Quel itinéraire technique adopter pour l’engraissement des chevreaux ?
Alimentation des mères, aliments d’allaitement, croisements… ValCabri a permis de tester différentes modalités d’élevages et de relever leurs incidences sur les performances techniques. Retour sur trois années d’essais en fermes expérimentales.
Alimentation des mères, aliments d’allaitement, croisements… ValCabri a permis de tester différentes modalités d’élevages et de relever leurs incidences sur les performances techniques. Retour sur trois années d’essais en fermes expérimentales.
La ferme expérimentale caprine du Pradel en Ardèche a été très impliquée dans ValCabri avec, notamment, trois essais pour évaluer les incidences de différents itinéraires techniques sur les performances zootechniques et la qualité des carcasses et viandes des chevreaux.
L’essai a, dans un premier temps, comparé l’utilisation de trois aliments d’allaitement différents : un lait maternel brut et deux laits reconstitués (enrichis en oméga 3) contenant 0 ou 65 % de poudre de lait écrémé (PLE), commercialisés par Bonilait. L’objectif était d’évaluer les effets des différents laits sur la croissance, les caractéristiques de la carcasse et la qualité des viandes des chevreaux.
Peu d’effets du type d’aliment d’allaitement
Le poids moyen des chevreaux à la naissance était de 4,7 kilos. La croissance a été similaire pour les trois lots avec un gain moyen quotidien (GMQ) naissance-abattage de 210 grammes par jour. Les chevreaux ont été abattus à 24 j, pour 10 kg de poids vif.
Les chevreaux nourris avec 0 % de PLE en ont consommé plus que ceux nourris avec 65 % de PLE (7,8 kg vs 6,2 kg de poudre par chevreau), mais le coût d’alimentation est resté plus faible (14,50 € vs 17 € par chevreau, prix janvier 2020).
S’agissant du lait maternel, les chevreaux ont consommé au total 37,7 litres (dont 20 l en lait post-colostral), soit 1,5 l par jour en moyenne. Le coût de l’alimentation des chevreaux nourris au lait maternel varie suivant la part de lait colostral apportée. Dans le cas de cet essai où la totalité du lait utilisé n’est pas du lait post-colostral, le coût d’alimentation varie de 12,50 €/chevreau si le lait est livré à la coopérative, à 35 €/chevreau si le lait est transformé sur la ferme en picodons AOP.
Les carcasses des chevreaux élevés au lait maternel étaient un peu moins grasses et un peu plus claires que celles des lots à 0 ou 65 % de PLE. Les qualités sensorielles de la viande analysées en laboratoire par un jury d’experts n’ont pas été différentes entre les trois modalités d’allaitement.
Peu d’écart entre alpins purs et croisés boers
Dans le dernier essai conduit, les performances de chevreaux (mâles et femelles) croisés alpins-boers et alpins purs ont été comparées. Avec un poids moyen à la naissance plus élevé, 4,75 kg pour les croisés, contre 4,46 kg pour les alpins, les chevreaux croisés semblent avoir une avance à la naissance. Mais, les résultats ont montré une croissance similaire pour les deux lots avec un gain de poids vif de 13,3 kg et un GMQ naissance-abattage de 260 g/j sur 52 j, pour un poids moyen à l’abattage très proche, de l’ordre de 18 kg.
L’indice de consommation de l’aliment lacté était de 1,38 pour les deux lots sur l’ensemble de la période avec un aliment d’allaitement à 0 % de PLE de Bonilait. Les aliments solides (foin de prairie et concentré type chevrette), distribué à partir de vingt jours d’âge, ont été très peu consommés, avec en moyenne 60 g/j de concentré et 100 g/j de foin sur les dix derniers jours. Au niveau économique, le coût d’alimentation d’un chevreau croisé est similaire à celui d’un chevreau alpin pur : 35 euros sur cet essai (sur la base du prix de la poudre de lait en 2021).
Les poids carcasse des mâles ont été identiques dans les deux lots : 11,1 kg. Au niveau morphologique, les chevreaux croisés ont présenté toutes les caractéristiques physiques de la race boer (animal massif et court sur pattes), qui se sont traduites par une longueur de carcasse plus faible, des gigots plus courts, et une carcasse mieux conformée que les chevreaux alpins purs.
Toutefois, ces différences sont restées modérées. Aucune différence de qualités nutritionnelles ou sensorielles n’a été observée entre les viandes issues des chevreaux croisés ou alpins purs.
