + depuis 2016. « C’est motivant. Nous sommes une quinzaine vraiment actifs. Nous échangeons, nous avons une conversation Whatsapp. Nous allons voir chez les uns et chez les autres où en sont les prairies. Nous gagnons du temps car nous voyons ce qui marche ou pas. » Le GIEE groupe les commandes de semences, afin de diluer les coûts. « Nous nous retrouvons chez un éleveur du groupe chaque année pour nous répartir les sacs : c’est toujours un moment de travail convivial. »

Caroline Auguy, animatrice du GIEE et de la chambre d’agriculture du Tarn, fournit aussi toutes les semaines la somme des températures aux adhérents, afin qu’ils donnent le top départ au pâturage.

Des couverts productifs pour mieux sécuriser les stocks

« Je dois renouveler une parcelle Capflor sole d’été, car elle a grillé en 2022, indique Sébastien Dubouchaud. J’ai semé, au printemps 2023, un couvert de colza fourrager, sorgho et trèfle d’Alexandrie qui a été pâturé en juillet et août en complément des PFV. Puis j’y ai semé un méteil fourrager en octobre, qui sera ensuite suivi d’un nouveau couvert colza et RGI pour allonger le tour de pâturage pour l’été prochain. Je renouvellerai le mélange Capflor au printemps 2025, pour une longue durée je l’espère. Désormais, je travaille sur des couverts productifs entre les prairies pour mieux sécuriser les stocks et favoriser une bonne implantation des PFV. »

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