Claire Boyer, Idele, Philippe Thorey, Idele
Intérêt du croisement avec des races à viande
Sur trois années, des essais ont été mis en place sur le pôle de phénotypage des petits ruminants (P3R) du centre Inrae Val de Loire de Bourges pour évaluer les intérêts du croisement de races à viande pour l’engraissement des chevreaux. L’objectif de ces essais était de comparer les performances de chevreaux de race pure alpine et de chevreaux issus d’un croisement avec un bouc d’une race spécialisée viande (boer) ou mixte (rove et pyrénéenne).
Les chevreaux ont été abattus à 45, 65 et 85 jours et ont été suivis sur les critères de croissance (suivi du poids et de la consommation, réalisation de mensurations et palpation) et sur la qualité des carcasses (conformation, état d’engraissement, mensurations, couleur de viande).
Croisement alpin-boer efficace
Cent quarante-trois chevreaux ont été suivis, avec des résultats en faveur des croisés alpins-boers qui ont présenté des croissances supérieures à celles des croisés alpins-roves et des alpins purs. Les croisés alpins-pyrénéens étaient en retrait, avec des indices de consommations beaucoup plus faibles. Dans cet essai, les chevreaux abattus à 85 jours avaient été sevrés à 65 jours. Le stress du sevrage a pénalisé leur croissance post-sevrage. D’un point de vue économique, il aurait été préférable de les abattre à 65 jours.
Réduire le coût de la phase lactée en chevreaux lourds
TopCabri vise à apporter des références pour l’élevage de chevreaux lourds. Un pas de plus pour une meilleure valorisation.
En lien avec la démarche de mise en place d’un label Rouge chevreau par le Syndicat caprin de la Drôme, un projet expérimental financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, piloté par Idele et porté par Cap’Pradel, a débuté en 2021. Il vise à apporter des références sur l’élevage et la découpe de chevreaux, dit lourds, c’est-à-dire minimum 60 jours et 8,5 kilos carcasse. Une vingtaine d’exploitations ont été suivies en 2022 afin d’établir des références technico-économiques.
Deux essais sont également mis en place à la ferme expérimentale du Pradel pour évaluer les incidences de différents itinéraires techniques sur les performances zootechniques, sur la qualité des carcasses et viandes des chevreaux lourds et sur le goût des produits. Le premier portait sur la nature de l’aliment d’allaitement et le suivant portera en 2023 sur le sevrage précoce à 40/45 j d’âge.
Enfin, un guide de découpe du chevreau lourd sera établi pour accompagner les opérateurs intéressés.
Dans l’essai conduit en 2022, trois aliments d’allaitement ont été étudiés : un lait maternel acidifié et deux laits reconstitués (enrichis en oméga 3) contenant 0 ou 33 % de PLE, commercialisés par Bonilait.
GMQ de 285 grammes par jour
Le poids moyen des chevreaux à la naissance était de 4,8 kg. La croissance a été similaire pour les trois lots, avec un gain de poids vif autour de 18 kg et un GMQ moyen naissance-abattage de 280 à 290 g/j. Les chevreaux ont été abattus à 65 j, pour 23 kg de poids vif en moyenne et 12,9 kg de poids carcasse.
Contrairement à l’essai ValCabri, les chevreaux nourris aux laits à 0 et 33 % de PLE ont eu une consommation similaire, avec un IC de 1,25. Mais le coût d’alimentation reste moins cher pour un chevreau alimenté au lait à 0 % de PLE par rapport à celui à 33 % de PLE (50 € vs 65 €/chevreau, sur la base des prix de début 2022).
Concernant le lait maternel acidifié, les chevreaux ont consommé au total 160 kg sur la période. Le coût d’alimentation varie de 110 € si le lait est livré à la coopérative (0,70 €/kg) à 320 € si le lait est transformé sur la ferme en picodons AOP. Ce coût peut être réduit en optimisant la part de lait post-colostral.
Les aliments solides (foin de ray-grass et maïs), distribués à partir de 20 j d’âge, ont été plus consommés par le lot alimenté au lait à 0 % de PLE, avec un coût alimentaire qui se situe entre 0,70 et 1 € pour des chevreaux non sevrés.
Dans cet essai (comme dans celui de ValCabri), les carcasses des chevreaux élevés au lait maternel étaient de couleur plus claire que celles des lots à 0 et 33 % de PLE. Les qualités sensorielles de la viande analysées par un jury d’experts ne sont pas différentes entre les trois modalités d’allaitement. Un test à l’aveugle a été proposé à la journée portes ouvertes du Pradel, et comme les experts, les éleveurs et techniciens présents pour déguster les morceaux de chevreaux n’ont pas trouvé de différences.
Au vu du prix de la poudre de lait, il apparaît important de trouver des solutions pour réduire le coût alimentaire sur la phase lactée. C’est tout l’intérêt de l’essai qui sera mené sur la ferme de janvier à avril 2023.